Rénovation énergétique : « Il y a un vrai enjeu de constitution de clusters et de structuration d’une filière » - Premium

Que représente le marché de la rénovation énergétique dans le 64 ?Le département des Pyrénées-Atlantiques représente environ 7.000 rénovations par an. Il y a des chantiers plus ou moins gros, mais en moyenne il faut compter entre 25.000 et 30.000 euros de travaux par rénovation. En matière d’impact économique, on est donc entre 175 et 210 millions d’euros pour le département. Dans le bâtiment, on estime que 60.000 euros de travaux représentent un emploi. Cela fait entre 3.000 et 4.000 emplois qui sont concernés.Ces emplois sont-ils pourvus ?Ils le sont en partie, mais avec tout de même une forte tension. Aujourd’hui, dans certaines filières, en particulier l’isolation et l’équipement en chauffage, les délais se sont allongés entre la demande par les clients, l’obtention de devis et la réalisation effective. Ces derniers mois, cela s'est accentué encore avec les ruptures de stock de certains matériaux. Nous ne sommes pas les seuls à décarboner, en France, toute l’Europe s’y met en même temps ! Cela crée forcément des problèmes d’approvisionnement. Pour les réseaux de chaleur, on n’arrive pas à produire assez de tuyaux. Avec les chaudières il peut aussi y avoir des difficultés à avoir le matériel. Il n’y a pas péril en la demeure, mais il y a des tensions. Ces emplois sont importants parce qu’ils sont extrêmement bien répartis sur le territoire. C’est un tissu de professionnels et d’artisans dans les agglomérations, mais aussi dans les petites villes, les villages. Ce sont des emplois qui ne sont pas délocalisables, qui sont en cours de qualification et de certification. Et c’est une filière en forte croissance. D'ailleurs les centres de formation, le Centre de Formation des Apprentis du BTP de Pau, dans les métiers de la plomberie, chauffagiste, sont très prisés. Et puis il y a des domaines émergents qui sont intéressants, autour du domaine de l’éco-rénovation et de la rénovation bas carbone. La rénovation énergétique n’est pas cantonnée au mode de chauffage. C’est aussi l’emploi de matériaux nouveaux : le bois, le chanvre, des isolants alternatifs à la laine de verre, comme la laine de bois, l'ouate de cellulose issue du recyclage de tissus. Il y a un vrai enjeu de constitution de clusters et de structuration d’une filière.Combien d’intervenants différents sont en général sollicités sur un projet de rénovation ?Entre l’électricité, le gaz, les énergies renouvelables, il peut y avoir plusieurs intervenants. Ensuite, l’isolation, ce sont souvent des travaux induits ou connexes : couverture, maçonnerie, plâtrerie, ravalement des façades, menuiserie… ça touche également le domaine de la ventilation, de la climatisation. On va donc aller d’un seul intervenant pour des projets simples à trois ou quatre pour des projets de rénovation plus globaux.« Constituer des clusters de professionnels »Les artisans et entrepreneurs qui interviennent dans ce secteur sont souvent des indépendants. Est-ce une posture tenable pour se positionner sur ce marché ?Je ne crois pas que la posture totalement indépendante et individuelle soit longtemps tenable. Aujourd’hui, les clients ont besoin d’être accompagnés et d’être sécurisés. Je crois à une offre de services de professionnels qui travaillent en mini-groupements avec une échelle territoriale plus ou moins grande. Aussi parce qu’il y a des domaines spécifiques sur lesquels il peut être bon d’avoir des collègues à qui s’adresser. Aujourd’hui, les chauffagistes sérieux sont souvent reliés aux services compétents des fournisseurs, qui, suivant les marques, ont des conseillers techniques pour débloquer parfois des situations. Il faut aussi bien connaître l’environnement réglementaire, les dispositifs d’aide, savoir dire à ses clients ceux auxquels ils sont éligibles. L’enjeu, c’est de voir se constituer des clusters de professionnels qui apprennent à travailler ensemble. Parfois, même deux ou trois personnes arrivent à constituer une offre commerciale et professionnelle globale.Les aides sont structurantes pour le marché de la rénovation énergétique. Pour vendre ses services sur ce marché, faut-il s’adresser aux clients, ou bien aux collectivités qui distribuent ces aides ?Aujourd’hui, c’est quand même aux clients, aux propriétaires, que l’on doit vendre. C’est un marché ouvert, tourné vers les particuliers. Par contre, les professionnels doivent s’intéresser à ce contexte, se tenir au courant des opérations de rénovation organisées par les collectivités, avoir des liens avec les services France Rénov', qui sont le premier niveau de conseil aux particuliers. Souvent les programmes de rénovation énergétique incluent des actions collectives en direction des milieux professionnels. Il faut être en capacité de s’y intéresser. Il faut aussi appréhender le fonctionnement et les lenteurs du système au niveau de la trésorerie. Tout système comporte ses délais de versement d’aides. Ce que j’ai vu de plus intelligent, ce sont des professionnels qui ont compris qu’il y aura toujours un ou deux mois de délai pour que leur client perçoive les subventions après les travaux et soit en mesure de payer ses factures, qui incluent ce délai dans leurs budget et prévoient un roulement.Et comment doivent-ils se positionner vis-à-vis des particuliers ?Je pense qu’il ne faut surtout pas une approche normative. Il faut que le professionnel sache utiliser à bon escient les opérateurs, les bureaux d’études, qui vont permettre d’objectiver les scénarios de travaux. Les professionnels doivent bien comprendre à quel type de client ils ont affaire. Ça n’est pas pareil de faire une rénovation énergétique avec un propriétaire investisseur qui fait une rénovation choisie et une personne à faibles ressources qui le fait de façon contrainte, parce qu’elle n’a pas d’autre choix. Il faut comprendre dans quel contexte on intervient, trouver le juste niveau et savoir faire usage des conseillers France Rénov' pour orienter les clients qui envisagent des travaux qui ne sont pas nécessaires ou pas prioritaires. C’est comme le serment d’Hippocrate : d’abord ne pas nuire.

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