Automobile : Comment Vision Technology va accélérer - Premium

Est-ce une déformation professionnelle ? Quand Thomas Dufourd et Florian Gravouil parlent de leur entreprise, ils le font avec un débit ultra-rapide et pourtant très précis, qui évoque irrésistiblement le moteur d’une voiture de course lancée à pleine vitesse. Leur présentation de Vision Technology , la startup qu’ils ont cofondée en 2022 avec un troisième associé, Stéphane Richard, est menée à tombeau ouvert. « On s’est rencontrés tous les trois avec le projet de créer une marque automobile et un véhicule sportif, raconte Thomas Dufourd, Chief Business Officer (CBO) de l'entreprise, avec une technologie qui mette en valeur les nouvelles énergies ». Le trio s’oriente sur les moteurs à gaz, une technologie « trop mise au second plan de la mobilité », considère Thomas Dufourd. Et si, aujourd’hui, l’idée de créer une marque automobile est remisée, celle de travailler sur l’application au sport automobile des nouvelles énergies est plus d’actualité que jamais.« C’est un marché que l’on connaît et qui nous intéresse, et qui est en demande d’une nouvelle énergie », énumère Thomas Dufourd. Pour lui, la motorisation électrique « n’a pas convaincu » en matière de sport automobile. En cause, paradoxalement, ce qui est présenté comme l’un des atouts majeurs des wattures : leur silence. « Pour le spectacle, ça n’apporte pas assez de sensations, les spectateurs ne sont pas rassasiés, affirme-t-il. D’ailleurs, les audiences de la Formule E sont faibles et les constructeurs s’en détournent ». Le bon vieux moteur thermique n’a pas dit son dernier mot, considère-t-on du côté de Vision Technology . Encore faudra-t-il l’adapter à la décarbonation : « On part, depuis le début, sur l’idée de valoriser le moteur thermique. C’est une technologie qui peut accueillir de nouvelles énergies, et si on y injecte du biométhane ou de l’hydrogène, il peut devenir extrêmement propre et être un outil redoutable pour décarboner la mobilité ».Adapter les moteurs à essence à l'hydrogène Vision Technology s’est donc spécialisée dans le « rétrofit », l’adaptation des moteurs à essence existants. « Il y a énormément de moteurs à essence qui sont libres de droits », explique Thomas Dufourd. Rien ne nous empêche de les prendre, de les rétrofitter et de les revendre sous notre propre marque ». La startup parvient à le faire « avec des rendements énergétiques assez élevés, aujourd’hui nous sommes entre 35 et 40%, demain on arrivera à 50%, promet-il. Ce sont des rendements bien au-dessus de ce qui existe aujourd’hui chez nos concurrents ». « On a aussi développé en interne des outils qui nous donnent un autre avantage concurrentiel, ajoute l’entrepreneur, ce sont des systèmes de simulation qui nous permettent de gagner beaucoup de temps, de faire moins d’essais empiriques et d’avoir moins de surprises sur ces essais. »En juin 2023, la première preuve de concept est développée : un kart de course équipé d’un moteur à hydrogène rétrofitté. Il est présenté au grand prix de Pau, puis aux Journées hydrogène quelques semaines plus tard. « Fin 2022, on avait commencé avec un gros investisseur privé, qui nous a permis de recevoir ensuite le soutien de bpifrance et de la région Nouvelle-Aquitaine, raconte Florian Gravouil, CEO de la startup. C’est ce qui nous a permis de financer ce premier démonstrateur ». Ce premier succès en appelle d’autres. Début avril, Vision Technology boucle une levée de fonds en pré-seed pour un montant de 600.000 euros.« Ces fonds-là vont nous permettre de concrétiser trois projets, reprend Thomas Dufourd. D’abord, un moteur de quatre cylindres fonctionnant au biométhane, que nous sommes en train de codévelopper avec GRDF, ensuite un moteur de 4 cylindres à l’hydrogène, et enfin un petit moteur à hydrogène monocylindre qui sera tourné vers le marché de la micromobilité, un segment qui nous intéresse beaucoup ». Ce moteur aussi sera un rétrofit d’un modèle existant. Vision Technology sera alors à l’heure du choix de son modèle économique. « Aujourd’hui, on peut devenir motoriste nous-mêmes, mais cela poserait une difficulté énorme, celle de se mettre en concurrence avec les constructeurs automobiles existants », souligne Thomas Dufourd. Mais la startup pourrait tout aussi bien se faire pourvoyeur de technologies, et vendre sous licence sa technologie de rétrofit à des motoristes existants. Dernière option, devenir un bureau d’études travaillant sur commande avec les constructeurs. « On explore toutes ces options, et on décidera le moment venu, conclut Thomas Dufourd. Notre levée de fonds nous a donné assez de crédibilité pour commencer à recruter et pour aller chercher notre positionnement de marché, parler avec les différents acteurs de l’industrie et trouver notre place. »Un nouveau tour de table prévu fin 2025Deux recrutements d’ingénieurs sont prévus pour le mois de septembre, puis deux autres en 2025. « Fin 2025 ou début 2026, on fera notre levée de fonds seed, annonce Florian Gravouil. On ira chercher 5 millions d’euros, qui nous serviront potentiellement à développer notre production, internaliser la production de notre petit monocylindre et faire la pré-industrialisation de nos solutions ». Un calendrier serré, mais « le fait de faire du rétrofit nous permet d’être assez rapides », souligne le CEO. « Dans le milieu de la mobilité à l’hydrogène, insiste-t-il, il y a beaucoup d’acteurs qui promettent des innovations, mais très peu qui peuvent réellement montrer quelque chose. Nous, nous avons fait une démonstration sur un Grand prix, on n’en est pas peu fiers et on veut le valoriser. »Pour ce futur passage à l’échelle, la cible restera le marché de l’automobile sportive, mais aussi les flottes captives. « Elles n’ont pas de problème de recharge, considère Thomas Dufourd, alors que le grand public aura toujours cette difficulté dans les cinq-six prochaines années. À très long terme, on vise d’autres marchés comme le nautisme, les véhicules utilitaires… »

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