Topaketa - Jean-Pierre Istre : « Il faut que le logement des salariés devienne un enjeu des municipales » - Premium

Quel bilan tirez-vous de la période de printemps, avec les ponts de mai et le mois de juin ?Jean-Pierre Istre : Nous, on a l’habitude de dire qu’il n’y a jamais assez de clients, mais c’était assez positif. L’avantage de cette année, c’est que nous avons eu des longs week-ends au mois de mai. Et aujourd’hui, les gens profitent des RTT pour faire des week-ends de trois ou quatre jours. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de gens qui partent quelques jours plutôt que des quinzaines. Cela permet d’avoir des week-ends redondants, et qui ont très bien fonctionné, que ce soit sur le littoral ou à l’intérieur du Pays basque.Et pour l’été, quels sont les attentes ou les points de vigilance ?Jusqu’à l’année dernière, on disait que l’été ne posait pas de souci. Mais on a eu la preuve que ce n’est pas toujours vrai. L’année dernière, on s’est un peu « ramassés » sur les dix ou quinze premiers jours de juillet, avec une météo moyenne. Et aujourd’hui, les gens ont le choix. Ce soir, vous pouvez réserver où vous voulez en France pour demain. Il y a des outils qui permettent de faire du dernière minute. On est donc météo-dépendants. Si la météo est bonne, la saison le sera aussi.Même l’été, les réservations se font en dernière minute ?Avant le Covid, les conditions d’annulation étaient très strictes. Aujourd’hui, beaucoup d’hôtels proposent encore des annulations gratuites, parfois jusqu’à 18h le jour même. On a tous des outils très puissants pour gérer les réservations, mais les clients aussi. C’est donnant-donnant. Il faut correspondre à cette demande.Quels sont les enjeux de l’année pour les professionnels ?C’est de faire fonctionner nos établissements, déjà. Et pour cela, il ne faut pas être largué. Le client a un choix extraordinaire. Il peut tout comparer : la destination, le type d’hébergement, hôtel ou meublé de tourisme, les avis. Il voit ce qui se passe à Saint-Jean, à Biarritz, etc. Une fois qu’il a choisi sa destination, il choisit l’établissement. Hôtel, meublé de tourisme, etc. Et c’est là que tout se joue : qu’est-ce qui fait qu’il va venir ici plutôt qu’à l’établissement d’à côté ? On doit répondre à cette attente-là. Et là, les hôtels doivent se remettre en permanence en question.« Si on n’est pas instagrammable, on passe à côté » En permanence ?Complètement. Un hôtel, au bout de cinq ou six ans, il faut déjà penser à le rénover. Il faut repenser les lumières, les services. Si on n’est pas instagrammable, on passe à côté. Il ne faut pas être esclave de cette doctrine, mais on ne peut pas l’ignorer. Il faut offrir des services en plus, du coworking, de l’eau minérale dans les chambres, des distributeurs, du wifi, etc. C’est tout ça qui fait que le client y trouve son compte.Et face à la concurrence des meublés de tourisme, comment se différencier ?Il y a un vrai sujet d’équité. Les meublés de tourisme n’ont quasiment pas de charge, alors que nous, on est des entreprises, on a une dizaine de charges. Pendant la période estivale, il y a de la place pour tout le monde, mais en période plus creuses, on a toujours les mêmes charges avec de plus en plus de salariés à l’année. Avec des charges lourdes. Nos marges ont fondu, et les prix sont vraiment différents. Quand je vends une chambre trois-étoiles à 120 €, je gagne à peine ma vie. Et pendant ce temps, des meublés bien placés sont à 50 € la nuit. Ce n’est pas tenable. Alors, il ne faut pas les interdire. Elles existent parce qu’il y a une clientèle. Mais il faut mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Par exemple, sur la sécurité : un hôtel a des commissions, des normes très strictes. Un meublé, c’est un extincteur dans la cuisine, et c’est tout. On voit même des immeubles entiers transformés en meublés, sans aucun contrôle. Alors pour se différencier, il faut écouter les besoins des clients. Aujourd’hui, on propose des chambres familiales, quadruples… Nous, on a ouvert des cloisons pour transformer deux chambres en une seule, parce que c’est ce que cherchent les familles. Les résidences de tourisme ont leur place aussi, mais les hôtels doivent évoluer pour répondre aux attentes des clients.Ces dernières années, de grands groupes hôteliers ont rachetés des établissements notamment à Biarritz, c’est devenu obligatoire pour monter en gamme ?Il y a des spots comme Biarritz où les gens veulent acheter les murs, le fonds de commerce. Et à des prix où on se demande comment ils vont le rentabiliser. Quand de groupes rachètent les établissements, ils investissent massivement. Annie Famose, par exemple, possède le Blue Cargo, la Petite Plage, le Café de Paris, l’ex-Radisson, etc. Ils arrivent avec de gros moyens. Ça tire la station balnéaire vers le haut, et c’est positif. Ça profite aussi au tourisme d’affaires, qui est crucial pour faire tourner les établissements en dehors de la haute saison.« Certains restaurateurs avaient même dû fermer plusieurs jours en plein été, faute de personnel » Sur le recrutement, c’est encore un sujet aujourd’hui ?C’est toujours un sujet, mais ça s’améliore. Le pire a été le Covid. Certains restaurateurs avaient même dû fermer plusieurs jours en plein été, faute de personnel. Depuis, les professionnels ont pris conscience qu’il fallait changer des choses : les salaires ont été revalorisés ( 20 %), mais surtout, les coupures sont de moins en moins tolérées. Il faut proposer des shifts clairs, matin ou soir, pour éviter les journées étalées sur 15 heures.Le vrai nœud reste le logement ?On commence à trouver des solutions. L’inauguration de la résidence ESTAC à Anglet, avec Action Logement, est une très bonne chose : 160 logements, pour 200 personnes, desservis par les bus, à des loyers abordables. Il faut des porteurs de projets, de la volonté politique. Et arrêter les clichés que j’ai pu entendre : ce n’est pas créer des logements pour des fêtards ! On a besoin de loger nos collaborateurs. Il faut que ce soit un enjeu des élections municipales.Et sur la RSE, où en est-on dans le secteur ?On ne part pas de zéro, mais on part de loin. On n’a plus le choix. Les critères de classement hôtelier intègrent des exigences RSE, et tant mieux. Le client est demandeur, et ça devient un argument commercial. Mais pour ça, il faut de l’accompagnement, il existe des aides, mais c’est pas évident. Ce sont des investissements lourds. Et justement une cellule nationale de l’UMIH accompagne les antennes départementales et les entreprises sur ces sujets.

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