Évolution professionnelle : quelles sont les nouvelles aspirations des salariés de Nouvelle-Aquitaine ? - Premium

Quels grands enseignements tirez-vous de ce baromètre 2023 ? Il est intéressant, selon moi, car assez riche. Quatre grandes tendances se dégagent, et la première, c’est que les mutations actuelles influent sur le rapport au travail. Il y a une prise de conscience, ou en tous cas une représentation des salariés que l’allongement de la durée de vie au travail, l’intelligence artificielle, la transition environnementale et écologique, voire l’automatisation des tâches, concerneront leur activité. C’est le premier point, et ce n’est pas rien. Par exemple, 75% des répondants envisagent une transformation ou une disparition de leur métier ou secteur, avec la transition écologique. Nous n’avons pas de données antérieures car nous avons voulu introduire cet aspect-là dans le baromètre 2023 ; c’est intéressant mais cela signifie que l’éco-anxiété ne concerne pas seulement les jeunes générations, même si c’est plutôt cette catégorie-là qui l’exprime très fortement. Vous mentionnez l’intelligence artificielle, le baromètre montre qu’un quart des salariés interrogés sentent leur métier menacé par des IA génératives… Est-ce aussi une nouveauté ? Oui, nous avons voulu intégrer cette donnée, car c’est une évolution qui va très vite. On l’a vu il y a quelques semaines avec un premier exemple assez significatif en France : à Courbevoie, l’entreprise Onclusive qui compte 380 salariés, a annoncé en licencier 217 pour les remplacer par une intelligence artificielle. Donc ce n’est pas seulement du fantasme, ça devient une réalité qui touche certains secteurs d’activité. On voulait mesurer si, du point de vue du salarié, il y avait une prise de conscience de la rapidité exponentielle de la mise en œuvre de l’IA. Maintenant, l’exemple de Courbevoie est assez extrême et s’il y a effectivement des métiers qui pourraient être amenés à disparaître, selon un certain nombre d’études ; il y a surtout des métiers qui vont se transformer, et apparaître. Il y aura des remises en question, des repositionnements par rapport aux activités concernées. Si un avocat se limite à répondre aux questions de ses clients, l’évolution de l’intelligence artificielle n’ira pas forcément dans le bon sens pour lui. Mais s’il a un rapport relationnel fort, de reformulation, un vrai travail de service après-vente, ce sera toujours une valeur ajoutée.« Le rapport entre l'offre et la demande a changé »Parmi les autres enseignements de ce baromètre, il apparaît que 67% des salariés néoaquitains interrogés envisagent une évolution professionnelle dans les deux ans à venir…. Oui, on voit que la question de l’évolution n’a jamais autant concerné les salariés. En 2020, 45% des répondants évoquaient vouloir évoluer dans les deux ans à venir, et ils étaient 65% l’année dernière. Mais on a voulu aller plus loin cette année, en essayant de repérer ces intentions à 12 et 6 mois. Et le résultat me paraît significatif, car 41% des répondants considèrent vouloir évoluer dans les six mois à venir, dont 15% avec certitude. Pourtant, dans un contexte économique incertain, on pourrait penser que les salariés souhaiteraient attendre… Mais le contexte, c’est aussi que six secteurs sur dix ont du mal à recruter, avec un rapport entre l’offre et la demande qui a changé. Les salariés ont un pouvoir d’action plus important, quant à leur mobilité professionnelle. Et ça, ce n’est pas rien. Ensuite, vous avez raison sur le fait qu’il y a une nécessité, un besoin de sécurisation sur une décision de repositionnement professionnel, car cela peut avoir des conséquences financières, familiales, temporelles, géographiques… Une telle décision ne se prend pas comme ça, pour autant, le rapport de pouvoir a vraiment changé.Le salaire, moins important que l'année passéeVotre étude montre également une évolution des préoccupations des salariés. Est-il aujourd’hui indispensable, pour les entreprises, d’avoir une stratégie de RSE ? C’est effectivement la troisième grande tendance mise en lumière par le baromètre. Disons que c’est une confirmation, car un certain nombre d’études vont déjà en ce sens : la centralité du travail est en train de bouger, se modifie. Quand on interroge les salariés, bien sûr ils parlent du salaire qui est toujours cité en premier, mais la tendance a baissé considérablement par rapport à l’an dernier : ils étaient 36% à associer l’évolution professionnelle à un meilleur salaire, contre 25% cette année. À contrario, l’envie de bénéficier d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle a grimpé de 10 à 18%. Ensuite, pour la seconde partie de votre question, la RSE apparaît déterminante pour 19% des salariés interrogés. 64% considèrent cette notion comme importante, et pouvant avoir un rôle important sur leur souhait d’évolution professionnelle. Mais le fait d’avoir de nouvelles missions, un meilleur salaire ou une adaptation de la charge de travail sont toujours des préoccupations plus importantes. Et si les envies d’évolution professionnelle sont réelles, vous montrez également que la majeure partie des salariés interrogés ne comptent pas changer du tout au tout… Non, ça reste de l’ordre de l’évolution interne, ou du moins dans leur secteur d’activité, pour six salariés sur dix. Ils restent attachés à leur entreprise, leur organisation. Ce qui n’est pas sans poser question en Nouvelle-Aquitaine, car on sait que le tissu économique est plutôt composé de TPE et surtout de PME, avec des possibilités d’évolution intéressantes qui restent assez limitées, si on raisonne en termes de fonctions. Ce qui signifie que les enjeux autour de la qualité de vie au travail, de l’organisation de l’activité et des tâches, sont cruciaux. À noter également que si, en 2020, 5% des répondants se questionnaient sur la création d’activité, ils sont 10% en 2023 à vouloir éventuellement sortir du salariat. Ils ont sans doute besoin de mieux maîtriser les mutations que l’on a évoquées, leur qualité de vie au travail, et l’équilibre entre le professionnel et le personnel… Ce qui n’est pas toujours vrai, quand on est responsable de sa propre activité. Mais il peut y avoir des phases d’incertitude fortes, c’est un réflexe humain de vouloir maîtriser ce qui peut nous arriver.

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