Économie de guerre : comment diffuser « l’esprit de défense » ? - Premium

Si vis pacem, para bellum. Au-delà des armées elles-mêmes - leurs effectifs, leurs équipements et l’intelligence au combat - l’économie de guerre à laquelle le contexte international nous contraint, impose de structurer l’ensemble du corps national. Et le monde économique a un rôle actif à jouer, même loin de toute ligne de conflit. Dans toutes ses strates et pour toutes les tranches d’âge. Afin, le cas échéant si notre armée professionnelle est en projection, de pouvoir occuper l’intervalle entre la zone d’action et la zone dite logistique, pour l’entretien d’un certain nombre de vecteurs qui viendraient appuyer les forces d’active, nous explique-t-on. Au travers d’une entité baptisée le trinôme académique, les Armées ont un lien établi avec les jeunes jusqu’à 25 ans, milieu universitaire compris. Et, globalement, tout ceux ayant plus de 50 ans - les hommes en tout cas - ont eu des contacts avec les Armées au travers du Service National, avant qu’il soit suspendu. Mais, entre 25 et 50 ans, toute une partie de la population n’a pas eu, sauf circonstances particulières, de contact avec les Armées.Un esprit (de défense) sain dans un corps (économique) sainUn vrai trou dans la raquette quant à la diffusion de « l’esprit de défense », cette « forme de conscience permanente qu’il faut impérativement être acteur de la défense de son pays ». Une carence clairement identifiée. Notamment sur la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest où l’officier général, il y a une grosse année, a sonné la mobilisation des troupes. Stéphane Groën, général de corps aérien impulse ainsi le lancement du trinôme économique. Quid est hoc ? À l’instar de son pendant académique, c’est la mobilisation du tissu économique en faveur de ce fameux esprit de défense. Autour des armées, il compte notamment le comité de direction de la CCI Nouvelle-Aquitaine. Cet interlocuteur, même s’il ne donne pas d’ordres aux entreprises régionales, permet de toucher un maximum d’entreprises, nous explique-t-on. Répond également à l’appel l’association des auditeurs de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale). Pour mettre concrètement en œuvre le plan de bataille, le général sollicite la lieutenant-colonel Bénédicte Gerhards. Réserviste depuis octobre dernier, elle est la cheville ouvrière du dossier. Des offres et des besoins à faire connaîtreL’ambition globale de ce trinôme économique est de répondre à des problématiques tout à la fois très ciblées et de portée globale. « Il y a toute une ressource de militaires en fin de contrat et qui quittent l’armée relativement jeunes, avec du temps professionnel devant eux. D’autant plus avec l’âge légal de la retraite qui recule. Et ils ont des compétences à faire valoir. C’est un vivier pour des entreprises et des secteurs d’activité qui connaissent des difficultés de recrutement. Derrière l’ensemble de nos militaires, on ne voit pas les 400 métiers qui composent nos effectifs », illustre-t-elle. « Et puis un militaire, c’est aussi un “fond de sac” commun quel que soit le grade, une méthode d’analyse et de réflexion qui peuvent être utiles en matière de gestion de crise. Et on a une façon de former au management, même si nous ne le disons pas comme ça, on parle plutôt de commandement ou de leadership. Ça aussi peut être intéressant comme compétences au sein d’une entreprise », sourit-elle. « La réinsertion professionnelle des blessés de nos armées est également un sujet », souligne Bénédicte Gerhards.À lire également - Économie de guerre : comment le Sofins sert de tremplin à l’innovation régionaleRéciproquement, les Armées souhaitent aussi que les entreprises favorisent l’engagement de membres de leurs équipes en tant que réservistes. « Certains hésitent à le devenir, de peur que ça porte préjudice à leur carrière. Alors que le Code de la Défense, et même le Code du Travail, prévoient des facilités pour qu’une entreprise puisse libérer un collaborateur pendant dix jours au profit des Armées », rappelle-t-elle. Les Armées souffrent aussi d’un mal récurrent dans leurs effectifs, résumé sous l’appellation « célibat géographique ». De par son statut, le militaire est mutable à intervalles réguliers, tous les deux à sept ans selon son grade. « Des mutations qui, au fil de la carrière peuvent souvent de moins en moins se faire avec la famille. Et donc il s’agit de trouver des solutions pour la mobilité professionnelle du conjoint. » Créer des événements à l’échelle départementale« Le bon échelon pour mener l’action de ce trinôme économique, c’est le département », reprend la lieutenant-colonel. Outre les contacts et relais issus du Medef, déjà partenaire au plan national, « on s’est ouvert à la Chambre de métiers et de l’artisanat, la Chambre d’agriculture, la CPME. Mais aussi le Club des ETI et quelques fédérations déjà. Et on espère être rejoint par d’autres comme la FFB, l’UIMM, BAAS ». Début 2025, une premier réunion de travail a été menée et, progressivement, les plans d’action se mettent en œuvre à l’échelle départementale. « Les Deux-Sèvres sont déjà très engagées, il y a les Landes aussi, bientôt le Lot-et-Garonne et la Corrèze c’est imminent », déroule-t-elle. Pour la mise en œuvre concrète, le format « soirée économie/défense autour d’une unité militaire importante du département » est clairement l'un des leviers les plus efficaces. Réputée discrète, voire secrète, l’Armée est consciente qu’elle peut attirer, si elle ouvre ses portes. D’autant qu’il ne s’agit pas seulement de faire le tour du propriétaire. Il s’agit bien de diffuser et partager cet esprit de défense. Et la possibilité de réseauter et de faire des affaires est aussi présente. « On créé de multiples points d’intérêt, intellectuel, patriotique, psychologique, stratégique et de business aussi tout simplement », énumère Bénédicte Gerhards. Les centrales d’achat des Armées ne sont jamais loin. « Le poids économique des Armées en Nouvelle-Aquitaine, c’est 500 millions d’euros, chaque année », ne manque-t-elle pas de rappeler.☞ Au-delà, via la CCI Nouvelle-Aquitaine, une grande enquête a été lancée courant mars auprès des 330.000 entreprises régionales, « pour connaître celles qui n’ont pas encore de contact avec l’Armée, ce qui les intéresse dans notre panel de savoir-faire, réfléchir à de nouveaux formats pour se rencontrer, échanger et savoir quoi s’apporter au travers de l’esprit de défense ».

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