ENTRETIEN - « De beaux challenges à relever » pour Vincent Poulingue, le nouveau directeur de l’Hôtel du Palais - Premium

Vincent Poulingue nettoie d’un petit coup de manche une petite tache sur l’immense baie vitrée qui donne sur la Grande Plage. Tout doit être parfait à l’Hôtel du Palais, seul palace de la côte atlantique, dont l’exploitation a été reprise par le groupe Hyatt en 2019. Après le départ d’Alessandro Cressa en novembre dernier, Vincent Poulingue a été nommé directeur général et a pris officiellement ses fonctions début avril. Il a travaillé 14 ans pour Intercontinental et a grimpé jusqu'à la direction de l’établissement en plein cœur de Porto au Portugal. Il est donc désormais à la tête d’environ 200 salariés à l’année et d’une centaine de plus pendant la période estivale. Un palace qui a connu plusieurs années de travaux de restauration pour un investissement d’environ 80 millions d’euros. L’activité a repris il y a un an. Bilan et ambition avec Vincent Poulingue. Placéco : Quel bilan tirez-vous de la première année d’activité post-travaux ?Vincent Poulingue : Les objectifs de la première année d’exploitation ont été atteints. La saison dernière a été plutôt bonne pour tout le monde. Mais le challenge restera toujours les périodes avant et après la saison où il faut travailler pour aller chercher du business qui n'est pas forcément habituel. Je ne vais pas vous donner de chiffres, mais on est dans une phase de réouverture, on est sur une bonne tendance par rapport à une activité qui serait à plein niveau.Historiquement, l’hôtel a toujours attiré une clientèle russe. D’où viennent les touristes depuis la réouverture ?La clientèle est principalement française, espagnole aussi et européenne de manière générale, pour plus 80% de l’activité. Et on voit une amélioration du marché américain. Et ce n’est pas propre à Biarritz. Ça augmente fortement. Pour eux, c’est intéressant, ils ont les moyens, la parité euro/dollar fait que c’est encore plus intéressant pour eux. Et le Pays basque les attire pour beaucoup de raisons, pour son côté exclusif, un peu à l’écart. On vient découvrir quelque chose que tout le monde ne va pas voir. Historiquement, il y avait un fort marché russe à Biarritz, par la force des choses, ça diminue et disparaît, il faut le remplacer, mais avec des marchés plus à l’Est. Il y a quand même quelques asiatiques qui commencent à venir. Le Moyen-Orient aussi commence à venir. On sait qu’il va y avoir une ligne entre Dubaï et Toulouse, donc nécessairement ça aura des répercussions sur la région.Quel mandat avez-vous obtenu de Hyatt, quels sont les objectifs à atteindre ?D'abord de repositionner l'hôtel après l'ouverture. Parce qu’avec une ouverture après trois ans de fermeture, c'est un peu comme si on repartait sur une page blanche en termes opérationnels. Avec la différence que l'Hôtel du Palais a une histoire, un héritage opérationnel et commercial qu'il faut prendre en compte. Mais clairement, avec les changements dans l'hôtellerie internationale, surtout après le COVID, il y a un enjeu de positionnement de l'hôtel qui est très fort avec, on l'a vu durant les dernières années, des augmentations tarifaires qui sont conséquentes à travers le monde, surtout dans ces hôtels luxueux, sur les palaces. Et donc il faut repositionner l'hôtel à sa juste valeur et lui rendre cette aura internationale sur les marchés européens, mais aussi essayer d'aller chercher des marchés qui étaient déjà existants et qui ont un peu faibli.Par exemple, l'hôtel avait une bonne représentation aux États-Unis pendant beaucoup d'années. Et puis c'est un peu tombé, donc il faut aller récupérer ça, aller chercher des marchés un peu plus novateurs. Avec l'Amérique du Sud, il y a une opportunité à saisir puisqu'il y a une très forte proximité entre le Pays basque