Lacq-Orthez : « On se dit que nos projets ont du sens » affirme Patrice Laurent - Premium

Patrice Laurent, président de la Communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO), accompagne politiquement les (très) grands projets industriels sur le bassin historiquement axé sur la chimie et la technologie. Au pied des Pyrénées, le territoire de 55.000 habitants répartis sur 60 communes attend l'éclosion de grands projets structurants. Où en est-on dans les différents projets d’investissement dans le bassin de Lacq ? Nous attendons, dans les prochains jours, une décision d’investissement finale pour Caremag, l’usine de recyclage d’aimants pour en extraire les terres rares. C’est une usine à 200 millions d’euros, qui va créer des emplois et de la richesse. Toray vient de terminer la construction de sa sixième ligne de fibres de carbone, ce qui représente entre 120 et 140 millions d’euros d’investissement et 50 emplois créés.Qu’en est-il de la plateforme logistique de Lidl, un projet maintes fois repoussé ?Aujourd’hui, en France, entre le moment où vous décidez de faire quelque chose et le moment où vous le faites réellement, il faut compter plusieurs années. Depuis l’annonce de cette construction, il y a eu le covid, la guerre en Ukraine, l’explosion des coûts de l’énergie et du prix des métaux. Le coût du projet a été multiplié par deux dans un contexte où le loyer de l’argent a été multiplié par 3 ou 4, et où les marges se réduisent à cause de l’inflation.À lire également - LauguiConcept pose ses valises à LacqMais le projet n’a pas été complètement remis en question ? Non, Lidl vient de déposer un nouveau permis de construire. Ils ont réduit la hauteur des bâtiments sans toucher à la surface au sol, qui restera de 7 hectares, et repensé les circulations autour de la plateforme. Ces ajustements leur ont permis d’économiser 40 millions d’euros. Le projet devait coûter au départ 70 millions. Deux ans plus tard, c’était devenu 140 millions. Avec ces changements, ils repassent à 100 millions. Ce sont ces sujets-là qui font que l’on a perdu du temps. Maintenant, le début des travaux est prévu pour fin 2025-début 2026. Parmi les autres projets qui se font attendre, il y a le projet Osmo, que l’on appelait au départ Claudia, de stockage d’électricité sur Mourenx et Os-Marsillon. C’est un projet gigantesque de stockage de 50-100MW d’électricité sur des batteries qui vont être chargées et déchargées 2 à 3 fois par jour, qui est porté par l’entreprise Amarenco. C’est un projet qui va contribuer à équilibrer le réseau, en stockant l’énergie quand on produit en surplus pour la remettre sur le réseau pendant les pics de consommation. Le permis de construire est déposé, et les travaux vont démarrer cette année.Qu’en est-il des projets de production de biocarburants ? Les projets Nacre et d’Elyse Energy avancent bien et suivent leur cours. 2025 va être une année très importante, avec des décisions finales d’investissement.« Je ne pense pas que l'Europe va détricoter ses plans pour les biocarburants »Vous avez aussi récemment annoncé l’arrivée de Paprec sur votre territoire… Ils vont s’installer sur Noguères, où ils rassembleront plusieurs activités pour avoir une vitrine. Il y aura un déconditionneur, une machine qui retire les biodéchets de leurs emballages. Ils seront ensuite fléchés vers le méthaniseur de BioBéarn. Ils vont aussi développer d’autres activités déjà présentes sur le territoire. C’est, par exemple, Paprec qui opère notre usine d’incinération des ordures ménagères et qui opère notre collecte des déchets depuis 30 ans. C’est quelque chose qu’ils veulent développer, en y ajoutant en particulier le traitement des déchets industriels banals. Aujourd’hui, ils collectent ceux de Toray, et leur ambition est de progresser sur ce marché-là avec une plateforme de traitement de déchets et de recyclage, sur le modèle de ce qu’ils ont déjà à Montardon. Prenez Elyse Energy : un tiers de la biomasse dont ils ont besoin, c’est du bois déchet. Aujourd’hui, Paprec en recycle de grandes quantités à Montardon, et comme il