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Le Contrat de Sécurisation professionnelle : oui mais pas n’importe comment

Opinion
lundi 17 avril 2023

Marieke Castronovo est avocate, spécialisée en droit du travail et de la sécurité sociale, au sein du cabinet Fidal de Bayonne. Elle met à profit la rubrique Opinion, réservée aux adhérents Placéco, pour sensibiliser les chefs d'entreprise aux subtilités du CSP. 

Alors que le Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) est de nouveau prorogé jusqu'à la fin de l'année 2023 et que son régime modifié tend à le différencier encore davantage d'une prise en charge classique ARE et suivi par Pôle emploi, la question se pose de la latitude (ou non) de son champ d'application. Employeurs, restez prudents!

Dans un communiqué du 30 mars 2023, l’Unédic a annoncé que le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), récemment prorogé jusqu’au 31 mars 2023, va faire l’objet d’une nouvelle prolongation jusqu’au 31 décembre 2023.

Le CSP est destiné aux entreprises de moins de 1 000 salariés et n'appartenant pas à un groupe comprenant au moins 1 000 salariés, ainsi qu’à toute entreprise faisant l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

Il vise à favoriser le reclassement du salarié licencié pour motif économique en lui permettant de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, de diverses actions de soutien et d'accompagnement, tout en percevant une allocation de sécurisation professionnelle (ASP) en principe plus élevée que l’allocation de retour à l’emploi (ARE).

Un avenant signé entre les partenaires sociaux le 15 mars 2023 (et dans l’attente d’un agrément ministériel pour être applicable) vise en outre à modifier le dispositif du CSP pour qu’il ne tienne pas compte de la modulation de la durée de versement de l’ARE en fonction de l’évolution du taux de chômage, instaurée en janvier 2023.

Ainsi, la durée d’indemnisation des bénéficiaires du CSP serait maintenue dans les conditions antérieures au 1er février 2023, sans impact du dispositif de modulation.

Et c’est là où les déviances sont susceptibles d’apparaitre.

Parce qu’il n’est pas rare d’entendre un salarié expliquer à son employeur qu’il souhaiterait un licenciement économique afin de percevoir une allocation plus élevée de Pôle emploi (et qui, en outre désormais, ne subirait pas de modulation à la baisse - contrairement aux ARE - dans l’hypothèse d’une réduction du taux de chômage au niveau national).

Et qu’il n’est pas rare que l’employeur, souhaitant arranger son salarié, alors même que son entreprise ne rencontre aucune difficulté économique ni menace de sa compétitivité, accède à cette requête et engage une procédure de licenciement pour motif économique. 

Toute louable qu’elle soit en apparence, cette décision est empreinte d’un risque contentieux notoire. 

- Parce que si le motif de la rupture n’est pas démontrable (et il ne le sera pas en l’absence de motivation économique réelle), le licenciement sera nécessairement considéré abusif devant une juridiction prud’homale et le salarié sera légitime à percevoir des dommages et intérêts de réparation, outre son indemnité compensatrice de préavis pourtant déjà versée à Pôle emploi dans le cadre du dispositif CSP ;

- Parce qu’aller au bout de la logique de raisonnement d’un licenciement économique, c’est appliquer également la priorité de réembauche et que lorsque les parties sont convenues d’une rupture de contrat, il est rare qu’une réintégration soit souhaitée par l’employeur ;

- Parce que la violation de cette priorité de réembauche, c’est un préjudice donnant droit à minimum un mois de salaire à titre de dommages et intérêts ;

- Parce qu’après la notification d’un licenciement pour économique, la liberté de recrutement sur le même poste est fortement restreinte.

Voilà quelques raisons pour lesquelles le CSP ne devrait pas faire l’objet d’un ménage de genres et n’être proposé que lorsque la motivation économique de la rupture du contrat de travail en cause est avérée et objectivement vérifiée.

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