et l'Espagne. Et on sait très bien que ces populations mexicaines, brésiliennes ont un fort attachement avec la péninsule ibérique. Donc ça inclut le Pays basque, français et espagnol et ça fait du sens d'aller chercher ces marchés. Et puis après peut-être essayer de découvrir d'autres marchés qui vont se rouvrir dans les prochains mois, à savoir les marchés asiatiques. Avec une belle carte à jouer, puisqu'on est sur une ligne naturelle entre Bordeaux et Bilbao qui fait qu'on est au centre, dans une sphère géographique qui attire aussi ce type de clientèle. Pour Bordeaux, le vin, Bilbao, la gastronomie à Biarritz, on a l'art de vivre et je pense que c'est une bonne combinaison.Ça, c'est une première partie. Puis une deuxième partie qui est l'implantation locale. L'hôtel fait partie du patrimoine, il est ancré dans la culture locale. Et donc il n'est pas envisageable que ça ne fasse pas partie de la vie quotidienne des gens qui habitent à Biarritz ou autour, dans la région du Pays basque. Donc aussi rouvrir l'hôtel sur le monde extérieur.Mieux remplir l’hôtel tout au long de l’année, ça passe par quoi ?Déjà une optimisation de l'activité sur la période haute. Avoir le juste taux de remplissage avec le juste prix de vente pour pouvoir maximiser la performance de l'hôtel pendant la haute saison. Peut-être augmenter les prix, parce que le marché est tel que les prix augmentent. Tout augmente, donc oui, ça va augmenter un peu. Et puis comme on le disait, aller chercher un autre type de clientèle et de marché et d'un coup, adapter aussi le prix en fonction de la demande, c'est-à-dire adapter peut-être son prix un peu à la baisse dans des périodes, et d’être au plus juste par rapport au marché.Quelle stratégie pour justement aller chercher les touristes étrangers ?C'est là que le choix d'une compagnie comme Hyatt est malin et à propos parce qu'elle est mondiale, a une belle réputation en termes d'hôtellerie de luxe et a déjà ses canaux dédiés. D'ailleurs, il y a Hyatt Privé, une branche commerciale qui va justement chercher cette clientèle haut de gamme. Et puis tous les réseaux commerciaux d'Hyatt, qui permettent de rayonner chez les distributeurs haut de gamme à travers le monde, avec American Express Business ou Luxe, Virtuoso. Tous ces consortiums qui sont spécialisés dans la distribution et l'hôtellerie de luxe et que nous allons, nous aussi, renforcer par nos actions commerciales au sein de l'hôtel et en collaboration avec Hyatt France et Europe.Quid des réseaux sociaux ?Bien sûr, ça fait partie de la stratégie commerciale et marketing de l'hôtel. On sait que maintenant, il faut être réaliste, les réseaux sociaux sont incontournables. Donc autant en tirer le meilleur parti. Et puis ça nous permet d'avoir une belle vitrine sur le monde, de faire rayonner l'hôtel de manière naturelle ou sponsorisée. Ça dépend. Maintenant, c'est une stratégie globale, commerciale et marketing. Effectivement, il faut avoir une belle présence sur les réseaux sociaux. Qu'elle reflète la réalité de l'hôtel, de l'offre, de la beauté du lieu. Et puis il y a une stratégie marketing commerciale avec tous les nouveaux systèmes de distribution, les OTA, les agences de voyage en ligne tels que Booking, Expedia. On ne veut pas privilégier ces canaux-là, mais on sait que beaucoup de canaux de distribution passent par les OTA. Et quelle stratégie pour aller chercher les locaux ?Alors ça fonctionne déjà, notamment sur les points de vente, restauration. Depuis que je suis arrivé, je vois pas mal de clients extérieurs qui viennent à l'hôtel. La tendance est là, les gens se réapproprient le lieu. Alors encore une fois, c’est une réouverture, c’est progressif, on prend nos marques. L’an dernier, c'était une année de réouverture. Le COVID n’a pas aidé. Mais je suis assez confiant, pour qu’on arrive