n’existe pas de filière en France pour le valoriser, il part en Espagne ou en Europe du Nord… Quand on voit cela, on se dit que nos projets ont du sens.De plus en plus, la transition écologique est remise en question au niveau politique. Cela vous inquiète-t-il pour l’avenir de la chimie verte et du bassin de Lacq ? La menace que je vois est d’abord sur la planète. La trajectoire que prennent les EU aujourd’hui, Trump qui décide qu’il faut se jeter sur les énergies fossiles et sortir de l’accord de Paris, pourrait inciter les autres continents à suivre son exemple. Donc, le danger, au-delà de la question économique, est avant tout pour la survie humaine. Après, je ne pense pas que l’Europe s’amuse à détricoter ses plans d’incorporation de biocarburants dans les réservoirs des avions. Ce qui est, en revanche, un peu plus inquiétant, c’est que les biocarburants représent un modèle qui repose sur des subventions. Sans elles, il n’y a pas de modèle économique. Je suis davantage inquiet pour la pérennité des aides étatiques sur ces sujets-là. Mais en gros, le système de la transition est basé sur le fait que les pollueurs paient des taxes, et que ces recettes alimentent la décarbonation. À ce niveau-là, je n’ai pas d’inquiétude. J’ai foi, malgré tout, dans l’intelligence humaine.À lire également - Résolution Béarn : « La décarbonation viendra du mix énergétique »La CCLO a récemment adopté son nouveau Plan climat-air-énergie territorial (PCAET). De quels outils disposez-vous, au niveau des intercommunalités, pour décarboner ? Je peux vous donner quelques exemples de décisions politiques de décarbonation : quand on réduit le nombre de collectes de déchets ménagers, on fait rouler deux fois moins de camions, et c’est 7% de réduction des émissions de la collectivité. Bien sûr, ça induit des changements pour les particuliers. Il va falloir faire du compost, trier plus qu’on ne le faisait. C’est une décision impopulaire mais efficace. Autre exemple : l’extinction de l'éclairage public la nuit par 95% de nos communes. Ça ne nous a pas fait gagner d’argent, parce que l’électricité a augmenté, mais notre consommation a très fortement diminué. Nous avons aussi encouragé financièrement, de manière assez importante, la plantation de haies : en plus de stocker le carbone, cela permet aussi de lutter contre les inondations et de préserver la biodiversité.« La question de l'eau potable se pose à un degré moindre »Qu’en est-il du partage de l’eau ? Y en aura-t-il, à l’avenir, assez pour tous les usages ? On consommera avec des industries de type Elyse dix fois moins d’eau qu’on en consommait à l’époque de Celanese et Yara. La question de l’eau potable se pose chez nous, comme dans tous les départements de France… mais à un degré moindre chez nous. Dans certains territoires, on se demande déjà comment faire pour se passer d’eau demain. Nous, nous en sommes à nous interroger sur la façon de diminuer notre consommation. C’est une question cruciale mais pas vitale. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut la gaspiller : le bassin de Lacq est labellisé Zone industrielle bas carbone, ça concerne aussi l’eau.Il s’agit donc de rationaliser maintenant pour ne pas avoir à rationner plus tard ? Oui. Cela dit, il y a des gens qui s’opposent aujourd’hui à des projets extractifs de type gravière, alors qu’on en aura besoin pour construire. Je préfère extraire ces matériaux sur notre territoire que de les faire venir d’Espagne par camion. Surtout, ensuite, les gravières créent des espaces de stockage d’eau. Le lac de Biron est artificiel : il a été créé parce qu’on a fait l’autoroute, c’est là que l’on a creusé pour prendre des matériaux de construction. De la même manière, le Lac d’Artix, qui est classé Natura 2000, a été créé par et pour l’homme. Je dis cela car beaucoup de gens qui se disent écologistes s’opposent à ce type de développement, mais sans regarder ce qu’ils permettent : stocker de l’eau, créer des réserves de faune et de flore. C’est cela, le développement durable.

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