Monnaie locale complémentaire : la tinda veut passer au numérique - Premium

Il y a neuf ans apparaissait une drôle de monnaie dans le Béarn. La tinda, à prononcer tind, lancée en juin 2015, néologisme issu du verbe béarnais « tindar » signifiant tinter (en référence aux cloches de vaches). Presque une décennie plus tard, et au-delà du nom qui se veut lui-même ancré sur son territoire, la tinda entend jouer pleinement son rôle de monnaie locale complémentaire. Ici, et comme pour les 83 autres monnaies de ce genre, une tinda égale un euro. 65.000 tindas (donc euros) circulent sur le territoire, entre les mains de 200 prestataires et 1.000 utilisateurs. « Concernant les professionnels, on a tous types de profils, présente à Placéco Pierre Teixido, membre du collectif de gestion de l’association De main en main. La majorité sont dans l’alimentaire et dans l’agriculture, mais on compte aussi l’artisanat, la médecine douce… Là, je viens de recevoir la candidature d’un technicien qui vient réparer de l’électroménager en vélo. » Oui, la candidature. Car la tinda, comme ses homologues, se veut vertueuse et connectée à son territoire. Selon un rapport du mouvement Sol datant de 2021, un paiement en monnaie locale complémentaire générerait 1,25 à 1,55 fois plus de revenus pour le territoire que l’euro. Parmi les prestataires adhérents, donc, pas de grandes enseignes de fast fashion ou de temple américain de la junk food. « Nous avons deux outils pour vérifier les engagements des prestataires qui veulent adhérer, reprend Pierre Teixido. Notre charte, qui est un peu l’ADN de notre association, et qui reprend les mêmes idées que les autres monnaies locales. L’économie circulaire, l’ancrage sur le territoire, la transition écologique entre autres… Les piliers de la finance éthique. Après, nous avons un questionnaire que le professionnel remplit, pour qu’il détermine son niveau d’engagement. Il y a des questions sur l’approvisionnement, sa dynamique sur le territoire béarnais, sa vision de la justice sociale également… » Si tous les voyants ne sont pas au vert, l’association peut décider d’accepter la candidature du professionnel concerné, et de l’accompagner pour être plus vertueux… en le mettant en relation, par exemple, avec d’autres prestataires du réseau. « Par exemple, illustre notre interlocuteur, un brasseur vient d’intégrer notre réseau. Il était embêté sur la partie des étiquettes, il en voulait des plus locales… Nous l’avons orienté vers un prestataire imprimeur. »Dépasser les 100.000 tindas en circulation Sauf que voilà. Pour la petite association, qui compte une quinzaine de bénévoles actifs (sans compter tous ceux y ayant adhéré), les années post-Covid ont freiné son développement. En cause, des difficultés pour mobiliser ses membres, et la suppression du seul poste de salarié, basé sur des subventions publiques difficiles à trouver. Alors, 2024 se veut être l’année de la relance. Avec une priorité dans sa feuille de route : proposer une alternative numérique aux coupons papiers. Une évolution qui a fait ses preuves pour l’eusko, notamment, monnaie basque aux 4 millions d’euros convertis. « Cette année, on va mettre en place tous les systèmes informatiques et accompagner ce déploiement du numérique. On se base sur Lokavaluto, une structure d'informaticiens qui accompagnent les monnaies locales, en mettant à disposition tous les outils nécessaires. Que ce soit pour la monnaie numérique, le drive, le site web… Et tout est sécurisé grâce à la technologie blockchain », développe Pierre Teixido. Mais au-delà de l’intention, aucun objectif chiffré n’est pour le moment avancé. Car il faudra aussi réviser le site internet. « Si on arrive à passer 100.000 tindas en circulation d’ici 2024, ce sera déjà très bien », esquisse notre interlocuteur. Et d’ajouter : « Après, plus il y en a, mieux c’est ! »

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