Retraite : ce qui change en cette rentrée 2023
Me Emmanuelle Destaillats est avocate, spécialisé en droit social au sein du cabinet SILEAS. Elle met à profit la rubrique Opinion, réservée aux adhérents Placéco pour décrypter les changements en lien avec la réforme des retraites.
La loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS) portant réforme des retraites prévoit différentes mesures applicables dès le 1er septembre 2023. De nombreux décrets ont été adoptés aux mois de juillet et août 2023 afin de préciser les modalités d’application de la réforme. Tour d'horizon des principaux changement en ce mois de septembre 2023.
1. Age, durée d’assurance et départs anticipés
• Age légal départ à la retraite
L’âge légal d’ouverture des droits à la retraite est porté de 62 à 64 ans. À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. L’âge légal de départ à la retraite atteindra 64 ans en 2030, pour les générations 1968 et suivantes.
• Durée d’assurance
La durée d'assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans, soit 172 trimestres, en 2027, dès la génération née en 1965 (contre 42 ans, soit 168 trimestres avant l’entrée en vigueur de la réforme des retraites). L’âge auquel les assurés peuvent bénéficier automatiquement de la retraite à temps plein, quelle que soit la durée d’assurance, reste fixé à l’âge de 67 ans.
• Départs anticipés
Les dispositifs de départs anticipés à la retraite ont été aménagés pour limiter les effets du relèvement de l'âge légal :
- - L'incapacité permanente : l'âge de départ est maintenu à 60 ans
- - Les travailleurs handicapés : l'âge de départ est maintenu à 55 ans
- - L’invalidité et l'inaptitude : l’âge de départ est de 62 ans
- Les carrières longues : le départ anticipé est désormais organisé en quatre bornes d'âge en fonction du début d’activité :
- o Un début d’activité avant 16 ans permet un départ à 58 ans
- o Un début d’activité avant 18 ans permet un départ à 60 ans
- o Un début d’activité avant 20 ans permet un départ à 62 ans
- o Un début d’activité avant 21 ans permet un départ à 63 ans
2. Revalorisation des pensions minimales
Deux décrets du 10 août 2023 (décret n°2023-752 ; décret n°2023-754) revalorisent les minima de pension de retraite pour les nouveaux et actuels retraités.
• Pour les nouveaux retraités
Pour les personnes prenant leur retraite à partir du 1er septembre 2023, la pension minimale est revalorisée entre 25 et 100€ brut par mois étant précisé que cette mesure concerne les salariés, les artisans-commerçants et les agriculteurs disposant d’une carrière complète à temps plein. De plus, le minimum de pension vieillesse est désormais indexé sur le SMIC et non plus sur l’inflation dans le but de garantir 85% du SMIC à la retraite pour un salarié payé au SMIC et ayant eu une carrière complète.
• Pour les retraités actuels
Les décrets précités revalorisent également les pensions minimales du régime général, du régime agricole et du régime des cultes ayant pris effet avant le 1er septembre 2023.
3. Fermeture des régime spéciaux de retraite
Le 30 juillet 2023, cinq décrets (Décret n°2023-689 ; Décret n°2023-690 ; Décret n°2023-691 ; Décret n°2023-692 ; Décret n°2023-693) formalisant la fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite ont été publiés au Journal Officiel. Les quatre régimes spéciaux de retraite concernés sont les suivants :
- - Les clercs et employés de notaires
- - Le régime autonome des transports parisiens (RATP)
- - Les industries électriques et gazières
- - La Banque de France
Cela signifie qu’à compter du 1er septembre 2023, les nouveaux recrutés seront affilés au régime général pour leur retraite de base et complémentaire et seront par conséquent soumis au nouvel âge de départ à la retraite, progressivement relevé à 64 ans.
S’agissant des salariés actuels (ceux ayant été recrutés jusqu’au 31 août 2023), les décrets précisent les conditions de maintien de ces régimes spéciaux et la mise en place des évolutions paramétriques et des autres mesures prévues par la réforme des retraites. Il en résulte que ces salariés resteront affiliés à leur régime spécial, conformément à la clause dite du « grand-père », mais que les évolutions prévues par la réforme des retraites seront progressivement mises en place au sein de ces régimes spéciaux. Ainsi, l’âge légal de départ sera progressivement reculé de deux ans. Néanmoins pour ces régimes spéciaux, ces évolutions ne prendront effet qu’à partir de 1er janvier 2025.