à exploiter nos points de vente de manière plus pérenne. Pour aller les chercher, il faut d’abord renouveler l’offre. On réouvre le sunset, la terrasse avec le midi une offre de restauration assez traditionnelle, et le soir à partir du 1er juillet, créer une ambiance un peu plus lounge, tapas et pintxos” plus décontractée avec des DJ et des sofas. On organise aussi des soirées récurrentes comme le 14 juillet et le 15 août pour le feu d’artifice, avec une soirée sur la piscine. Puis l’été, on va aussi développer une offre peut-être un peu plus garden party sur la partie jardin terrasse.Cela passe-t-il par une offre plus abordable pour les locaux ?Ça reste un établissement de luxe, donc on ne peut pas non plus dénoter entre la partie hôtel et la partie restauration. Ça reste une exclusivité et c'est aussi ce qui plaît aux gens, c'est de pouvoir venir s'offrir un peu le luxe dans ce type d'établissement. Vivre un moment merveilleux, vivre un moment un peu hors du temps et hors du commun. Si ça se banalise, ça perdra de son charme et de sa magie. Donc, clairement, on ne va pas faire des formules à bas prix. Aussi parce qu'on ne peut pas se permettre non plus économiquement de le faire, on a des coûts de production qui sont élevés, on a du staff. L'hôtel a un coût de production qu'il faut qu'on rentabilise. Maintenant, je pense que les formules de restauration qu'on a sont déjà abordables. On est dans les tarifs de la compétition, sur ce type de prestations. Et puis si je peux me permettre, les prix à Biarritz ne sont pas bon marché et ça n'empêche pas les Biarrots d'aller dans les restaurants de la place, etc.L’Hôtel du Palais est toujours au cœur d’inquiétudes, parce qu’il est très cher à entretenir. Quel est votre sentiment ?Je n’ai pas d’inquiétude. Mais dans toute société, on a des objectifs, il faut que ça vive, ça ne vit pas d'argent public, mais de performance financière. En termes de performance opérationnelle, on voit qu'il y a une vraie montée en charge. On voit aujourd'hui, on fait beaucoup d'efforts commerciaux, de gestion aussi pour avoir une exploitation équilibrée et qui devient de plus en plus profitable et performante. Pour justement que l'hôtel gagne de l'argent et rembourse ses charges et ses frais financiers. Depuis le début de l'année, la montée en charge commerciale de l'hôtel est plutôt bonne. On est en avance par rapport à nos objectifs et la perspective des prochains mois est très bonne, au moins jusqu'à la fin de l'été. Les tendances sont plutôt bonnes et ça suit les tendances générales du marché. Ce sont de beaux challenges pour moi et les équipes, avec de belles choses à accomplir. Je dirais que les indicateurs sont quand même plutôt positifs, voire même très positifs.Est-ce difficile pour l’Hôtel du Palais de recruter, comme ça l'est pour tous les autres acteurs de l’hôtellerie-restauration ?On est en meilleure position que les années précédentes parce qu'on a pu davantage anticiper. Parce qu’on était déjà ouvert l'année dernière, on a du monde qui a été reconduit, donc c'est plus facile. On est un peu mieux organisé et préparé en amont. Du coup, on est un peu moins dans le rush. Mais malgré tout, on a encore besoin de personnel pour l'été, pour la haute saison, environ une soixantaine de postes sont encore ouverts sur la centaine qu’on prend en plus pour la période estivale. C'est vrai que les salariés ont le choix. Justement, il faut que nous fassions la différence et qu'on sache proposer à notre personnel des conditions de travail et des traitements qui sont acceptables, qu'on donne envie aux gens de travailler pour notre groupe. Et là-dessus, Hyatt a des valeurs qui sont fortes en termes de développement personnel des salariés, mais aussi de traitement égalitaire des salariés.

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