Refit de yachts de luxe : la filière est-elle enfin lancée ? (3/3) - Premium

Stationné depuis le 12 octobre sur le ponton de la Cité du vin, le yacht Ice Angel, de 60 m de long, a fait hier son entrée dans les bassins à flot de Bordeaux. Positionné dans la forme de radoub 1, il subira durant son hivernage, près de six mois, des travaux de réparations coordonnés par l’entreprise marseillaise Nautech. Œuvrant habituellement dans ses deux chantiers de la Ciotat et des Caraïbes, cet opérateur, spécialiste du refit et de la transformation de yachts, a pour la première fois jeté son dévolu sur les infrastructures portuaires bordelaise pour mener à bien ce contrat. Depuis le printemps 2020, trois chantiers de refit se succèdent ainsi. L’arrivée à Bacalan, en mai dernier, du Yersin, yacht d’exploitation de 77 m de long de la principauté de Monaco destiné à des explorations scientifiques, avait fait figure de première victoire. Le mois suivant, c’était au tour du Bougainville de la Cie de croisière Ponant de prendre place dans les formes de radoub des bassins à flot. Depuis, des travaux divers battent leur plein sur les quais drainant de l’activité pour plusieurs entreprises locales : peinture, électricité, chaudronnerie, motorisation… CLYD, catalyseur de l’activité refit « Ce sont des chantiers à plus de 500.000€, qui se traduisent en effet par des retombées économiques et des emplois », indique Exequiel Cano Lanza, ingénieur, architecte naval de la société Clyd qui a remporté la coordination des chantiers du Yersin et du Bougainville. Créé en 2010 sur le Bassin d’Arcachon, ce spécialiste de la construction sur mesure de bateaux de plaisance (design, motorisation…) a en effet ajouté depuis trois ans à son cœur de métier le refit de yachts en intervenant sur de nombreux chantiers de la Côte d’azur. « Nous avons créé désormais au sein de Clyd une filiale dédiée et nous disposons depuis peu de temps de bureaux au sein du Grand Port Maritime de Bordeaux, pour lequel nous sommes devenus opérateur », annonce le dirigeant de Clyd, qui de fait a réussi à convaincre des capitaines de réaliser le refit de leurs yachts sur la place bordelaise. Une victoire attendue depuis plus de dix ans. Un travail de fond depuis plus de dix ans Dès 2008, en effet, des acteurs locaux avaient identifié la filière « refit » comme potentiel économique, soit le toilettage et la réparation de yachts de plus de 60 m de long que la côte méditerranéenne a du mal à accueillir pour cause de saturation. Bordeaux disposait d’un atout de poids : ses formes de radoub au sein des bassins à flot et de tout un savoir-faire de réparation et de rénovation navale sur des paquebots fluviaux, activité qui perdure à Bacalan depuis des décennies. Constitué aujourd’hui d’une cinquantaine d’entreprises locales, (peinture, chaudronnerie, acier, spécialistes de composites, motorisation…), le cluster Bordeaux Superyachts Refit, créé en 2012, a ainsi fait le premier pas pour structurer cette filière. « Il a fallu passer par une étape d’acceptabilité sociale pour cette activité située en cœur de ville et convaincre les pouvoirs publics », indique Thierry Lausseur, président du cluster qui se réjouit de l’arrivée en 2020 de ces trois premiers chantiers. « Ils sont le résultat d’un travail de fond mené depuis dix ans avec le port, les sociétés et le fruit de la rencontre de différents opérateurs. S’y ajoute, en cette année un peu folle, un effet confinement. Bloqués dans leur mobilité, les propriétaires de yachts ont pu en profiter pour procéder à des réparations ou du refit », analyse le président de Bordeaux Superyachts Refit, estimant par ailleurs "que dix ans pour commencer à exister dans cette filière est une période « normale ». Il n’y a rien d’inquiétant. Tous les autres chantiers qui se sont créés ont vécu la même chose. Il faut faire ces preuves pas à pas ». Des perspectives prometteuses Chargée de l’activité croisière et refit au Grand Port Maritime de Bordeaux, Laurence Bouchardie, semble confiante sur l’avenir. « Avec les deux partenariats, Clyd et Nautec, ainsi que celui établi avec le chantier Yacht Solutions, pour qui depuis deux ans, nous réalisons des travaux notamment de personnalisation sur leurs catamarans, il sera désormais plus facile d’avoir des opérations de refit ». Mettant à disposition les infrastructures ou des compétences grâce aux salariés des Ateliers portuaires, le Grand Port Maritime de Bordeaux, convaincu par les potentiels de la filière, avait ainsi engagé depuis 2014, avec l’aide des collectivités locales, des investissements pour rénover les quais des bassins à flot de Bacalan, la remise état de deux formes de radoub, du bateau-porte et l’aménagement de terre-pleins.Pour autant, au-delà de la tenue de ces trois chantiers, l’avenir de cette nouvelle filière reste encore incertain. « Le plus difficile va être désormais de faire durer cette activité », reconnaît Thierry Lausseur. « Il faut encore davantage se structurer et améliorer notre offre. Aux bassins à flot, les capacités sont limitées à l’accueil de deux ou trois bateaux. Nous ne serons jamais La Ciotat mais nous pouvons générer à terme une activité économique de plusieurs millions d’euros et de plusieurs dizaines d’emplois ».Pour l’opérateur Clyd, la dynamique est là. « Avec trois yachts accueillis, Bordeaux a désormais démontré la maîtrise de ce métier et ses compétences en termes d’accueil. Notre objectif est désormais de cibler les propriétaires de yachts du Nord de l’Europe, d’aller au-delà des one-shoot et de créer une fidélité avec ces navires », analyse Exequiel Cano Lanza, pour qui le rétro-refit ouvre de même des perspectives prometteuses. « Des projets sont en effet en cours pour équiper des bateaux fluviaux et transbordeurs d’une motorisation à hydrogène. De par notre savoir-faire, Bordeaux pourrait s’imposer dans ce domaine. Cela peut démarrer vite et être créateurs d’emplois ». Lire notre dossier "Bordeaux et son fleuve"Le secteur de la croisière en pleine galère (1/3)Métropole : 40 M€ pour booster les activités fluviales (2/3)

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