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Yves Jean (Ceser Nouvelle-Aquitaine) : « Il faut qu’on aille vers une économie décarbonée »

Écosystème
mardi 30 janvier 2024
Yves Jean (Ceser Nouvelle-Aquitaine) : « Il faut qu’on aille vers une économie décarbonée »

Yves Jean, qui a rejoint le Ceser Nouvelle-Aquitaine en 2014, en prend aujourd'hui la présidence. Crédits : Ceser NA

Depuis le 23 janvier, Yves Jean est le nouveau président du Conseil économique, social et environnemental régional de Nouvelle-Aquitaine. Entre problématiques environnementales, révolution digitale et enjeu de reconnaissance de l’institution sur les territoires, l’ancien président de l’Université de Poitiers revient, pour Placéco, sur les ambitions du Ceser.

Vous avez rejoint le Ceser il y a dix ans, en 2014. Pourquoi avoir souhaité en briguer la présidence, aujourd’hui ?
Avant tout car la présidente sortante ne se représentait pas. Ensuite, lorsque j’ai découvert cette institution dans le Poitou-Charentes, j’ai rencontré un lieu unique à l’échelle régionale - il rassemble 90% de la société civile organisatrice, des chambres consulaires au Medef en passant par tous les syndicats, et l’essentiel des mouvements d’enseignement supérieur, d’éducation populaire, pour la protection du climat… Tout cela, avec des débats très apaisés. C’était rare en 2014, je pense que ça l’est encore plus en 2024, d’avoir des débats qui ne sont pas polarisés, basés sur des postures où les gens ne s’écoutent pas. Je trouve que nous portons des échanges sur le fond, où chacun défend ses idées - avec un vrai travail d’écoute et de co-construction. On arrive à des consensus ambitieux et assez exigeants, et non pas, comme on peut en avoir l’image en France, sur des consensus « a minima ».

Trois priorités pour les six ans à venir 

En tant que candidat à cette présidence, vous avez déclaré vouloir « faire un pas de côté par rapport au système économique actuel ». C’est-à-dire ?
C’est-à-dire qu’il faut qu’on aille vers une économie décarbonée, d’abord. Il y a une multitude d’initiatives prises dans les entreprises, qui vont dans ce sens, dont on ne parle pas suffisamment. Il faut se nourrir beaucoup plus du foisonnement d’idées et d’initiatives qui ont lieu dans les territoires, dans les entreprises, dans l’économie sociale et solidaire, dans le mouvement associatif, pour alimenter nos réflexions. Et puis, faire un pas de côté, ça signifie que toutes les politiques publiques à différentes échelles - en l'occurrence régionale, mais aussi infra-régionale - prennent en compte les enjeux de reproductibilité des ressources, eau, air, terre, dans leurs décisions. Il me semble essentiel de prendre à bras-le-corps la crise écologique, car je trouve qu’on prend du retard.

Justement, quelles seront vos priorités durant les six années de votre mandat ?
Dans ma déclaration de candidature, j’ai pointé trois enjeux majeurs. D’abord la crise écologique, donc, et entre autres les fortes tensions qui existent sur l’eau. Pour moi, c’est un bien commun universel qui doit échapper à la loi du marché, on a besoin de travailler sur le partage de l’eau entre les différents usages. En France, en l'occurrence dans la région Nouvelle-Aquitaine, c’est un enjeu majeur. Ensuite, il y a la révolution digitale et l’intelligence artificielle qui sont en train de bouleverser toutes les activités, les relations entre les personnes. Il y a par exemple un vrai enjeu autour de la dématérialisation de l’accès aux services, sachant qu’en Nouvelle-Aquitaine, plus de 30% de la population est en situation d’illectronisme. Un certain nombre de personnes RSA ne bénéficient pas du RSA alors qu’elles pourraient, car elles n’ont pas d’accès à ces services, pas d’aide en ligne. Pour l’IA, cela va très vite, c’est en train de prendre une place très rapide dans de nombreuses activités. Enfin troisième axe, les enjeux sociaux et les inégalités, sociales et territoriales, qui sont très importantes dans notre région. Je pense que nous devons continuer Néo Societas, qui est une contribution portée par le Ceser pour plus de justice sociale dans les politiques régionales, aux côtés de Néo Terra 2.

Se faire mieux connaître dans les territoires

Pensez-vous que le Ceser est suffisamment connu et reconnu par le monde économique ?
Aujourd’hui, le Ceser a une place reconnue, et pas seulement symboliquement, par le Conseil régional. Les choses ont bien progressé depuis quelques années, nos avis sont beaucoup mieux pris en compte. Je crois aussi que le Ceser est mieux reconnu par les institutions de la région, les services de l’Etat, les grandes organisations… Mais il y a un déficit incontestable de connaissance et d’utilisation de nos travaux à l’échelle des territoires. Avec une méconnaissance des élus, des responsables, de la qualité de nos travaux. C’est l’un des enjeux que j’ai fixés, être beaucoup plus présents en matière de communication, avec des informations ciblées en direction des conseils de développement, par exemple. Je souhaite aussi qu’on développe des relations avec les réseaux de chefs d’entreprise du territoire, les acteurs socioculturels, ça me semble primordial.

Votre dernier rapport concernait les énergies renouvelables. Quelles seront les thématiques des prochains ?
Pour être exact, nous en avons publié trois en même temps. Sur les énergies renouvelables donc, sur la jeunesse, et un qui pose la question « comment enrayer la fabrique de la pauvreté ? » Ce dernier est l’un des plus utilisés, et il fait état d’une réalité très difficile pour 30% de la population régionale. Quant aux prochains, on en discutera collectivement dans les deux mois et demi à venir, période durant laquelle nous déciderons également de notre feuille de route. 42% de nos membres sont de nouveaux conseillers ce qui est bon signe, c’est toujours important d’avoir un fort renouvellement, mais cela signifie qu’il faut les accompagner pour qu’ils comprennent le fonctionnement du Ceser, ce qui n’est pas simple. Ensuite, nous devrons prendre en compte le bilan des six dernières années, pour voir comment poursuivre un certain nombre de choses, comment en modifier d’autres.

Âgé de 68 ans, Yves Jean a rejoint le Ceser Nouvelle-Aquitaine en 2014 et y siège depuis 2016. Cet universitaire est actuellement président honoraire de l’Université de Poitiers, après avoir assuré de 2016 à 2020 sa présidence. Auparavant maître de conférences de géographie humaine à l’Université de Tours, il a aussi dirigé la publication de différents ouvrages sur l’aménagement du territoire, l’espace rural ou encore l’école en milieu rural. Par ailleurs, Yves Jean a aussi une casquette d’élu. Après avoir été maire de la commune rurale de Queaux, dans la Vienne, de 1989 à 2008, il a été conseiller municipal délégué à la prospective urbaine à Poitiers.

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