Enfin, s’agissant du régime spécial de retraite des membres du Conseil économique, social et environnemental, la Première Ministre, a enjoint le Comité économique social et environnemental de modifier le règlement de sa caisse de retraite.
4. Assouplissement du régime de la retraite progressive
Deux décrets du 10 août 2023 (décret n°2023-751 ; décret n°2023-753) élargissent et facilitent l’accès à la retraite progressive. La retraite progressive permet aux actifs qui veulent aménager leur fin de carrière de passer à temps partiel tout en bénéficiant en parallèle d’une partie de leur retraite. Ce dispositif de retraite progressive reste accessible deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite, soit à compter du 1er septembre 2023, à 62 ans pour les actifs ayant une durée minimale d’assurance de 150 trimestres.
- Elargissement du dispositif de retraite progressive
Le dispositif de retraite progressive est élargi. Jusqu’à présent seuls les salariés, artisans et commerçants pouvaient bénéficier de ce dispositif. Depuis le 1er septembre 2023, l’ensemble des assurés peuvent en bénéficier de sorte que les fonctionnaires, les professionnels libéraux et les avocats sont désormais éligibles : ce dispositif est donc désormais universel.
- Accès à la retraite progressive facilité
L’objectif du législateur étant de favoriser le recours à la retraite progressive, son accès a été facilité. Depuis le 1er septembre 2023, la charge de la preuve est inversée au bénéfice du salarié. En effet, il appartient désormais à l’employeur de justifier son refus de temps partiel pour une demande de retraite progressive étant précisé que son silence vaut accord à l’issue d’un délai de deux mois. L’employeur ne pourra s’opposer à la demande de passage à temps partiel ou à temps réduit que si la durée de travail souhaitée est « incompatible avec l’activité économique de l’entreprise ».
5. Cumul emploi-retraite
La loi n°2023-270 du 14 avril 2023 ouvre l’acquisition de nouveaux droits à la retraite précisés dans le cadre de deux décrets publiés le 11 août 2023 (décret n°2023-751 ; décret n°2023-753) au Journal Officiel. Le cumul emploi-retraite permet à une personne retraitée d’exercer une activité professionnelle et de percevoir à la fois ses revenus professionnels et sa pension de retraite.
Depuis le 1er septembre 2023 , à l’issue d’une période de cumul emploi-retraite, il sera possible, de demander une seconde pension de retraite calculée sur la base des mêmes règles que la première pension. Les conditions pour demander une seconde pension de retraite sont les suivantes :
- - Avoir obtenu le versement de l’ensemble des pensions de retraite (de base et complémentaires)
- - Remplir les conditions d’âge et/ou de durée de cotisation permettant de bénéficier d’une pension à de retraite taux plein.
La constitution de cette seconde pension de retraite n’aura aucune incidence sur la première, il s’agira d’une seconde pension en complément. Le montant de cette seconde pension ne pourra pas dépasser un plafond annuel fixé à 5% du plafond annuel de sécurité social soit, 2.199,60€ par an en 2023.
6. Assouplissement des possibilités de rachat de trimestres au titre des études supérieures ou de stages
Un décret publié le 22 août 2023 assouplit depuis le 1er septembre 2023 les modalités de rachat de trimestres au titre de stages rémunérés en entreprise et d’études supérieures.
- S’agissant du rachat de trimestres au titre des études supérieures
Le décret prévoit la possibilité de racheter au plus quatre trimestres à tarif réduit au titre des études supérieures à condition d’en faire la demande avant le 31 décembre de l’année des 40 ans (contre le 31 décembre de la dixième année suivant la fin des études concernées auparavant).
Le montant de la réduction forfaitaire est de (cf article D351-14-1 du Code de la sécurité sociale) :
- o 670 € par trimestre pour augmenter le taux de calcul de la retraite
- o 1 000 € par trimestre pour augmenter le taux et la durée d'assurance
- S’agissant du rachat de trimestres au titre de stages rémunérés en entreprise
Le décret prévoit enfin la possibilité de racheter deux trimestres au titre d’un stage rémunéré en entreprise à condition d’en faire la demande avant le 31 décembre de l’année des 30 ans (contre deux ans maximum après la date de fin du stage auparavant). Le coût d’un trimestre au titre des stages rémunérés est égal à 12 % de la valeur du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la demande est transmise, soit 440€ en 2023 (article D351-18 du Code de la sécurité sociale).