Les Biscuits de Mr. Laurent veulent « s'enraciner » pour mieux grandir - Premium

Faire parler Philippe Laurent de son entreprise tient de la gageure. Non pas que le fondateur des Biscuits de Mr. Laurent soit particulièrement mutique, au contraire. Mais le faire parler de chiffre d’affaire, de volume de production et d’investissement a l’air de l’ennuyer. Ce qui l’intéresse, c’est de raconter une histoire. Cela pourrait être de l’affectation, mais il y a, chez Philippe Laurent, une sorte d’émerveillement sincère devant l’entreprise qu’il a créée. Et puis, après tout, il est vrai que l’histoire est belle, et qu’il la raconte bien. C’est celle d’un professeur de saxophone dans la fonction publique en Normandie dont l’épouse, musicienne également, est mutée dans le Béarn. Philippe Laurent ne veut pas reprendre à Pau son métier de professeur. « Je voulais créer une entreprise, raconte-t-il. Je voulais savoir de quel bois j’étais fait. » Comme il aime la pâtisserie, il fera des biscuits. Et comme il s’appelle Laurent, la marque s’appellera « Les Biscuits de Mr. Laurent » : c’est aussi simple que ça. Mr, à l’anglaise, et pas M. à la française. C’est pour que le client ne confonde pas l'abréviation avec une initiale, explique-t-il. Car le fait d’y apposer son nom est important. C’est aussi pour cette raison que son projet ne sera pas un commerce, mais bien une entreprise : « Je voulais créer une marque, dit-il. Il insiste sur ce terme. Une marque, c’est une empreinte, un tampon. C’est laisser sa trace. » En octobre 2011, l’aventure commence. Monsieur Laurent lance le « Denier de Navarre », un biscuit en forme de pièce de monnaie. Sans laboratoire, sans boutique, il fait produire et vend sur les marchés. Rapidement, « ma comptable me dit stop ». Il faut augmenter la marge. Alors, Philippe Laurent passe un CAP de pâtissier et commence à produire lui-même. Un an plus tard, « le chiffre est meilleur, mais les charges ne diminuent pas », et sa banque refuse de lui prêter de l’argent pour ouvrir une boutique. « Alors je retourne sur les kermesses et les marchés », raconte-t-il. Jusqu’au premier déclic. Un soir, Philippe Laurent fait des cookies pour sa belle-fille, « avec autant de chocolat que la recette pouvait le supporter ». « Ça, dit celle-ci après avoir goûté, c’est le cookie de la mort qui tue ». « Vous savez ce que c’est, un baroud d’honneur ? interroge Philippe Laurent. C’est ce que l’on fait quand tout est perdu et que l’on joue le tout pour le tout. À cette époque, je travaille énormément pour gagner très peu, alors je me dis, quitte à faire un truc pour finir, autant le faire en rigolant ». Il trouve sur internet une image de tête de mort et d’os en croix, et écrit au feutre rouge sur sa petite vitrine : « Cookie d’la mort qui tue ». « J’en vendais un peu, ceux à qui j’en vendais revenaient, mais je n’en vendais toujours pas assez ». C'est alors que vient le deuxième déclic : il décide de fabriquer ses cookies sur les marchés. « J’ai chargé tout mon matériel dans ma Polo, et j’ai commencé à cuisiner. À l’odeur, j’ai attiré les clients de l’autre bout du marché. Et j’ai vendu beaucoup de cookies. » Un an plus tard, son banquier finit par se laisser convaincre. À partir de ce moment-là, tout accélère.Plusieurs boutiques et un nouveau laboratoire« J’avais tellement ratissé tous les marchés du Béarn que je m’étais fait une énorme campagne de communication sans même m’en rendre compte », sourit Philippe Laurent. En février 2016, il ouvre une première boutique à Idron. En octobre 2017, une seconde à Pau. En août 2021, une boutique et un laboratoire à Lescar. Cette dernière étape est aussi celle du changement d’échelle : 520 m², un investissement de 1,2 million d’euros, dont 100.000 euros dépensés dans la robotisation de la production. « Nous avions trois objectifs : conserver les recettes, augmenter les quantités, et limiter au maximum les troubles musculo-squelettiques », détaille l’entrepreneur. Le nombre de salariés grandit aussi, ils sont aujourd’hui 17.Quand il fait visiter son site de production, Philippe Laurent a une anecdote, un motif de fierté, dans chaque recoin, derrière chaque porte. Comme s’il n’en revenait pas de son propre succès. « Je trouve ça incroyable, admet-il. On est une toute petite entreprise locale, mais on essaie de faire le mieux possible, et on ne veut pas accepter la médiocrité ». Peu à peu, ses proches ont rejoint l’entreprise. Sa belle-fille, il y a un an, puis son fils quatre mois plus tard. Monsieur Laurent aurait-il créé une entreprise familiale sans le savoir ? « Ça en prend le chemin », sourit-il. Mais cela implique aussi une nouvelle responsabilité. « C’est important pour moi de savoir que c’est une entreprise locale, qualitative et pérenne, qui durera après moi. Que deviendra-t-elle dans un an, dans cinq ans, au-delà ? »Consolider le modèle économiqueL’heure est donc à la consolidation. « La plante Les Biscuits de Mr. Laurent a fait beaucoup de feuilles. C’est très bien, constate l’entrepreneur. Mais si je veux qu’elle continue de monter, il va lui falloir des racines. C’est là-dessus que l’on travaille depuis des mois ». C’est d’abord un travail sur les valeurs de l’entreprise. Il en définit trois. « La première, et la plus compliquée, c’est l’esprit d’équipe, commence Philippe Laurent. Que tout le monde comprenne ce que je pense, que l’on aille tous dans la même direction ». La seconde, « l’innovation et la créativité : ne jamais copier, toujours innover ». La troisième,

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