Commerce : « Les années à venir vont être complexes » - Premium

Le commerce se porte-t-il bien à Pau ?Jusqu’en janvier il allait bien. On ne va pas le cacher, la météo a sauvé notre fin d’année 2023. Il y a eu énormément de flux, et heureusement, ça a permis de compenser la baisse de la consommation. En revanche, depuis janvier, comme tout le monde, cette baisse de la consommation nous rattrape. Ça ne se voit pas sur les flux, les compteurs sont positifs sur les passages, mais en matière de consommation, il y a du décalage ou du frein. L’actualité n’est pas rassurante, l’économie fait peur : cela entraîne forcément des reports d’achats. Et puis les vacances ont profité au ski, et c’est un budget. Il y a des arbitrages qui sont faits, et ils se font en défaveur du commerce.Certains secteurs sont-ils plus touchés que d’autres ?Les secteurs les plus touchés sont les vêtements et les chaussures. Burton est tombé, c’était une institution à Pau. Le dossier des Galeries Lafayette est assez bancal, leur clientèle a une moyenne d’âge élevée et il n’y a pas une grande dynamique sur la rénovation de leur partie franchisée. Globalement, c’est un secteur qui se transforme vite : la seconde main prend de plus en plus de poids, les enjeux éthiques aussi. Beaucoup d’indépendants ont fait le choix de vendre moins, mais plus qualitatif. C’est un choix stratégique : en temps qu’indépendant, tu ne pourras jamais aller concurrencer Zara sur un t-shirt, autant aller sur un produit complémentaire ou bien très différent. Et c’est là que le mix entre indépendants et grandes enseignes et ultra-important pour un centre-ville.À lire également - En centre-ville de Pau, la renaissance du commerce« L'animation amène les gens en ville, au commerçant de transformer l'essai »À Pau, quelle est la proportion de ce mix ? On n’a jamais eu de vrai compteur, mais on va se pencher dessus. Je pense qu’en proportion, on doit être à 50-50 entre les indépendants et les enseignes nationales, franchisées ou succursales. C’est un bon équilibre. Les enseignes nationales sont des locomotives reconnues, et le panel d’indépendants est là pour se démarquer autrement.Géographiquement, quels secteurs sont aujourd’hui les plus dynamiques ?Le Palais des Pyrénées se remplit. La rue Carnot est en progression, le Passage Carnot est une vraie réussite, avec énormément d’animations. Globalement, c’est tout le quartier qui a une vraie dynamique. La rue est plus propre, plus large, c’est un axe qui bouge, qui est ultra-passant. Le contour des Halles est aussi positif, la rue Serviez a une très bonne fréquentation.Vous mentionniez les animations commerciales du Passage Carnot, est-ce un élément important pour le commerce en ville ?On peut faire un comparatif. Avec la précédente municipalité, le calendrier était beaucoup moins actif en matière d’attractivité, d’animation, de possibilité de faire des choses… l’animation amène les gens en ville. Après, c’est au commerçant de transformer l’essai. Il va y avoir le Grand Prix historique de Pau : c’est de la consommation en famille, de l’hôtellerie, de la restauration… On va bientôt avoir Pâques, avec un jeu de piste pour les enfants organisé dans tout le centre-ville… l’année dernière, quand l’animation avait pris fin à 21h40, la Place Clémenceau était encore pleine. La braderie aussi, c’est quelque chose qui amène en ville des gens qui n’y vont pas en temps normal.Qu’en est-il des différentes périodes de promotions qui se sont enchaînées pendant l’hiver ? Black Friday a été moyen, et on revient à l’enjeu de l’achat éthique qui monte en puissance. Il a aussi été très moyennement suivi par les enseignes. Pour ce qui est des soldes… beaucoup d'enseignes font une opération commerciale toutes les quatrièmes semaines du mois. Résultat, entre Noël et les soldes, on est pratiquement tout le temps en « opé. » . Les soldes arrivent, tout de suite après, et souvent avec des remises moins fortes. Mais c’est un outil vital pour les indépendants, c’est le moment où on peut vendre à perte et se refaire de la trésorerie.