Marion Martinez : « La RSE est une flamme qu'il faut entretenir et qui demande un investissement régulier » - Premium

Le nom de votre entreprise « Rupture engagée » est issu du projet que vous avez mené : « #Jetaimemaisjetequitte »… De quoi s’agissait-il ? C'est une histoire que j'ai rarement l'occasion de raconter… Effectivement, c'est né d'un projet en 2019 qui s'appelle #Jetaimemaisjetequitte. En fait, je suis rentrée dans le développement durable et dans l'écologie un peu sur le tard. Je me considère d'ailleurs comme une ancienne catastrophe écologique car je me déplaçais, je m'alimentais, je m'habillais sans trop me poser de questions. Et puis un jour, j'ai eu un déclic en me renseignant, en mesurant tout l'impact de mes choix de consommation sur l'environnement. J’ai décidé, par exemple, de devenir végétarienne et de ne plus prendre l'avion. Mais souvent on me disait : « Je ne sais pas comment tu fais, moi j'aime trop la viande, j’aime trop voyager... ». Je répondais « Mais moi aussi j'aime trop la viande ! Ce n’est pas que je n'aime plus la viande, c'est juste que j'ai décidé de la quitter parce que ce n'était plus un comportement qui était aligné avec mon système de valeurs ». J'ai donc commencé à écrire des lettres de rupture à des comportements que j'ai abandonné. J’ai lancé le projet #Jetaimemaisjetequitte sur les réseaux sociaux et j'ai récolté environ 250 lettres de rupture de personnes qui ont abandonné la paille, les tomates en hiver, le bain enfin, plein de comportements qu'on aime fondamentalement mais que l’on quitte pour être un peu plus aligné. C'est donc de là que vient Rupture engagée. En créant votre entreprise, au départ vous vouliez travailler sur la transition écologique pour les particuliers et finalement vous avez changé de cible pour vous adresser aux entreprises. Pour quelles raisons ?Je travaillais déjà dans la RSE car j’ai longtemps bossé pour le label LUCIE et aussi pour la société EcoVadis. Quand j'ai commencé à récolter ces lettres de rupture de la part de particuliers, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire auprès de cette cible qui a son rôle à jouer. J'ai créé un programme de formation pour aider les citoyens à lever les excuses qu'on se trouve pour ne pas agir. Mais j'ai bifurqué sur les entreprises tout simplement parce que, quand j'ai commercialisé ce programme de formation, j'en ai vendu que deux. Ça a été un échec de mon début de vie entrepreneuriale. Et je me suis dit que finalement, les entreprises font aussi partie des gros points d'impact en matière de développement durable. Quels sont les intérêts de mettre en place une démarche RSE dans sa TPE ou PME ? La bonne raison de mettre en place une démarche RSE, ce sont les urgences environnementales, climatiques, que l'on ne peut plus ignorer. Il y a aussi des urgences sociales. Une étude qui est sortie la semaine dernière montre que 49% des personnes se sentent mal dans leur travail. Je pense qu’il faudrait quand même que l'endroit où on passe à peu près quarante heures par semaine, soit un endroit où on se sente bien… Il y a aussi des raisons plus pragmatiques pour les entreprises, comme par exemple le contexte réglementaire qui se durcit de plus en plus. Jusqu’à présent, cela concernait surtout les grandes entreprises ou les très belles PME, mais on voit que la réglementation se resserre de plus en plus. Si on veut continuer à travailler avec les grands groupes ou les grands comptes qui nous font travailler, il faut montrer patte blanche sur notre démarche RSE. On a aussi des collaborateurs qui ne veulent plus se tuer au travail. Peut-être que le Covid a eu au moins l'avantage de provoquer une crise de sens chez de nombreuses personnes qui veulent maintenant se sentir utiles et engagées dans leur quotidien professionnel. Et on a aussi les clients, les consommateurs qui sont de plus en plus en attente d'engagement, de transparence et d'éthique auprès des produits ou des services qu'ils achètent. Le prix, la qualité, ça compte, mais les valeurs qu'il y a derrière, ça compte aussi.« Le principal frein, c’est de ne pas trop savoir par où commencer »Quels sont les principaux freins ou difficultés que peuvent rencontrer ces entreprises pour se lancer ?Je pense que le principal frein, c'est de ne pas trop savoir par où commencer et d’avoir l'impression que c'est super compliqué. Comme c'est quelque chose de sérieux, de presque réglementaire, de très structurant pour l'entreprise, parfois on se paralyse et on n'avance pas. Quand on se fait accompagner, parfois on a d'autres freins qui peuvent être les ressources financières ou humaines. J'accompagne justement des TPE/PME qui n'ont pas un responsable RSE à temps plein. C'est souvent quelqu'un qui fait ça en plus de son métier. Donc il faut vraiment trouver des petites astuces, des programmes et un accompagnement qui permet de faire rentrer la RSE dans un quotidien déjà bien chargé. Parmi les freins, il y a peut-être aussi le fait de pas se rendre compte à quel point c'est important et peut-être même indispensable dans la vie des entreprises aujourd'hui. Sur quels sujets les entreprises sont-elles le plus mobilisées ? La RSE comporte autant une sphère environnementale qu'une sphère sociale. Les entreprises vont surtout penser à leur impact environnemental, alors que ce n'est pas forcément là où se joue le plus gros de l'impact qu'elles génèrent. Après, ça dépend énormément du secteur d'activité et de la taille de l'entreprise. Mais naturellement, une entreprise pense à réduire son impact carbone, à trier ses déchets parce que ce sont des sujets dont on entend parler tous les jours en tant que citoyen dans le quotidien et elle va peut-être moins penser aux achats responsables. C'est-à-dire essayer de trouver des fournisseurs qui