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Bassin de Lacq : reconversion ? Non. Renaissance

Écosystème
lundi 05 juin 2023

Patrice Laurent. Maire de Mourenx et Président de la CCLO. Crédit PhC Placéco

Placéco échange avec Patrice Laurent, Maire de Mourenx et Président de la CCLO. Un territoire qui a profondément changé de visage. Pas par hasard. Il y a derrière une vision et une véritable stratégie industrielle.

La reconversion du bassin, on en a longtemps parlé. Après la période des fermetures d'usines, l'arrivée de projets qui sont aujourd'hui devenus des actifs innovants dans les nouvelles énergies, la chimie, les matériaux composite font de ce territoire qui emploie 7 500 salariés un vecteur majeur de l'industrie en Nouvelle Aquitaine. Entretien à bâtons rompus avec Patrice Laurent, Maire de Mourenx et Président de la Communauté de Communes Lacq Orthez.

Pur produit et viscéralement attaché à ce territoire, l'élu a commencé comme opérateur dans l'électricité puis la chimie avant de faire de la R&D puis de prendre en charge la communication interne de Total à au centre Féger de Pau.

Après le déclin et les énergies fossiles, Lacq c'est un peu "repower " Béarn ?
C'est vrai. Avec Elyse énergie, on change d'échelle. Là où les investissements d'industriels ces dernières années se chiffraient en dizaines ou centaines de millions, celui d'Elyse Energie se chiffre lui à 1,5 milliard d'euros. Il y a eu sur le bassin deux investissements majeurs, celui de Lacq Cluster Chimie 2030 en 2013 (150 millions) et celui de Toray (120 millions). Elyse, ce sont 3 usines : production d'hydrogène à Mourenx, acheminement par pipeline vers l'usine de Lacq pour la fabrication d'E-methanol pour le transport maritime, la troisième unité, une raffinerie, étant située à Pardies sur le site de Yara cette fois pour la fabrication de SAF (sustainable aviation fuel) ou carburant d'aviation durable. L'enjeu est majeur pour la France et pour ce site, car si l'électricité nucléaire n'est pas verte, elle est décarbonée, lorsque l'on produit de l'hydrogène avec, c'est de l'hydrogène décarboné.

Avec la dimension des projets sur ce territoire, on peut imaginer que l'équipe du développement économique de la communauté de communes est très structurée ?
Pas tant que cela, d'abord parce que les élus, à commencer par moi, sont très investis. Les maires d'Artix, de Lacq sont à mes côtés, l'un sur l'industrie, l'autre sur l'économie. Notre pôle développement économique s'articule avant tout sur la maîtrise foncière, ce qui est fondamental sur un territoire comme le nôtre. Il y a aussi un pôle commerce et artisanat parce que l'économie, ce n'est pas que l'industrie, c'est un écosystème. Si vous voulez que des gens viennent travailler, il faut développer ces aspects là aussi. Nous avons aussi un accompagnement des petites entreprises, avec un incubateur. Et puis nous sommes en étroite relation avec le GIP Chemparc, le Conseil Régional, les services de l'État. Nous sommes véritablement en mode projet avec tous ces acteurs, et nous souhaitons nous positionner comme des accélérateurs du développement. Quand on a décidé de racheter les friches polluées de Pechiney et Célanèse, c'était pour développer la production d'énergies renouvelables, de la chimie verte, de la décarbonation. Les panneaux photovoltaïques que nous avons installé sur les fondations de Péchiney, impropres à la construction, permettent de produire 50 mega watt d'électricité. Autre beau dossier : le plus gros méthaniseur du pays, Fonroche, racheté par Total Energies. Avec les réserves foncières que nous nous sommes constituées, nous avons été l'un des premiers sites industriels clef en main de France. Pour un projet industriel, c'est un an gagné de procédures en moyenne donc c'est un bel atout. Autre dossier majeur et cette fois non purement industriel mais logistique, la construction, sur les terrains de Célanèse début 2024 d'une plateforme Lidl en complément de celles de Bordeaux et Toulouse. 140 millions d'investissement, 7 ha de bâtiment et 300 emplois à la clé. Cela a été un élément déterminant pour Lidl.

Maritime, aérien, terrestre. Méthane, E-fluel, SAF. Lacq se positionne à 100% sur les énergies respectueuses de l'environnement. C'est cela la vision ?
Oui et non. On critique beaucoup le pétrole mais il faut savoir que sans pétrole, pas un satellite n'est en orbite et on ne peut pas étudier le climat, faire fonctionner nos téléphones. Sans carbone, on n'allège pas le poids des avions pour limiter la consommation de Kérosène. Sans chimie, pas d'eau potable, pas de médecine. Donc oui, nous sommes sur du développement vertueux, de la résilience mais il faut s'interdire d'avoir des obsessions.

Un mot sur vos projets pour Mourenx ?
Naturellement la destruction de la tour des célibataires, immeuble de 17 étages construit en 1961 et son remplacement par un bâtiment de 6 étages dans un environnement végétalisé. Mais aussi et surtout le projet que j'ai pour le belvédère, un site panoramique de Mourenx. L'architecte vient d'être retenu. L'idée est de créer un lieu d'accueil pour les séminaires d'entreprises ou congrès, avec une jauge de 60 à 80 personnes. Un lieu premium avec un rooftop qui pourra accueillir sur le territoire, qui sait, un chef d'état en visite. Au rez de chaussée, un espace de médiation culturelle sur les sciences sera créé avec une partie muséographique sur l'histoire et l'avenir du bassin et de la ville. C'est un projet qui a été travaillé avec toutes les entreprises du bassin et qui sera accompagné par la fondation du patrimoine et la fondation Total. On a le savoir-faire sur les activités du bassin mais pas le faire savoir. C'est l'ambition de cet outil fédérateur. On peut imaginer qu'avec un casque de réalité virtuelle, en regardant par exemple Noveal, on voit les colorations capillaires qu'ils réalisent pour les plus grandes stars. En tournant la tête, on voit que se fabrique à côté des médicaments pour Pfizer, un peu plus loin chez Lubrisol, la molécule pour toutes les boites de vitesse de véhicules électriques. On visualise Toray et on se dit qu'est parti récemment un module lunaire avec des fibres carbone conçues ici. C'est cette histoire là que nous voulons raconter et comment le bassin et la ville, qui devait être rasée, ont su s'inscrire dans une nouvelle trajectoire autour du nouveau monde.