Jean-François Egron : « La réputation de ville-dortoir de Cenon est en train de s’effacer » - Premium

Lorsqu’on parle d’attractivité, la question de la mobilité joue un rôle majeur. Cenon est-elle une commune suffisamment accessible, aujourd’hui ? Tout d’abord, on a bénéficié d’une bataille, celle du tram, et si au départ il était plutôt destiné à la rive gauche de la métropole, il faut avouer qu’aujourd’hui c’est une chance qu’il desserve la quasi-intégralité de la ville. Pour autant, ça ne suffit pas. En 2017 par exemple, nous étions candidats pour qu’un tramway supplémentaire vienne se connecter à la gare de Cenon - on estime qu’entre 4.000 et 8.000 personnes passent par ce pôle multimodal chaque jour. Le projet repris aujourd’hui est celui d’un bus rapide qui partirait de la gare, traverserait le pont Chaban-Delmas, les boulevards, pour revenir à Cenon, ce qui serait une bonne chose. Et puis, il y a le projet de télécabines pour lequel nous sommes candidats, avec Bordeaux et Lormont. Je pense qu'il est essentiel de travailler l’intermodalité, tous les moyens de transport. Sur le plan des entreprises, comment rendre la ville plus attractive ? Comment leur donner l’envie de s’y installer ? Il faut savoir que 77% des gens traversent quotidiennement la Garonne pour aller travailler sur la rive gauche, qui concentre plus de deux-tiers des emplois. C’est la raison pour laquelle avec le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, et les maires de la rive droite, nous avons réussi à obtenir l’opération d’intérêt métropolitain qui compte Bassens, Lormont, Cenon et Floirac. L’idée, c’est de développer des pôles d’excellence. Mérignac a l’aéronautique, Pessac et Talence, la recherche et l’innovation… Nous avons proposé que Bassens soit le centre d’attractivité de cette OIM en matière de nouveaux carburants, d’usages comme l’hydrogène ou la méthanisation, car la commune accueille déjà beaucoup d’industriels. En parallèle, à Cenon, développer le réemploi des matériaux de façon intelligente nous semble quelque chose qui fonctionne bien.Travailler le réemploi et l'insertion C’est donc ce secteur sur lequel vous souhaitez mettre l’accent ? Oui, car quand il y a un pôle qui est fort en termes d’image, de structures, tout le monde en profite. Notre commune n’est pas grande, 550 hectares, nous n’avons pas de terrains à outrance. Nous avons plusieurs démolitions prévues dans des projets de renouvellement urbain, l’idée est de pouvoir broyer puis réemployer le béton par exemple, et les autres matériaux. Mais le réemploi ne concerne pas que la construction : nous avons une grosse association à Cenon, Espace Textile, qui forme des personnes à la couture et travaille à la récupération de textiles. C’est même une belle histoire car nous avions une mercerie qui nous a permis, durant le confinement, de produire des masques, mais qui a dû fermer. Espace Textile a récupéré tout le stock de ce commerce et a ouvert une mercerie solidaire dans son espace. La question du retour à l’emploi est effectivement très importante, à Cenon… Quels sont les leviers pour accompagner ce public ? Disons qu’on est un peu comme les Shadocks, on pompe tout le temps. Cenon compte 38% de logements sociaux, et une grande majorité de personnes en difficulté et sans emploi. Or, dès qu’elles en trouvent un, elles s’en vont et sont remplacées par des personnes en difficulté... Nous avons un devoir permanent de créer des emplois. Près des quartiers il y a deux organes importants, le PLIE, plan local d’insertion et d’emploi, qui accompagne les personnes à se mettre en condition pour trouver un emploi. Et l’ARCQ, atelier du réemploi et de la qualification de Cenon, qui travaille sur la filière réemploi avec les habitants. Changer d'image pour attirerVous menez deux projets de renouvellement urbain, celui du quartier de Palmer, et celui de Saraillère. Est-ce qu’un changement d’image est nécessaire, à Cenon ? Oui, je pense qu’il l’est. Sur Palmer, on avait déjà des commerces en pied d’immeuble, un service administratif… Nous développerons cela avec une mairie de quartier beaucoup plus vaste, dotée de moyens adaptés. Et puis, il y a aussi Domofrance qui loue des locaux à des entreprises ! Quant à Saraillère, il n’y avait pas de commerces et nous créerons deux services, une crèche et un centre pour les jeunes qui fera de la formation, de l’insertion et de l’animation sportive. Mais vous savez, nous avions 53% de logements sociaux en 1995, aujourd’hui, 38%. On a des familles à revenus moyens ou supérieurs, et on essaye de créer une osmose entre nos 26.000 habitants, qui comptent 80 nationalités différentes. C’est un peu notre marque de fabrique.Qu’en est-il des zones d’activité de Cenon ? Nous en comptons deux. Nous menons un projet sur la zone d’activité Jean Zay, qui a pu être dynamisée par la mise en place de la zone franche urbaine - ZFU. Nous avons pu accueillir des entreprises, beaucoup sont restées mais il faut revoir les choses aujourd’hui. Prendre en compte les modifications liées à l’environnement, et réaménager la voirie. D’ici trois ou quatre ans, ce seront 100 à 150 emplois supplémentaires qui seront créés ! En 1995, la ville comptait 900 entreprises et 2.000 emplois, aujourd’hui, c’est 2.000 entreprises pour 9.000 postes - en grande majorité sur la zone franche. Beaucoup de sociétés veulent revenir s’installer ici, car en plus de l’évolution de la zone d’activité, la réputation de ville-dortoir est en train de s’effacer, nous développons les équipements comme la piscine. Trouvez-vous qu’il y a parfois une métropole à deux vitesses ? Entre des communes très attractives et d’autres, dont peut faire partie Cenon, qui le sont moins ? Oui, c’est une réalité. Historiquement sur la rive droite, il y avait beaucoup d’entreprises comme des cimentiers, des chantiers navales, des fabricants de matelas, ou l’usine Lesieur… Mais elles ont disparu et en grande majorité, il n’y a pas eu de reconversion. On a eu l’habitude de défendre notre commune seuls. Mais Alain Anziani, aujourd’hui, a la volonté que la métropole soit une, que le fleuve ne soit pas une frontière mais un paramètre.

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