sont eux aussi dans une démarche RSE. On peut avoir les plus beaux engagements RSE du monde, si on travaille avec des sous-traitants ou des fournisseurs qui sont à l'opposé de nos valeurs, on est forcément en incohérence parfois. Donc le sujet des achats responsables est souvent mis de côté. Un autre sujet auquel on ne pense pas souvent, c'est le fait de collaborer avec son territoire. Faire du mécénat de compétences avec des associations, essayer de faire fonctionner des entreprises locales, s'inscrire sur les évènements locaux, on n'y pense pas forcément non plus, mais ça aussi c'est de la RSE. Comment les entreprises font pour que la démarche évolue et dure dans le temps ?Je ne pense pas que se faire accompagner soit indispensable si on a une structure en interne, un cadre, des outils et des méthodes. C'est vraiment important. Il faut construire un socle, une base RSE qui a été structurée, formalisée avec un plan d'action, des indicateurs, des sujets qui sont priorisés par rapport à son secteur. Et surtout, il faut que le projet vive. Je dis souvent que je suis là pour mettre le pied à l'étrier à l'entreprise, pour lui donner des outils, des méthodes et des connaissances. Mais le projet ne s'arrête pas quand on arrête de travailler avec elle. La RSE est une flamme qu'il faut entretenir et qui demande un investissement régulier. Cependant, ce n’est pas quelque chose qui se rajoute dans l'emploi du temps, c’est censé infuser et s'intégrer dans le quotidien. Au début, ça prend un peu de temps pour structurer, formaliser, déployer, mais moins par la suite.Finalement, combien ça coûte de mettre en place une démarche RSE dans son entreprise ?On peut estimer un coût mais ça dépend évidemment de ce que l'on veut mettre en place. Pour donner un ordre d'idée, nous, on accompagne les entreprises soit ponctuellement pour une formation, un atelier de sensibilisation, un audit, ou un diagnostic. Là on va être sur des prestations qui sont entre 650 et 1.500 euros. Et puis parfois, on a des entreprises qui ont besoin de nous pour la mise en place de la démarche RSE de A à Z. En fonction de sa taille, on est entre 5.000 et 15.000 euros par an. Et puis parfois, on a aussi des démarches qui sont subventionnées. Par exemple, le bilan carbone actuellement pour les sociétés de moins de 500 collaborateurs est subventionné donc pour une PME de 50 collaborateurs, le coût est de 4.000 euros au lieu de 10.000. Les formations peuvent aussi être prises en charge.Des points communs entre piloter un voilier ou une démarche RSEJustement, vous avez lancé une formation plutôt originale, baptisée « Capitaine de la RSE ». Qu’est-ce que c’est et quels sont les objectifs ?C'est une formation qui est justement dédiée aux responsables RSE, pour leur apprendre à piloter leur démarche. La difficulté que je constate chez les entreprises, c'est qu'elles ont une démarche RSE mais elle s'essouffle, elle ne vit pas parce qu'il n'y a personne pour la piloter, pour impliquer les collaborateurs et pour la rendre concrète. Cette formation Capitaine de la RSE est assez innovante car elle se déroule sur un voilier toute une journée, en mer. Je pratique un petit peu la voile et je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de points communs entre piloter un voilier ou une démarche RSE. La voile, c'est un vocabulaire super particulier et quand on débarque sans connaître le vocabulaire, on ne comprend rien à ce qui s'y passe. En RSE il y a aussi un vocabulaire assez précis. Il y a donc besoin de simplifier pour rendre le sujet plus ludique et pédagogique pour que tout le monde comprenne. Deuxième constat : on peut avoir le plus beau bateau du monde, si on n'a personne pour nous aider à naviguer, on peut aller nulle part. C’est un peu comme en RSE. Si on a un beau projet mais qu'on a personne pour le faire vivre, on n'avance pas. Cette formation a aussi comme objectif de sortir du cadre, de se faire plaisir, de prendre l'air, de se reconnecter à l'océan et de se dire qu’il existe des techniques, des méthodes pour réussir à piloter sa démarche RSE, de la même manière qu'il y a des méthodes pour piloter son bateau.Vous venez de publier le rapport RSE de votre entreprise. Quels sont les engagements les plus forts que vous avez pris ?Effectivement, on vient tout juste de sortir notre deuxième rapport RSE. Cela nous tenait à cœur, dans un souci de transparence et d'honnêteté envers nos parties prenantes. On s'engage sur les sept thèmes de la RSE. Par exemple, on a une charte de bonne relation au travail. On a une charte éthique aussi qu'on envoie à nos fournisseurs et nos clients pour s'assurer que les relations se passent bien. Je trouve que le sport est assez important dans la vie donc on subventionne 20 euros par mois et par collaborateur pour leur activité sportive. On a financé l'inscription à la Sarabande qui est une course à pied à La Rochelle. On est aussi très impliqué sur le territoire. Par exemple, on donne une demi-journée par mois à l'association « à vélo sans âge » qui promène en vélo des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. On essaie aussi que la RSE soit dans le quotidien.Vous avez ouvert récemment une antenne de votre entreprise à Nantes. Quelles sont vos envies et perspectives de développement dans les années à venir ?On est une équipe de quatre personnes, dont une vient d'ouvrir le bureau de Nantes, qui est en train de se développer. Notre projet, c'est de continuer à nous développer et peut-être devenir une belle TPE ou une petite PME et de nous développer entre Nantes, La Rochelle et tout ce bassin vendéen sur cette côte ouest que l'on aime beaucoup et sur laquelle on aimerait bien s'implanter. Rupture engagée4 salariésCA 2023 : 250.000 euros

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