Industrie de défense : le 64 sur le pied de guerre - Premium

Il faut un talent certain pour faire souffler un vent glacial sur une assistance quand, à l’extérieur, le thermomètre flirte avec les 40 degrés. C’est pourtant ce à quoi est parvenu, ce lundi, le général Laurentin. Patron des forces spéciales de l’armée de terre, dont l’état-major se trouve à Pau, et délégué militaire départemental, le gradé intervenait, à l’UPPA, devant un parterre d’élus et d’industriels du territoire. Et dans son propos introductif, le général Laurentin ne prend pas de pincettes. « Notre démocratie est attaquée tous les jours, sur notre territoire par des pays qui ne nous veulent pas du bien, la Russie en fait partie, la Chine également », assène-t-il. Puis, de conclure, « pas de naïveté, pas d’angélisme, mais pas de catastrophisme. C’est collectivement qu’on va gagner cette guerre qui s’annonce ». Il n’y a aucun conditionnel dans les paroles de l’officier, simplement un constat : la guerre contre la Russie s’annonce, il faut s’y préparer.. Aux côtés du général, des représentants de l’Etat, des armées, des filières professionnelles. Tous sont venus présenter aux industriels des Pyrénées-Atlantiques le Plan d’accompagnement départemental pour les acteurs industriels de l’armement et de la défense, en Béarn et au Pays basque. Une démarche, annonce le préfet des Pyrénées-Atlantiques Jean-Marie Girier, initiée par le général Laurentin et par Didier Lacassagne, président de l’UIMM Adour-Atlantique. À lire également - Défense : Eurenco va investir 60 millions pour relocaliser une production à BergeracAu moins 10% des adhérents du syndicat sont positionnés sur au moins un marché du secteur de la défense, dévoile Didier Lacassagne. Et 10% de ceux ne l’étant pas encore sont intéressés pour s’y développer. Pour favoriser ce positionnement, reprend le président de l’UIMM, « il faut assouplir les critères d’achat, en particulier concernant les tailles d’entreprises et les normes », mais également « avoir des contacts avec les grands donneurs d’ordre de la défense », encore trop difficiles à approcher. L’industriel cite également des craintes « sur la faiblesse des prix pratiqués » et le manque de visibilité sur la commande.Budgets en augmentation Le marché est pourtant porteur, avec une LPM (Loi de Programmation Militaire) record de 413 milliards d’euros sur six ans, soit une augmentation de 40 % par rapport à la précédente. Un budget conséquent ayant vocation à transformer durablement les capacités opérationnelles des armées, mais aussi à soutenir une base industrielle et technologique de défense (BITD) plus performante. « Notre territoire, le Béarn en particulier, a une vrai carte à jouer », insiste le préfet, rappelant en particulier que le plan d’investissement France 2030 a déjà permis de mobiliser près de 200 millions d’euros dans le département, notamment dans des filières à forte valeur stratégique comme les fibres de carbone ou les technologies de surveillance des câbles sous-marins. En parallèle, ajoute-t-il, l’Union européenne déploie le plan RearmEurope, qui entend mobiliser 800 milliards d’euros d’investissements publics et privés à l’échelle du continent.Le départements compte aujourd’hui 261 fournisseurs directs du ministère des Armées, auxquels s’ajoutent 72 sous-traitants. Et les besoins en compétences, en innovation et en effectifs sont croissants. Afin d’y répondre, l’État soutient la mise en place d’une réserve industrielle de défense, opérationnelle depuis un an. David Lebrun, attaché industriel à la Direction générale de l’armement (DGA), en détaille le fonctionnement : une entreprise civile met temporairement à disposition d’un industriel de la défense un salarié qualifié, via une convention tripartite avec la DGA. Un dispositif pensé pour pallier les tensions sur certaines expertises clés.Vers une mobilisation territoriale en cas de crise Le renforcement des liens entre l’armée et les entreprises ne répond pas seulement à des logiques économiques : il s’inscrit dans une stratégie de résilience territoriale. Le colonel Jérôme Petitcol, commandant de la base de défense de Dax-Pau-Bayonne, évoque ainsi le dispositif d’« appel à soutien sur le territoire national » : un plan d’urgence prévu en cas de guerre de haute intensité.À lire également - La Défense dans le viseur du groupe Latécoère Ce plan prévoit quatre scénarios : engagement prolongé des forces armées, accueil logistique de convois militaires (avec Pau comme étape), mobilisation massive de réservistes (avec un centre d’accueil dédié dans la ville), et protection d’entreprises sensibles. Autant de missions qui nécessiteront l’appui d’acteurs civils. « C’est un appel aux bonnes volontés », insiste le colonel. La réserve citoyenne constitue un autre levier. Laurent Nicod, référent départemental, multiplie les conventions avec des employeurs pour permettre à leurs salariés réservistes de concilier vie professionnelle et engagements militaires. Objectif affiché : doubler les effectifs de la Garde nationale, aujourd’hui forte de 80 000 membres. Sécurité économique et innovation en ligne de mire Dans un contexte de compétition stratégique croissante, la sécurité des entreprises devient un enjeu critique. Karine Amieva-Amos, déléguée régionale à l’information stratégique, cite plusieurs cas récents : tentatives de captation d’informations, pressions étrangères, audits suspects demandés par des clients internationaux… Elle propose aux entreprises un accompagnement en sécurité économique, incluant des diagnostics approfondis.Cette vigilance s’étend également aux troubles à l’ordre public. Le commandant Stéphane Feriolo, chef par intérim du service départemental de renseignement territorial, évoque des risques liés à certaines manifestations ou à l’entrisme idéologique. Des cellules de suivi sont en place. Parallèlement, l’innovation est soutenue par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et Bpifrance, qui multiplient les appels à projets dans des domaines variés : drones, cybersécurité, médecine de guerre, énergies, etc. « Venez nous voir », lance Xavier Itard, chef du guichet unique de l’AID.À lire également - Un centre de ressources lancé pour sensibiliser les entreprises basques à la cybersécurité « Venez nous voir », c’est aussi le sens des messages lancés, en conclusion, par Jean-Marie Girier. « Faites-vous connaître », martèle le préfet à destination des entreprises impliquées dans la chaîne de valeur de la défense. Second message : « protégez-vous, c’est un réflexe qu’il est essentiel d’intégrer et nous pouvons vous accompagner », tant sur les risques physiques qu’informatiques. Troisième message, reprend le représentant de l’Etat, « donnez du sens à vos salariés. Des manifestations devant votre usine, cela peut les déstabiliser. Si vous voulez que des soldats viennent dans votre usine, montrer à vos salariés le fruit de leur travail, leur expliquer leur métier, on le fera. Ils ont besoin de connaître le sens de leur action ». Enfin, reprend-il, « informez-nous. Certains projets ne se montent pas parce qu’ils nous arrivent trop tard ». « Le risque à l’Est est réel, conclut le préfet. Ce n'est pas de la fiction. On y travaille de manière réelle, sur la logistique, on travaille sur la montée en puissance de nos armées et donc forcément, on doit travailler sur la montée en puissance de notre industrie de défense ».

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