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Fabien Joffre (Safer) : « On arrive à avoir les terres les moins chères de l’Union européenne »

Écosystème
mardi 27 juin 2023
Fabien Joffre (Safer) : « On arrive à avoir les terres les moins chères de l’Union européenne »

Patrice Coutin, président de la Safer Nouvelle-Aquitaine durant 23 ans, a passé la main à Fabien Joffre, élu à l'unanimité le 22 juin. Crédits : Safer Nouvelle-Aquitaine

La Safer Nouvelle-Aquitaine, Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, vient d’élire son nouveau président, Fabien Joffre, pour quatre ans. Éleveur de vaches allaitantes et producteur de noix en Dordogne, il succède à Patrice Coutin, président de la structure durant 23 ans. Renouvellement des générations d’agriculteurs, développement économique local et besoin de protéger l’environnement : Fabien Joffre, revient, pour Placéco, sur les enjeux à venir.

Quel bilan tirez-vous de l’année 2022 ?
Nous avons enregistré un volume global de transactions en baisse [ndlr, 64.000 hectares contre 68.000 en 2021]. Cela s’explique car après les périodes de confinement en 2021, il y a eu un attrait des campagnes partout en Nouvelle-Aquitaine, et particulièrement sur la côte atlantique, dans le Périgord… Beaucoup de gens des grandes agglomérations françaises - Paris, Lyon, Marseille - sont venus se mettre au vert. Donc en 2022, nous avons assisté à un rééquilibrage. Ensuite, il y a toujours de l’artificialisation des sols due à des constructions, du développement économique - c’est reparti légèrement à la hausse, mais on arrive à le contenir. Il y a dix ans, on perdait l’équivalent d’un département en SAU [ndlr, surface agricole utilisée] tous les quatre ans, c’est passé à sept ans, et aujourd’hui on est plutôt sur dix ans. Cette évolution est la conséquence notamment de la ZAN, zéro artificialisation nette des sols portée par le gouvernement, pour protéger les terres agricoles. Globalement on va dans le bon sens, il y a un meilleur équilibre avec une attention particulière sur les terres qui nous nourrissent - il y a eu une prise de conscience post-Covid de l’importance de la souveraineté économique.

L’une des missions de la Safer est d'œuvrer au renouvellement des générations agricoles. En 2022, 5.515 hectares ont été attribués dans la région au profit de 441 jeunes agriculteurs. Quels sont vos leviers d’action ?
Lorsqu’on récupère des terres agricoles, y compris par préemption, on les attribue majoritairement aux jeunes. Car le principal frein, pour eux, c’est le manque de foncier. On fait souvent du portage et du stockage, c’est-à-dire qu’on propose aux jeunes d’investir dans le matériel de production ou un cheptel, et grâce à une convention avec le Conseil régional on porte le foncier sur cinq voire dix ans. L’agriculteur nous paye un loyer, puis au bout du contrat on lui propose de le renouveler au même tarif. Cela donne confiance aux banques, car ça évite un taux d’endettement trop important.

En 2022, la Safer a porté 3.502 hectares au profit de l’installation de 179 jeunes agriculteurs pour un montant total de 19 millions d’euros. 687 hectares ont été stockés, pour un montant de 4,2 millions d’euros, dans l’attente d’une transmission à de nouveaux installés.

Utilisez-vous régulièrement votre droit de préemption ? Dans quel contexte ?
Non, cela représente moins d’1% du marché. L’idéal pour nous est que les gens qui veulent vendre passent par la Safer - on leur garantit de la transparence et de la réactivité. Lorsqu’on préempte, c’est souvent pour réguler le prix des terres, et permettre que nos agriculteurs y aient accès. C’est grâce à ce levier que l’on arrive à avoir les terres les moins chères de l’Union européenne - en Hollande, un hectare coûte en moyenne 70.000 euros quand en Nouvelle-Aquitaine, la moyenne est de 6.000 euros.

Un équilibre entre développement et protection

Comment trouver un équilibre entre respect des terres agricoles et développement économique ?
On essaye de faire de la sensibilisation, pour éviter de surconsommer les terres… Comme pour ce qui concerne les énergies renouvelables - on sent une montée en puissance de l’agrivoltaïsme, du photovoltaïque au sol, des projets de méthanisation. Tout cela peut provoquer un déséquilibre dans la gestion du foncier - à nous de trouver le bon équilibre pour ne pas faire n’importe quoi. On sait très bien que dès qu’une terre rapporte - le photovoltaïque rapporte par exemple plus que l’agricole - on peut vite perdre des centaines d'hectares…

Vous venez d’être élu à la présidence de la Safer Nouvelle-Aquitaine pour quatre ans. Quelles actions souhaitez-vous porter ?
J’étais avant vice-président de la Safer, donc mon élection s’inscrit dans la continuité de mon prédécesseur [ndlr, Patrice Coutin, président durant 23 ans]. C’est-à-dire la recherche d’un équilibre entre agriculture avec l'importance de la souveraineté alimentaire, et développement économique. Tout cela en lien avec les collectivités locales, mais aussi avec des associations environnementales qui sont notamment entrées dans nos conseils d’administration. L’une des missions que l’on pourrait mener concerne la forêt près de la façade atlantique. Aujourd’hui il n’y a pas de régulation du marché sur les bois et je vais insister auprès des élus sur ce sujet. Si la Safer pouvait gérer un peu plus ce sujet, ce serait énorme dans la lutte contre les incendies à cause de la cabanisation.

C’est-à-dire ?
Beaucoup de bois sont achetés par des privés, qui installent des caravanes ou des bungalows, n’entretiennent pas forcément les parcelles - on s’est rendu compte l’été dernier que les pompiers perdaient énormément de temps car avant d’arroser, ils doivent sécuriser la zone d’incendie. En moyenne les bois changent de main une fois tous les 70 ans et à ce moment la Safer pourrait intervenir et orienter - au lieu qu’ils  reviennent à un propriétaire privé, ils pourraient devenir publics ou revenir à un forestier. Cela permettrait une meilleure gestion et une meilleure prévention des risques. 

En 2022, 6.473 hectares ont été attribués à des porteurs de projet pour des intérêts environnementaux (dont 86% en lien avec une activité agricole). 580 hectares ont été stockés pour protéger des sites à forts enjeux environnementaux, et 420 hectares ont été stockés pour la qualité et la quantité de l’eau, selon la Safer.