Sud-Ouest : comment Picoty prépare l’avenir de la distribution de carburants - Premium

Comment adapter les réseaux de distribution au ralentissement programmé des ventes de véhicules thermiques ? Bien que l’Union européenne n’ait finalement pas entériné mardi l’interdiction programmée à 2035 pour les voitures individuelles, en raison des réticences de l’Allemagne, la question se pose au premier chef pour le groupe creusois Picoty. Basé à la Souterraine, cette société familiale et centenaire, de 1.200 collaborateurs et 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2021, se positionne en effet comme un spécialiste de la distribution d’énergies. Et si ses activités sont très diversifiées, avec plus de 50 filiales couvrant des énergies et des cibles variées, elles affichent un fort tropisme pétrolier, dont l’incarnation la plus visible n’est autre que le réseau de 280 stations-services qu’elle opère sous marque Avia, dans tout l’Ouest de la France. « Quand on se projette à 2035, les études montrent que l’avènement du véhicule électrique va remettre en cause le modèle économique de la station-service traditionnelle », résume David Ruaud, responsable réseau du groupe Picoty. Le cabinet Colombus Consulting anticipe ainsi une réduction d’un tiers de la demande en carburant, qui se traduirait par une baisse, dans des proportions équivalentes, de la fréquentation des stations-services. « Dans ce contexte, notre ambition est de maintenir le maillage territorial qui fait notre force, et de s’appuyer sur les impacts positifs de la transition énergétique pour développer de nouveaux modèles économiques », ajoute David Ruaud. Station A : un concept en test à GradignanMise en service début 2023, la nouvelle enseigne Avia de Gradignan préfigure la façon dont Picoty souhaite faire évoluer ses points de vente grand public. « L’idée est de faire de nos stations de véritables hubs de services, complémentaires de la mobilité d’aujourd’hui, mais aussi de celle de demain », explique David Ruaud. Le groupe creusois a par exemple noué un partenariat avec le réparateur Point S, désormais présent avec un garage minute dédié au vitrage dans 21 de ses stations Avia. Outre les propositions attendues, de type entretien ou lavage, Picoty travaille également à ouvrir ses points de vente vers d’autres formes de mobilité, avec la possibilité de louer, sur place, un vélo à assistance électrique ou une voiture, via les plateformes de d’autopartage de type Getaround. La société a également travaillé son espace commercial, avec la création de zones d’attente, destinées aux utilisateurs de voiture électrique, et le renforcement de son offre de restauration et d’épicerie. Physique ou digital, jouer la carte de la proximitéElle prépare en parallèle la numérisation de son offre commercial, avec le lancement d’une application mobile, attendue d’ici la fin du premier semestre, qui à terme doit permettre de réserver des prestations depuis son téléphone. « Vous pourrez précommander votre plein et programmer vos achats de première nécessité et venir comme à un drive, en ayant réglé depuis l’application », illustre David Ruaud. En attendant la mise en ligne, Picoty se projette déjà dans une logique de marketplace, en capitalisant sur l’accessibilité de ses stations-services, et leur caractère de point de passage obligé. « L’étape ultime serait que notre hub de services soit ouvert aux commerces voisins, pour que vous puissiez par exemple récupérer vos courses en même temps que vous faites le plein ». Picoty, qui a investi 350.000 euros dans la réfection de sa station de Gradignan, envisage déjà de déployer le concept Station A sur cinq nouveaux sites en 2024, 10 en 2025, et une trentaine à horizon 2030, avec une offre de services ajustée au cas par cas en fonction de la taille de la station-service et de son emplacement. Renforcer le mix énergétiqueCette logique de modularité sous-tend également les réflexions du groupe Picoty quant à la diversification du mix énergétique proposé par ses stations-services. « Tout l’enjeu pour nous consiste à arriver à suivre les mutations du marché, en partant du principe qu’il n’y aura pas une seule énergie miracle, mais un bouquet d’alternatives bas carbone, qui évoluera selon deux critères, l’usage et le territoire », expose Caroline Schildt, directrice de la transition et du développement durable de Picoty. Entrée dans le groupe familial en 2021, elle est l’aînée de la quatrième génération, et c’est à elle que revient l’accélération du virage énergétique d’un groupe dont 90% de l’activité provient des énergies fossiles. « C’est compliqué pour nous, d’autant plus que nous avons compris l’urgence de la situation et la systémie du problème », avoue-t-elle. Sur le sujet, Picoty ne part cependant pas de zéro. « Nous avons engagé le virage vers l’électricité et le gaz il y a une dizaine d’années. Nous venons par exemple d’ouvrir notre 16e station GNV en Occitanie, et nous maintenons cette politique de développement, en direction des véhicules légers comme des véhicules lourds, indique Caroline Schildt. Nous travaillons également beaucoup le sujet des bio-carburants, E85 et B7, en attendant, on l’espère, le B100 et le fuel F30 ». 5.000 points de recharge d’ici 2030Sur ces différents sujets, Picoty – qui n’a pas d’activité de raffinage – reste toutefois dépendant des possibilités d’approvisionnement, et du manque de visibilité induit par l’évolution du cadre réglementaire. « Quand le B100 est passé critère 1, donc compatible avec les ZFE, beaucoup de transporteurs ont décommandé leurs camions au gaz, mais le marché des biocarburants reste relativement verrouillé par les coopératives agricoles, illustre Caroline Schildt. On essaie donc de suivre au plus près les différentes stratégies bas carbone, au rythme de la valse des décisions politiques et sur fonds de crise énergétique et géopolitique ». Moins concerné par ce va-et-vient, l’électrique constitue sans surprise l’un des autres grands axes de développement. D’une centaine de points de charge au printemps 2023, Picoty ambitionne de passer à 500 d’ici 2025, et 5.000 d’ici 2030, sur son propre réseau de stations-services, mais également à l’extérieur. « Nous visons à équiper des entreprises en bornes de recharge, avec accès à la fourniture d’électricité et l’ensemble des services qui vont avec », révèle Caroline Schildt. Une ouverture indispensable pour prendre pleinement la vague : les études soulignent en effet que la majorité des recharges des particuliers se font et se feront soit au domicile, soit sur le lieu de travail.L’hydrogène fait également partie des sujets envisagés par Picoty, cette fois nettement plus en avance de phase. Le groupe, qui s’est déjà doté d’une filiale dédiée, ouvrira cet été une premier point de distribution en forme de démonstrateur, installé en Vendée, opéré avec le producteur Lhyfe et objet d’un investissement de 2 millions d’euros. « Toute la question consiste à déterminer quels seront les usages, et la zone de chalandise », conclut Caroline Schildt. PicotyFondé en 1922Basé à La Souterraine, dans la Creuse1200 collaborateurs sur 51 filiales dont 23 de distributionCA : 1,4 milliard d’euros

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