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Comment le groupe Daniel mise sur la brique en terre crue

Innovation
lundi 05 février 2024

Nathalie Menchon, responsable R&D du Groupe Daniel | Photo BrickPic/LVG

À la recherche d'un débouché pour les coproduits d'exploitation de ses carrières, le groupe béarnais Daniel spécialisé dans la production de béton, granulés et autres matériaux de construction, s'est lancé depuis le mois de décembre dernier dans la production de briques en terre crue. Un matériau aux excellentes caractéristiques isolantes, connu depuis l'antiquité, mais encore très peu produit de façon industrielle.

Nathalie Menchon a rejoint le Groupe Daniel il y a deux ans et demi. Au sein de l’entreprise familiale béarnaise, spécialisée dans l’extraction, la production et la livraison de matériaux de construction, cette diplômée en géochimie est nommée « Responsable Innovation, Recherche et Développement ». Sa mission est bien précise : « Revaloriser tous les coproduits de tous les domaines du groupe. » L’ingénieure se met au travail, visite les sites du groupe, les carrières, les usines. Sur certains, raconte-t-elle, elle trouve « des quantités non négligeables de boues de lavage ». Sur d’autres, des « stériles », c’est-à-dire des matériaux pas assez riches en matière rocheuse pour être exploités. « Un jour, un collègue m’a dit : « j’ai un stock de sable, si tu peux m’en débarrasser… » À partir de tous ces coproduits dont le groupe ne sait que faire, lui vient l’idée de produire un nouveau matériau : des briques en terre crue. La différence avec une brique classique, cuite dans un four ? « On a juste besoin de compacter les matériaux », explique-t-elle.

« Un matériau qui répond à beaucoup d’enjeux climatiques »

Après plusieurs mois de travaux et de tests, en collaboration avec des laboratoires de géochimie, « on a fini par obtenir, au printemps dernier, une formule qui tient la route », se félicite Nathalie Menchon. Le matériau présente de nombreux avantage : sa production se fait sans chauffage ni cuisson, un atout considérable pour économiser de l’énergie. « C’est aussi un produit qui existe depuis la nuit des temps, ajoute l’ingénieure, un matériau qui répond à beaucoup d’enjeux climatiques et d’économie circulaire. »

« La terre crue amène énormément d’inertie thermique dans le bâtiment, explique Nathalie Menchon. La production utilise peu d’énergie, mais le bâtiment lui-même en utilise aussi très peu » : moins de chauffage en hiver, mais aussi moins de climatisation en été. D’autant plus, ajoute-t-elle, que « la brique respire, elle a un pouvoir de régulation de l’hygrométrie du bâtiment », ce qui joue sur la température ressentie. C’est aussi un isolant acoustique, et un matériau doté d’une excellente résistance au feu. Enfin, « c’est un produit recyclable »… et recyclé, puisque réalisé à partir de coproduits. Ce dernier point présente un dernier avantage : il permet au Groupe Daniel d’économiser ses gisements en optimisant l’utilisation de tous les matériaux extraits. « C’est devenu tellement compliqué d’obtenir des autorisations, soupire Caroline Gadomski Brouqueyre, responsable communication du groupe. On parle de délais d’instruction de dix à quinze ans ! »

Passage à l'échelle industrielle

Le groupe décide de tester le marché avec une première série de briques crues. L’idée, explique Caroline Gadomski Brouqueyre, est de « montrer le produit et sonder des architectes ». À court terme, cependant, l’objectif est bien d’industrialiser la production. Une innovation en soi : « Ce qui est nouveau, c’est la fabrication en série, reprend la responsable communication du groupe. Il y a aujourd’hui un producteur très industrialisé de briques crues en Suisse, et un gros producteur à Albi, mais qui travaille de façon très artisanale, à de petites cadences par rapport à nos possibilités. » Outre un meilleur rendement, assure-t-elle, la production industrielle permet un meilleur suivi de la composition du produit, et donc des garanties de qualité plus fiables.

Après un long délai correspondant à la livraison d’un moule ad hoc, les premières briques industrielles sont sorties à la mi-décembre du site de Tarnos. La marque, « Terraglo », a été déposée fin janvier à l’INPI. « On travaille encore sur l’amélioration du processus industriel », précise Nathalie Menchon. D’ici mi-février le groupe prévoit une série de 15.000 briques produites en deux jours. Dans un premier temps, la production se concentrera sur le site de Tarnos, mais « si demain, il faut développer cette activité en Béarn, on fera une antenne à Pau », assure Caroline Gadomski Brouqueyre.

To brique or not to brique

Une décision qui dépendra en grande partie du développement d’un marché encore balbutiant. Le Groupe Daniel est d’ailleurs en contact avec l’agglomération paloise pour chercher un projet démonstrateur. « La pose de ce matériau est spécifique, il faut que les acteurs du gros œuvre se l’approprient, considère Nathalie Menchon. Pas mal d’entreprises de construction sont en train de se former à son utilisation en ce moment. » Le Groupe Daniel propose d’ailleurs des aides à la formation : « C’est un matériau qu’il ne faut pas poser n’importe comment », insiste la responsable R&D. Par exemple, il ne s’utilise pas pour la structure du bâtiment, mais pour les cloisons intérieures, ou bien en extérieur avec des précautions bien précises. « Il y a un petit groupe d’architectes qui sont convaincus par le produit et qui essayent de faire des bâtiments avec », se félicite Caroline Gadomski Brouqueyre.

Il serait « prématuré » d’annoncer un prix précis tant que le processus de production n’est pas entièrement optimisé, mais le Groupe Daniel l’estime « dans la même gamme de prix » que la brique classique, « si l’on prend en compte l’intégralité d’un bâtiment », c’est-à-dire pas seulement le prix d’achat des matériaux, mais aussi sa consommation énergétique réduite, le fait qu’il nécessitera moins de matériaux isolants… précise Caroline Gadomski Brouqueyre.

Groupe Daniel
300 salariés
Chiffre d'affaires : 80 millions d'euros
21 sites en Pyrénées-Atlantiques, Landes et Hautes-Pyrénées

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