Financement de l’industrie régionale : « pas le même rapport au risque » entre banquiers et entrepreneurs - Premium

« La désindustrialisation, c’est un suicide stratégique. » Difficile de mieux résumer la perspective mortifère que représente la désagrégation du tissu industriel pour un territoire. Et donc l’impérieuse nécessité de reconquête en la matière. L’assertion n’émane pas d’un industriel néo-aquitain. Mais de Sandrine Kergosien, directrice des entreprises et des marchés spécialisés au sein du Crédit Agricole d’Aquitaine, à l’occasion des premières Assises du financement des entreprises industrielles régionales, qui se sont tenues il y a quelques jours près de Bordeaux. D’autant qu’il y a du grain à moudre. « Le tertiaire, c’est 80% des emplois en France », rappelle Ludovic Asquini, président du groupe lot-et-garonnais Nexteam, spécialiste des pièces métalliques pour le secteur ASD. Aussi martèle-t-il un premier credo : « La réindustrialisation, c’est convertir les mentalités et orienter les ressources, pas uniquement financières, vers les secteurs primaires et secondaires. »Pour relever le gant du défi industriel, « on doit innover, car on peut rarement être concurrentiel sur le prix. Il faut donc financer l’innovation », estime pour sa part Sébastien Chantreau, président du groupe girondin JS2C (sociétés AARC, EN2S, T2i), qui souligne non sans malice que « seul le Conseil régional a financé la startup » maison sur une activité émergente de fabrication d’abris solaires pour vélos. Car « de plus en plus d’entreprises ne répondent plus aux critères d’accès au crédit. La solution ne peut donc uniquement être l’accès au crédit, il faut trouver des alternatives », poursuit-il. D’autant que, héritage du « quoi qu’il en coûte », il y a les PGE (prêts garantis par l’Etat) à rembourser. Un impératif auquel Ludovic Asquini s’applique à ne pas déroger : « Le PGE nous a permis de vivre, c’était une manne providentielle, on doit le rembourser en s’appliquant à ne pas générer de nouvelles dettes dans le même temps. » Trouver le chemin communPour la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou Charentes, par la voix de Déborah Cherruault, membre du directoire, il y a quatre points clés pour accompagner la réindustrialisation : le financement de la décarbonation, le conseil (notamment pour la transformation des process industriels), le soutien à l’export et enfin le haut de bilan. Un dernier sujet sur lequel elle estime que les capacités des entreprises néo-aquitaines sont parfois plus faibles que dans d’autres régions : « le sujet a parfois été négligé, les entreprises ont été portées par la croissance régionale mais ont oublié de renforcer leurs fonds propres », déplore-t-elle. Les entreprises industrielles sont - souvent - familiales, une identité qui constitue parfois un frein à l’ouverture du capital. Aussi les banques ont-elles développé des fonds, moins gourmands en matière de rendements demandés que leurs homologues anglo-saxons ou néerlandais est-il souligné. « Je vois deux problèmes : la valorisation de l’entreprise et le risque de dilution, pointe Lionel Matias, président de l’UIMM Nouvelle-Aquitaine, il faut trouver des outils à destination des dirigeants fondateurs, qui permettent de contourner ces inconvénients de haut de bilan. »Autre sujet à travailler : « on n’a pas le même rapport au risque que le chef d’entreprise », confesse bien volontiers Sandrine Kergosien qui, dans le même temps, veut tordre le cou à l’idée de deux camps opposés, industriels d’un côté et banquiers de l’autre. « Tous dans le même navire », évoque incidemment Sébastien Robert-Charreau, directeur de Bpifrance en Nouvelle-Aquitaine, même ni aucun, autour de la table, ne parle de galère. « Notre vocation est d’abord de proximité. Si on n’accompagne pas les entreprises de notre territoire, on n’a pas l’occasion de se “refaire” ailleurs », abonde encore Sandrine Kergosien. Bpifrance, dont le directeur régional rappelle que « 90% des décisions relatives à la Nouvelle-Aquitaine sont prises par la direction implantée en région », est dans son rôle en finançant l’innovation. « Au début par avances remboursables et, plus on se rapproche de la mise sur le marché, plus on procède par prêts. Il est indispensable que les startups s’industrialisent en France si on veut les voir y rester », ajoute-t-il.Si aucune solution miracle ou plan de bataille structuré n’émerge des échanges de ces premières Assises du financement des entreprises industrielles régionales, les échanges témoignent d’une véritable volonté d’être coordonnés. Prendre langue et cheminer ensemble, première avancée de la matinée.

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