« Pour faire perdurer l'élevage, il va falloir trouver ce genre de solutions » : un méthaniseur va voir le jour près de Pau. - Premium

« Quelque chose de super vertueux », c'est ainsi que Georges Poublan décrit le projet Méthagri Pau Est, qui regroupe dix agriculteurs installés à l'est de la capitale béarnaise autour d'un projet de méthaniseur. Trois sont éleveurs de porcs à Nousty, deux éleveurs de vaches laitières et un éleveur de canards se trouvent à Sendets, deux troupeaux de brebis et une ferme équestre sont eux à Artigueloutan, la commune qui accueillera l'installation. « Les premières études ont été faites au moment où la société Eneria, une filiale de Caterpillar International, souhaitait sur la commune installer un méthaniseur, un gros projet de l'ordre de 20 millions d'euros d'investissement, qui allait chercher fumier et lisier dans un rayon d'une centaine de kilomètres, raconte Georges Poublan. La commune n'en a pas voulu, et ils sont partis s'installer à Hagetmau dans les Landes. Nous, on s'est dit, "on est des éleveurs locaux, on n'a pas besoin d'aller chercher le lisier à cent kilomètres, et on est capables d'investir pour faire un méthaniseur plus petit pour les fumiers de nos exploitations ».Car la méthanisation a tout d'une solution parfaite pour les porteurs du projet. Tous sont éleveurs, et tous partagent un même problème pour disposer de leurs effluents, fumier et lisier, dont les odeurs sont de moins en moins bien acceptées par les nouveaux ruraux, et dont l'épandage dans les champs est strictement encadré, restreint géographiquement et dans le temps. « C'est une excellente façon de gérer le problème collectivement, se félicite Georges Poublan. Dans le méthaniseur, on mettra lisier et fumier, donc des effluents d'élevage, on produira du gaz que l'on revendra sur le réseau, et on récupérera le digestat, que l'on remet dans les champs, qui a pratiquement la même valeur que les fumiers et lisiers, mais n'a pas l'inconvénient de sentir fort, et dont on peut connaître précisément le contenu. Avoir une unité de méthanisation, avec des salariés spécialisés pour la faire tourner, nous délivre de l'ensemble des épandages ».Entre dix et douze millions d'euros Le méthaniseur de Méthagri Pau Est travaillerait à peu près 50.000 tonnes d'effluents agricoles par an (soit environ 20% de la capacité du méthaniseur géant BioBéarn opéré par TotalEnergies). Il devrait tout de même produire 240 mètres cube par heure de méthane, soit l'équivalent de la consommation de 3.000 ménages, et employer trois à quatre salariés. L'investissement total est estimé entre dix et douze millions d'euros, dont les porteurs de projet apporteront 15%. 20% seront couverts par des subventions de la région et de l'Etat, espèrent les porteurs du projet, et le reste par l'emprunt. « Aujourd'hui, une installation de méthanisation, parce que l'Etat aide en surpayant un peu le gaz produit, peut être amortie en douze-quinze ans, considère Georges Poublan. C'est quelque chose qui peut être rentable pour les apporteurs de capitaux, mais c'est surtout une activité qui a vocation à être équilibrée et à nous permettre de gérer les effluents d'élevage de façon organisée ».Les dossiers d'obtention de permis de construire et d'exploiter ont été déposés fin 2019, mais suite à des recours d'opposants devant les tribunaux administratifs, la construction ne devrait commencer que début 2024. « Il faut trois ans pour obtenir une réponse du tribunal sur les permis, regrette Régis Junca, propriétaire de la Bergerie du Tilh et l'un des associés. On a bon espoir que tout se règle maintenant rapidement, mais on a quand même perdu trois ans et demi. C'est long, cela représente des coûts, du manque à gagner, c'est frustrant, surtout quand des opposants se servent de ces procédures pour décourager les agriculteurs ».« Sécuriser économiquement des exploitations »« La méthanisation est une chance pour un territoire comme le sud-ouest, reprend Georges Poublan. La première industrie de la Nouvelle-Aquitaine, c'est l'agriculture. Nous sommes une zone d'élevage et on doit continuer à l'être. Si en même temps, avec des effluents d'élevage, on est capables de produire de l'énergie, c'est extraordinaire ». Elle permet aussi d'apporter un complément de revenus stable aux agriculteurs, particulièrement exposés aux fluctuations des marchés mondiaux et aux risques sanitaires, considère Régis Junca : « Le prix du porc varie, les producteurs laitiers sont soumis aux maladies, aux cours mondiaux… ce sont des choses qui peuvent sécuriser économiquement des exploitations d'élevage sans dénaturer leur activité. Si on veut faire perdurer l'élevage en France, il va falloir trouver ce genre de solutions ».« La capacité actuelle de la France en termes de biométhane est de 11TWh/an, soit l'équivalent d'à peu près deux tranches nucléaires, rappelait à Placéco Dominique Mockly, PDG de Teréga, lors du « Winter Outlook » de l'entreprise début octobre dernier. Cela reste faible, mais ce n'est déjà pas mal. À l'horizon 2030, il serait possible de produire 50MWh par an. C'est l'équivalent du gaz russe qui était importé en France avant la guerre en Ukraine. Si l'on se projette au-delà, concluait Dominique Mockly, à l'horizon 2050 la France a la capacité de produire tout son gaz sous forme de biométhane. Nous sommes un grand pays agricole, il n’y a pas de raison qu’on n’en soit pas capables ».

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