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Laurent Tournier, UMIH 33 : « Le start and stop n’est plus tenable »

Écosystème
mercredi 10 mars 2021

Photo d'illustration - Adobe Stock Thomas Dutour

Le 3 mars dernier, les professionnels des cafés, hôtels, restaurants et discothèques ont remis une contribution commune au gouvernement pour une reprise progressive de leur activité. Pour Placéco, le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) de Gironde, Laurent Tournier, fait un point sur la situation.

Aujourd’hui, dans quelles situations se trouvent les restaurateurs girondins ?
Disons que la situation est à peu près commune à tout le monde, hormis deux types de restaurants qui passent encore à travers les mailles du filet des aides. Les groupes montés sous forme de holding d’abord : Le Ministre de l’économie Bruno Le Maire est conscient de cette problématique, a dit qu’il allait s’en occuper, mais cela traîne et les concernés doivent assurer seuls leur fermeture. En Gironde il y en a sept ou huit de plus ou moins grande taille comme le groupe CMCB ou le groupe Lascombes. A l’échelle départementale, cela représente plusieurs milliers d’emplois et ce serait compliqué si l’un d’eux ne se relevait pas de la crise. Second trou dans la raquette, tout de même pris par les fonds régionaux ou métropolitains : ceux n’ayant pas de référencement de chiffre d’affaires passé, car ils ont ouvert récemment.

Pour les 95% de restaurateurs restants, les aides sont aujourd’hui mesurées comme il faut, voire même bien mesurées. Ce qui permet aux établissements de pouvoir attendre « relativement sereinement », avec les guillemets d’usage, leur réouverture. Ces aides auront été longues à arriver, peuvent être larges pour certains professionnels mais il faut relativiser : beaucoup de ces établissements n’ont reçu aucune aide lors du premier confinement puis lors de la reprise d’activité.

Quand pensez-vous pouvoir rouvrir ?
Nous n’en avons strictement aucune idée, mais nous demandons de pouvoir reprendre notre activité le plus rapidement possible. Tout d’abord car ces dispositifs d’aides restent très coûteux pour la nation, ensuite pour remettre nos équipes au travail. Nous en arrivons à un point où, même avec ces aides, nos collaborateurs n’en peuvent plus d’attendre. Ça provoque une déperdition d’énergie, et des vocations partent ailleurs.

On sait qu’on aura un manque de salariés, qui existait déjà avant la crise. Avec les fluctuations saisonnières il manquait entre 60.000 et 120.000 salariés à l’échelle nationale, là nous redoutons un manque s’élevant à 200.000 voire 400.000 personnes. La conséquence serait une activité contrainte, ce que l’on avait déjà connu pour certains établissements les années précédentes. Dans notre profession nous sommes en plein emploi depuis un certain temps, et ce malgré les centres de formation et écoles hôtelières.


Laurent Tournier, président de l'UMIH Gironde 

Certains professionnels demandent de pouvoir rouvrir a minima le midi pour les travailleurs qui ont besoin de se restaurer, cela pourrait-il être un premier pas vers la réouverture totale ?
Oui, nous sommes prêts à y aller par paliers. D’abord en rouvrant le midi pour de nombreuses personnes qui aujourd’hui déjeunent dans les parcs ou dans leur voiture, car si les beaux jours arrivent, cet hiver nous avons constaté un vrai manque au quotidien. Ensuite, en rouvrant sur un modèle plus classique même si pour l’instant ça n’a pas l’air d’être dans les projets de nos décideurs.

Nous avons réalisé une sorte de cahier de doléances sur la manière dont nous voudrions que les choses soient envisagées, et notamment sur l’anticipation de la réouverture. Nous avons souvent été fermés en 24 ou 48 heures, nous aimerions cette fois avec un tout petit peu plus de perspectives pour pouvoir nous organiser : remettre en état les cuisines, procéder à un recrutement, reconstituer les stocks de marchandises… Nous avons demandé à être prévenus au moins trois semaines à l’avance, mais nous ne savons pas si nous serons entendus.

Parmi ces doléances vous demandez le maintien des aides lors de la reprise de votre activité, pourquoi est-ce selon vous nécessaire ?
Simplement car si l’on n’ouvre qu’à midi, soit la moitié du temps, avec des salles amputées de la moitié de leur capacité, nous aurons évidement du mal à vivre. En plus nous redoutons une sorte d’anarchie lors de la réouverture, comme au mois de juin dernier. Il y avait à ce moment un protocole sanitaire bien défini et des professionnels qui le suivaient à la lettre, jusqu’au moment où certains ont fait fi de certaines règles. Ces débordements viennent en partie de modèles économiques qui ne fonctionnent que s’il y a une certaine densité dans les établissements, donc le maintien des aides pour que ces établissements puissent reprendre leur activité doucement nous semble nécessaire. Notre objectif est de sortir de la crise par le haut, sans que nos établissements apparaissent comme des lieux de perdition.

Plusieurs professionnels redoutent en effet que les gens n’osent pas retourner au restaurant, est-ce vraiment à craindre ?
L'idée qu’il y a plus de possibilités d’attraper le Covid dans nos établissements qu'ailleurs aura été martelée partout. Nos métiers ont été stigmatisés comme peu de métiers l’ont été. Dans la tête de certaines personnes il est aujourd’hui plus dangereux d’aller au resto que de prendre le tram. Je ne suis pas virologue, mais qu’est-ce qui est le plus dangereux ? De toute façon la peur est là chez certains, nous devrons redoubler d’énergie pour redorer notre image sanitaire vis-à-vis du grand public.

Cela étant dit, j’ai plutôt peur que l'inverse se produise. Que les gens se ruent dans nos établissements pour partager des moments conviviaux, comme cela a été le cas en juin 2020. Nous voulons appréhender notre problématique le plus sérieusement possible, pour rouvrir dès le mois d’avril dans les règles de l’art, et ne pas être obligés de fermer de nouveau comme à l’automne dernier. Le « start and stop » n’est plus tenable pour nous.

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