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Placéco Topaketa #5 : revivez l’interview de Liza Bergara dirigeante des ateliers makhilas Ainciart Bergara

Écosystème
jeudi 19 octobre 2023
Placéco Topaketa #5 : revivez l’interview de Liza Bergara dirigeante des ateliers makhilas Ainciart Bergara

Placéco Pays basque recevait ce mercredi Liza Bergara, dirigeante des ateliers makhilas Ainciart Bergara. Crédits : Julia Cauchois

Ce mercredi, Placéco Pays basque recevait Liza Bergara, responsable des ateliers de makhilas Ainciart Bergara. Au centre de l’échange, la question de la croissance, et du recrutement.

Placéco Pays basque avait l’honneur de recevoir son premier événement ce mercredi dans l’enceinte du stade Jean Dauger à Bayonne, fruit du partenariat avec l’Aviron Bayonnais Rugby Pro. En revanche, le programme est resté identique : un ou une invité.e pendant vingt minutes, et dix minutes d’échanges avec les adhérents Placéco invités de l’événement, ainsi que les membres du club 1906 de l’Aviron Bayonnais.

Ce mercredi, Placéco Pays basque a eu l’honneur de recevoir Liza Bergara, dirigeante des ateliers de makhilas Ainciart Bergara situés à Larressore. L’occasion de parler de l’esprit de la société et de ses perspectives d’avenir. Extraits de l’entretien.

La société existe au moins depuis la fin du 18ème siècle, comment on fait durer une entreprise aussi longtemps, génération après génération ?

Liza Bergara : Alors je pense qu'il y a beaucoup à faire sur les anciennes générations, avant, on ne se posait pas la question alors que moi, j'ai l'impression qu'il y a un vrai changement depuis environ une génération sur les entreprises familiales. J'ai les archives de mon grand-père à l'INA, où on lui demande pourquoi il est devenu fabricant de makhilas, et il répond hébété que c’est parce qu’il est né là ! Et puis après, voilà, on a commencé à sortir du territoire, on a voyagé, on a fait des études poussées et puis on s'est rendu compte aussi qu'il y avait une diversité de possibilités devant nous. Et donc je pense que le poids de l'héritage s'est un peu transformé en opportunité à prendre ou pas. Je sais que ma mère est revenue assez tard. Elle a eu une vie avant et elle est revenue prendre l'atelier quand elle avait environ 50 ans. Je trouve qu'on a vraiment un changement de fonctionnement entre les cinq premières générations, la sixième et moi. Moi, j'ai toujours dit que je ne reprendrais pas. Ce que je remarque, c'est que l'entreprise familiale, petite comme la nôtre, c'est avant tout la génération qui la reprend qui l'a fait. Donc moi, par exemple, j'ai toujours dit que je reprendrais par plaisir, par passion et avec amour, vraiment de manière volontaire. Et je sais qu'on a souvent la discussion avec ma mère puisque, selon elle, le fait de reprendre par obligation, de perpétuer l'entreprise familiale, ce n'est pas négatif. Donc, en fait, dans les entreprises familiales, on va retrouver les changements qu'on voit dans la société.

Vous avez récupéré une entreprise déficitaire, comment vous avez retrouvé l’équilibre ?

Il y avait vraiment un problème de production, c'est-à-dire que tous les départs à la retraite n'avaient pas été remplacés. Et on avait un peu gardé le même carnet de commandes en se disant que sur un effet de masse, ça allait fonctionner, mais en fait, ça ne marchait pas. Donc en fait, la priorité, pour moi, c'est surtout que l'équipe le vive bien. Je me disais qu’à un moment on allait être en positif, c’est ma vision, très optimiste. Donc on a encore augmenté les prix, on a regardé un peu comment ça réagissait. Mais vraiment en se disant aussi que ce n'est pas grave finalement d'être déficitaires sur un certain nombre d'années, tant qu’on a dans sa tête une organisation de l'entreprise réaliste. Moi, j'ai repris l'entreprise, je suis là pour 30 ans. Donc, finalement, si on fait que trois ans sur 30 en étant déficitaires, c’est pas grave, il faut avoir une longueur de vue. On n'a pas d’investisseur derrière qui pourrait nous dire que le modèle ne fonctionne pas, etc. Le but, c’est de garder les gens, pas de leur mettre la pression pour produire à fond. Ce n'était pas comme ça que je voulais faire du chiffre et que je voyais l'entreprise.

Vous fabriquez complètement les makhilas, pourquoi ne pas externaliser certaines étapes, pour peut-être plus de rentabilité ?

Moi, ce n'est pas dans mes objectifs d'être plus rentable, plus rapide. C'est vraiment très applicable à notre entreprise puisque nous, on a eu la chance qu'aucune génération n'ait cédé à l'industrialisation. Chaque génération s'est battue pour que les savoir-faire soient maintenus et transmis, ce qui nous donne une autonomie incroyable. Aujourd'hui, on va chercher nos bois dans notre pépinière, c'est nous qui nous en occupons. On achète des plaques de métal qu'on va découper, mettre en forme , braser et transformer et on achète des peaux de cuir qu'on va découper, transformer, etc. On est hyper autonomes. Certaines entreprises ont fermé pendant le COVID, et nous, on a pu travailler. Alors que si on avait un atelier à droite à gauche, potentiellement, il aurait pu soit être fermé, soit nous imposer des hausses de prix. J’ai un héritage de six générations avant moi, alors je ne réfléchis pas à 30 ou 40 ans, je réfléchis à deux, trois ou quatre générations. On a une longueur de vue qui est plus importante et je le dis, le savoir-faire qui est perdu n'est plus retrouvable puisque des fabricants de makila de cette génération, il n'y a plus que nous.

Vous êtes actuellement neuf salariés, vous avez deux ans d’attente pour vos makhilas, vous ne souhaitez pas recruter ?

Aujourd'hui, pour assumer la demande qu'on a, il faudrait qu'on soit au moins 25. Déjà, ça voudrait dire chercher un lieu plus grand, et il est hors de question qu'on quitte nos murs à Larressore. C'est notre site historique. Et puis après, qu’est-ce qu’on fait une fois qu’on est 25 ? Le point positif, c’est qu’on absorbe la demande, qu’on crée de l’emploi, mais si demain tout s'écroule, qu'est ce que je fais des quinze personnes que j'ai recruté ? C'est aussi une responsabilité. Nous, quand on recrute quelqu'un à l'atelier, on lui dit de se projeter avec nous au moins dix ans, et pourquoi pas 40 ou 50 ans de sa vie. C'est un engagement mutuel. On ne peut pas dire à la personne qu’il doit au moins rester dix ans avec nous puis lui dire : peut-être que ça sera fini dans cinq ans si la demande baisse.

D’autant que le problème, c'est qu’en fabrication, on est tous complémentaires, alors si on recrute une personne de plus, il faut absorber le travail que cette personne va générer. Donc il faudrait minimum recruter cinq personnes, et c’est déjà énorme. À notre taille actuelle, tout le monde sait comment l'autre prend son café, à quelle heure il va déjeuner, le prénom des enfants, etc. À 25, il aura peut-être plus de turnover, il y aura forcément plus de changements, des petits groupes qui peuvent se créer. Nous, on est tous vraiment dans le même bateau et s'il y a un problème, on est tous là pour s'entraider.