CPME : « Les PME prennent la crise de plein fouet » - Premium

Depuis janvier 2025, il est le plus jeune président de la CPME nationale, la Confédération des moyennes et petites entreprises. Amir Reza-Tofighi est entrepreneur dans le secteur des services à la personne, et a créé plusieurs sociétés dans le domaine de la tech. Le « conclave » des retraites s’est achevé ce mardi 17 juin. S’il est finalement prolongé d’une journée supplémentaire le 23 juin, qu’en retenez-vous, pour l’instant ? J'en retiens que l’on a dressé des constats partagés durant ce conclave. Notre système de retraite reste déficitaire malgré la réforme, ce qui signifie que l’on doit aller encore plus loin. Le rapport de la Cour des comptes l’a montré. Il y a une ambition, partagée par tout le monde - pour sauver notre modèle de retraite par répartition, il faut absolument qu’il soit à l’équilibre, à long terme. Cela nous demande collectivement de travailler plus, et de gérer les cas particuliers de personnes qui ne pourraient pas travailler plus, notamment sur les cas de pénibilité. Vous avez beaucoup porté le sujet de la prévention, lors de ce conclave… Le vrai sujet est là, aujourd’hui. Comment fait-on pour mettre en place des actions de prévention, pour éviter que des personnes soient cassées ? Il faut axer plutôt sur la prévention que sur la réparation. Et j’espère que l’on trouvera un accord, car c’est un peu l’avenir de nos retraites qui en dépend. On parle quand même, dans les 20 prochaines années, de 350 milliards d’euros de déficit rien que sur la partie privé. Autant d’argent que l’on ne mettra pas sur les investissements du futur - la transition numérique, écologique, la réindustrialisation du pays…L’une de vos propositions concerne l’instauration de « points d’usure » pour les métiers à forte pénibilité. Comment cela fonctionnerait-il ? Cela peut-être pour de la prévention. À travers ces points on pourra avoir des formations, des reconversions professionnelles, du temps aménagé et à partir d’un certain âge, ceux qui ont eu un certain nombre de points pourront bénéficier d’un suivi personnalisé. Si le médecin considère qu’ils ne sont plus aptes à travailler, ils passent en retraite anticipée. C'est une façon de dire qu’on ne traite pas tout le monde de la même manière, qu’on individualise le suivi. Car la problématique de notre système, c’est que l’on traite tout le monde de la même manière. Le positionnement des syndicats est de dire « tous ceux qui ont des métiers pénibles doivent partir avant, y compris ceux qui peuvent finalement continuer de travailler avec des adaptations ». À la CPME, c’est contre cela que l’on se bat.Protéger nos entreprises des géants asiatiques Globalement, comment vont les PME françaises ? À l’échelle nationale, il y a une série de facteurs qui impactent aujourd’hui l’économie, et forcément encore plus les PME. La guerre commerciale, les incertitudes politiques, le ralentissement de la croissance mondiale… On ne le ressent pas encore sur nos indicateurs macroéconomiques, même si on peut constater que les prévisions sont pessimistes [ndlr, l’INSEE vient d’annoncer tabler sur une croissance de 0,6% en 2025, contre 1,1% l’an passé]. Ajoutons à cela la situation de plusieurs secteurs, fortement impactés par la concurrence asiatique à bas coût… On pense à une entreprise comme Jennifer, ce sont quasiment 1.000 emplois qui sont menacés. Il y a un vrai enjeu à ce que les politiques prennent conscience du sujet et aillent vite. Le projet de loi anti-fast fashion, voté par les sénateurs le 10 juin et ciblant davantage l’ultra fast-fashion asiatique plutôt que les entreprises européennes, est-il un bon signal ? Tout ce qui va protéger nos entreprises en est un. Mais le textile n’est qu’une petite partie de tout ce qui est concerné par les plateformes asiatiques ! Pour moi, c’est un enjeu majeur de survie de beaucoup de pans entiers de l’économie. Si l’on met des années à réagir, il ne faudra pas s’étonner qu’il soit trop tard. Comme à l’époque des panneaux solaires. Les grandes entreprises ont différents leviers de croissance, et sont moins impactées par la situation française tandis que nos PME réalisent la plupart de leur activité en France, et prennent donc la situation de plein fouet. Il y a un vrai sujet à les soutenir.La loi de simplification a été adoptée hier à l’Assemblée nationale. Est-ce une première avancée, selon vous ? Tout n’est pas parfait dans ce projet de loi, mais il ne faut surtout pas que la commission mixte paritaire soit décalée à la rentrée pour qu’à la fin, le sujet disparaisse. On veut absolument qu’en juillet, avant les vacances parlementaires, ce qui est dedans soit validé pour que l’on passe à autre chose. Il est notamment question de la ZFE, la zone à faible émission, ou de la loi ZAN, zéro artificialisation nette. Pour la gauche, cette simplification est anti-écolo… Nous sommes en train d’assister à un moment de ras-le-bol complet de toutes les normes. On voit bien que l’on est presque en train de tout jeter, y compris des choses justifiées. On partage tous les ambitions initiales de ces sujets, on vit tous sur la même planète, et on est conscient de la transition écologique. Sauf qu’à chaque fois, la façon dont les choses sont mises en place fait que soit c’est inapplicable, soit les effets sont tellement mauvais que ça va à contre-sens de ce que l’on veut. Je veux bien que l’on dise, « il faut moins polluer », mais quand à la fin on exporte notre pollution en Chine et qu’on importe des produits dix fois plus polluants, ça n’a aucun sens. C’est un peu comme la CSRD à l’échelle européenne, il faut remettre du bon sens pour gagner l'adhésion des chefs d’entreprise et des citoyens.

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