À lire également - Commerce : Pau rassemble sa « Team franchise » « Le climat actuel ne donne pas envie de consommer de façon sereine »Y a-t-il un risque que les commerçants se retrouvent « piégés » dans un cycle d’opérations commerciales hors desquelles les clients ne consommeront pas ? C’est possible. Je pense que le consommateur est perdu sur la notion du juste prix. Et il y a des secteurs d’activité où on peut se poser la question ! Si un produit est toute l’année en promotion… Après, dans le textile, il est démontré que pendant les opérations commerciales les gens ont un panier moyen supérieur de 20% aux périodes hors-opérations. À l’hiver 2023, l’enjeu de la facture d’électricité était très important pour les commerçants. La situation s’est-elle apaisée cet hiver ? On a tous reçu nos régulations, et elles ont piqué ! Après, c’est quelque chose de global : il y a de l’incertitude politique, un climat mondial pas très rassurant, les matières premières ont pris des coûts exorbitants. Pour nous, le cours de l’or est très très haut, par exemple. Et puis la remontée des taux va faire baisser la consommation… le climat actuel ne donne pas envie de consommer de façon sereine.Pau se revendique comme une ville qui est parvenue à enrayer la désertification de son centre historique. Vu le contexte actuel, y’a-t-il un risque de voir revenir ce phénomène ?Certains trouvent que l’herbe est plus verte ailleurs… mais il ne faut pas aller bien loin pour voir l’état de certains centres-villes. J’ai croisé des présidents d’associations de commerçants au salon de la franchise, ils citent tous Pau pour son dynamisme. Il y a ici une volonté de la mairie, et une vraie intelligence des trois parties, Mairie, CCI et commerçants, à vouloir avancer ensemble et faire progresser la ville. Effectivement, les enseignes nationales tombent et les années à venir vont être complexes. Mais le commerce évolue. Il y a de très bons concepts qui apparaissent, portés par des excellents commerçants.« Un gros travail à faire » sur le sport et la mobilitéComment voyez-vous cette évolution ? Il y a quinze ans, il n’y avait pratiquement plus de commerces alimentaires en centre-ville. Aujourd’hui, ils reviennent. Pourquoi ? Parce que les gens reviennent habiter en centre-ville, il y a 1.300 riverains de plus qu’il y a quinze ans dans le cœur historique de Pau. Le consommateur a une volonté de vivre différemment : il y a eu le rêve « le pavillon, le jardin, le chien, le break », des gens qui partaient à l’extérieur de la ville. Ensuite, on est passé au tout-numérique, avec des gens qui se faisaient tout livrer. Maintenant, on voit arriver une tendance de consommation plus éthique, plus réfléchie, avec des déplacements à pied. C’est aussi possible parce que les centre-ville se sont réadaptés, sont devenus confortables et propres. Il faut prendre en compte ces paramètres dans le commerce. Il y a quinze ans, les Halles n’étaient pas ouvertes le dimanche matin. Aujourd’hui, c’est un pôle d’animation. C’est un tout, mais il a fallu dix ans pour le mettre en place. Quelle sera l’étape suivante, selon vous ? On a l’air de partir sur quelque chose de très écologique. Ça aura un coût, ça sera relativement urbain. Je crois qu’il faut que les agglomérations réfléchissent vraiment à la notion de service, à la qualité et la desserte des bus, pour que les gens puissent circuler facilement d’un côté à l’autre de la ville. Il faut que les mobilités douces se développent. Le Fébus était déjà une évolution énorme ; mais la communication sur les parkings-relais n’est pas assez appuyée, il faut qu’on travaille sur cette partie-là. Il faut aussi communiquer sur la navette Coxitis, sa fréquence, sa gratuité. On a les outils. Il faudra aussi mieux exploiter les événements sportifs. Prenez le meeting d’hiver, le 5 étoiles de Pau : ce sont des circuits uniques, qui amènent des gens qui ont de gros moyens. Et on n’a jamais fait de relais entre le centre-ville et l’Hippodrome. Il y a de grosses équipes sportives à Pau, à chaque match ce sont 7, 8, 9, 10.000 personnes qui viennent : il faut qu’on les informe qu’il y a, à côté, un centre-ville avec des commerces, de la restauration, un cœur historique qui se visite… Il y a un gros travail à faire sur ce sujet avec tous les acteurs.

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