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Pourquoi l’Internet par satellite d’Elon Musk s’implante-t-il à Villenave-d’Ornon ?

Innovation
vendredi 05 mars 2021

La station terrestre de Starlink à Villenave d'Ornon - photo AL

Starlink, filiale de la société SpaceX fondée par le milliardaire américain Elon Musk, a récemment procédé à l’installation en France de trois stations terrestres dédiées à son service d’accès à Internet par satellite. L’une d’elles se situe à Villenave-d’Ornon, aux portes de Bordeaux. Un choix justifié par la présence d’infrastructures réseau particulières, indispensables pour réaliser la promesse d’une connexion satellitaire à faible latence.

Ces drôles de globes blancs, apparus comme des champignons sur le toit d’un bâtiment anonyme de l’avenue Mirieu de Labarre, seraient sans doute passés inaperçus si la presse n’avait pas fait le lien entre cette éruption spontanée et le projet Starlink porté par le fantasque Elon Musk. À Saint-Senier-de-Beuvron, commune de la Manche (50) concernée par un phénomène similaire, l’annonce de l’installation d’une « station terrestre » de Starlink a même suscité un vent de contestation qui suscite l’intérêt des médias nationaux et soulève la question de savoir comment et pourquoi cette filiale de SpaceX investit le sol français.

Starlink est une nouvelle offre d’accès à Internet qui repose sur la création d’une constellation d’environ 42.000 satellites positionnés en orbite basse autour de la Terre. Avec ce nouveau projet, Elon Musk et SpaceX ambitionnent de proposer un accès à Internet haut débit (jusqu’à 300 Mb/s en phase de test), accessible partout sur Terre, dont la latence (c’est-à-dire le temps nécessaire entre l’envoi d’une communication et sa réception par l’ordinateur destinataire) serait comparable à celle d’une connexion à Internet terrestre de type ADSL ou fibre optique. La promesse intrigue les geeks de tout poil : la latence est en effet traditionnellement le point faible des offres d’accès à Internet basées sur des satellites géostationnaires (situés à 36.000 km d’altitude), ce qui pénalise des usages basés sur l’instantanéité tels que la visioconférence en direct ou les jeux vidéo en ligne.

Réduire la distance pour améliorer la latence

Le réseau Starlink, actuellement en phase de test aux Etats-Unis, au Canada, et bientôt en France, répond à cette problématique en cherchant à diminuer au maximum la distance entre l’utilisateur et le satellite qui va faire transiter les échanges informatiques. Plutôt que de placer de gros satellites en orbite haute capables de couvrir un très large territoire, Starlink a choisi de littéralement mailler le ciel en déployant un grand nombre de satellites en orbite basse, ce qui ne va d’ailleurs pas sans soulever quelques craintes d’un point de vue environnemental. Unitairement, chaque satellite couvre un bien plus faible territoire, mais la distance qui le sépare de l’usager final est considérablement réduite.

Pour améliorer encore l’efficacité de son réseau de satellites, Starlink a également besoin d’infrastructures au sol, qui vont servir d’intermédiaire entre le satellite et le reste d’Internet. La société implante ainsi des dizaines de « ground stations », ou stations terrestres », aux Etats-Unis et en Europe. Là encore, la notion de maillage est essentielle dans le modèle de Starlink : il faut que chaque satellite puisse communiquer à la fois avec l’utilisateur final et avec une station terrestre pour optimiser au maximum la durée de l’échange.

En France, Starlink a déposé trois demandes d’implantation de stations de base auprès de l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms. Les trois sites retenus au départ étaient Belin-Beliet, depuis abandonné au profit de Villenave-d’Ornon, Gravelines dans le Nord et Saint-Senier-de-Beuvron dans la Manche. Chacun de ces trois sites a été retenu pour sa proximité immédiate avec les grands réseaux de fibre optique qui portent le trafic Internet à l’échelle nationale et internationale. Là encore dans une optique d’efficacité : diminuer au maximum la distance entre la station terrestre de Starlink et les « tuyaux » du trafic internet permet de réduire le temps nécessaire à l’envoi des requêtes.


Le site de GTT est à proximité immédiate de grandes "routes" réseau - source Infrapedia

À Villenave d’Ornon, le bâtiment anonyme dont le toit porte les antennes satellite de Starlink revêt à cet égard une importance particulière : il s’agit en effet d’un point d’échange de trafic Internet opéré par GTT Communications, l’un des grands opérateurs mondiaux spécialisés dans le transit IP, c’est-à-dire l’acheminement de données à l’échelle mondiale entre les réseaux et les infrastructures des différents opérateurs. Les antennes d’Elon Musk sont ainsi connectées directement aux tuyaux à très haut débit qui desservent la planète. Idem à Saint-Senier-de-Beuvron et à Gravelines : la petite commune de la Manche abrite un local technique opéré par Covage servant de relais à une grande dorsale, tandis que la ville du Nord abrite de nombreuses infrastructures réseau et informatiques, à commencer par les datacenters d’OVH. Cette notion de proximité joue d'ailleurs un rôle essentiel dans l'annonce de la construction du datacenter BX1 d'Equinix à Bruges


Cette carte amateur des stations terrestres Starlink aux Etats-Unis illustre la logique de maillage du territoire mise en oeuvre par l'opérateur

Quel intérêt en local ?

Au-delà de l’aspect technique et de la pose des antennes réalisées par une entreprise locale, Pylone Télécoms, l’offre Starlink présente-t-elle un intérêt pour les usagers girondins ou néo-aquitains ? L’accès à Internet par satellite est généralement moins compétitif que les technologies classiques basées soit sur les réseaux terrestres (fibre, ADSL), soit sur les réseaux mobiles (4G, 5G), d’autant que la couverture de ces derniers progresse de façon significative grâce aux différentes initiatives locales et nationales liées au plan très haut débit. L’initiative Gironde Haut Méga ambitionne par exemple d’amener la fibre optique d’ici à l’ensemble des foyers ruraux du département d’ici 2024, et se félicitait récemment d’avoir déjà atteint le cap des 100.000 prises raccordées à l’échelle de sa zone d’intervention. Les tarifs de Starlink pour la France n’ont pas encore été communiqués, mais Starlink aura probablement du mal à se montrer compétitif face aux offres très haut débit fixe. Aux Etats-Unis, où l’accès à Internet est globalement plus cher qu’en Europe, le forfait Starlink lors de cette phase de test est facturé aux alentours de 100 dollars par mois, auxquels s’ajoutent environ 500 dollars pour l’acquisition du matériel nécessaire.