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Viticulture : une serre « insect proof » pour accélérer la production des plants de vignes de demain

Écosystème
mardi 05 septembre 2023
Viticulture : une serre « insect proof » pour accélérer la production des plants de vignes de demain

Encore en chantier, l'équipement devait être livré dans quelques mois. Crédit : DM

Une serre dédiée à la pré-multiplication de plants de vignes est en train de voir le jour en Gironde. Ce démonstrateur permettra de tester des cépages adaptés au changement climatique et résistants aux maladies émergentes, mais aussi d’en accélérer la livraison auprès des pépiniéristes. L’ensemble de la filière régionale devrait en profiter, vignobles de Bordeaux et de Cognac en tête.

C’est sous un lourd soleil de septembre aux airs d’été indien, voire de changement climatique, que vient d’être posée à Blanquefort la première pierre d’un équipement innovant, une serre « insect proof » de pré-multiplication pour la production de plants de vignes. Un projet issu de la fusion de deux initiatives similaires, l’une lancée il y a cinq ans par la Chambre d’Agriculture de la Gironde et son président de l’époque Bernard Artigues, l’autre pilotée par le BNIC (Bureau National Interprofessionnel du Cognac) qui sera partenaire de l’expérimentation menée, permettant de monter un projet « de dimension industrielle », indiquait hier Jean-Louis Dubourg, président de la Chambre d’Agriculture de la Gironde. Le site voit le jour dans le périmètre du lycée agro-viticole de Blanquefort, sur des terres gérées par Château Dillon, à 150 mètres de vignes de ce dernier.


Illustration de l'équipement finalisé. Crédit : Chambre d'Agriculture de la Gironde

L’objectif annoncé est de « sécuriser la filière sur le plan sanitaire, avec du matériel végétal indemne de parasites et d’accélérer la production de cépages adaptés au changement climatique et de variétés résistantes aux maladies oïdium et mildiou dont l’enjeu est majeur pour réduire massivement les produits phytosanitaires », explique-t-on au sein de la Chambre d’Agriculture de la Gironde. « C’est à la fois un défi technique, financier mais aussi un projet collectif ambitieux associant la recherche fondamentale, la recherche appliquée, la formation et l’ensemble de la filière viticole régionale, le vignoble du bordelais, du Bergeracois, de Madiran, de Jurançon et de Cognac », reprend Jean-Louis Dubourg. A noter que le vignoble de Cognac se verra attribuer la moitié de la production de cette serre.

En France, des règles très strictes encadrent la plantation des pieds de vignes. Toutes les « têtes de clones » (variétés) sont issues du domaine de l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) du Grau du Roi (Gard) : les variétés intéressantes sur le plan sanitaire et agronomique font l’objet d’un agrément et sont reproduites en petite quantité, donnant le « matériel initial ». Celui-ci est mis à disposition des pré-multiplicateurs, qui sont une quinzaine en France, dont la Chambre d’Agriculture de la Gironde. Ces organismes procèdent à une multiplication des variétés pour fournir le « matériel de base ». Lequel est ensuite utilisé par les pépiniéristes (ou vignerons multiplicateurs) pour implanter les vignes-mères de greffons ou de porte-greffes. Ces vignes permettent la production massive de plants certifiés.


Concernant le choix technique, les superlatifs n’ont pas manqué à l’occasion de cette première pierre. « Produire en milieu confiné, c’est nouveau, c’est innovant, c’est du jamais-vu dans la filière viticole au niveau européen », exprimait hier David Amblevert, pépiniériste et élu à la Chambre d’Agriculture de la Gironde (président de la commission Matériel Végétal Vinicole). « Avec les évolutions climatiques, nous sommes dans un contexte de maladies émergentes et ré-émergentes. Et aujourd’hui, sur le continent européen, guette ce que j’appellerais le phylloxéra du 3e millénaire, Xyllela fastidiosa, qui a détruit au siècle dernier l’ensemble du vignoble californien et est aujourd’hui au Portugal. Grâce à ces serres, nous pourrons nous prémunir de ces maladies », théorise-t-il. Et d’annoncer par ailleurs que ce site girondin sera doté d’une station de traitement eau chaude des bois et plants de vignes, « pour purifier, s’il y avait une quelconque problématique ». Avant de livrer en conclusion : « oui, le matériel végétal est une des réponses à court et moyen terme à l’adaptation au changement climatique et au marché en termes de profil produit ».

Plus qu'un outil technique

La filière viticole française tente de limiter voire supprimer les produits phytosanitaires classiques permettant de lutter contre les insectes vecteurs de maladies et, dans le même temps, doit faire face à la pression de maladies émergentes. Afin de rehausser le niveau de protection sanitaire, il a été décidé d’expérimenter le confinement des deux premiers maillons de la chaîne de production des plants (matériel initial et matériel de base). La serre girondine en question, 1.000m² dont 800m² sous filet « insect proof » (mailles de 500 microns), devrait fournir 100.000 greffons et 100.000 porte-greffes par an. En outre, alors que la production d’un plant de vigne en pré-multiplication nécessite actuellement trois ans, la production sous serre en hors-sol permettra de diviser ce temps par deux, accélérant la fourniture de variétés résistantes aux maladies et de celles adaptées au changement climatique. Le budget frôle les deux millions d’euros, dont 900.000 euros financés par le programme VITIREV (Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et PIA).

« C’est un démonstrateur. Nous allons acquérir une expérience que nous n’avons pas. Nous allons pouvoir élaborer un référentiel technico-économique, qui nous permettra d’être toujours en adéquation avec les attentes techniques du marché et de ne pas être déconnectés économiquement, car on est dans une compétition européenne », détaillait encore David Amblevert. Et de rassurer ses collègues pépiniéristes : « je vous entends, le modèle traditionnel va perdurer tant que nous n’aurons pas le retour sur la pertinence de ce démonstrateur. Les deux modèles vont cohabiter pendant un temps mais je suis intimement convaincu que, le moment venu, vous saurez convaincre toutes nos troupes professionnelles sur la pertinence de ce projet qui ne peut que renforcer notre compétitivité ».


Multiplication sous serre et hors-sol. Crédit : Pépinières Amblevert

« Nos vignobles sont différents en termes d’encépagement et de marchés, mais ont des intérêts communs sur la recherche et le développement dans le cadre d’une viticulture durable », théorise pour sa part François Bodin, co-président de la commission technique et développement durable du BNIC, dont la filière se « projette déjà sur un certain nombre de variétés nouvellement créées comme le Coutia et le Lumignon, cépages tolérants aux principales maladies cryptogamiques de la vigne. Cette installation nous permettra d’éprouver ce nouveau modèle de production et de sécuriser ces variétés au niveau sanitaire et de les diffuser plus rapidement à la viticulture », poursuit-il. L’ambition globale ? « Répondre aux enjeux de production, de durabilité et de qualité de nos produits », énonce-t-il. « Reste à finaliser et valider les aspects sur la qualité végétale et les quantités produites vis-à-vis de ce nouveau modèle sous serre et affiner les coûts de production, afin d’avoir un modèle économique viable pour l’ensemble de la filière vitivinicole de la région. » Et Bernard Farges, président du CNIV (Comité national des interprofessions du vin), de rappeler que ce nouveau protocole de prémultiplication doit permettre, pour la Nouvelle-Aquitaine, « d’assurer la durabilité de la pépinière régionale, soit une centaine d’acteurs économiques et celle des 216.000 hectares de vignes ».

Il est prévu l’implantation de quatre ou cinq équipements expérimentaux de ce type sur le territoire national, dont celui de Gironde. Ce dernier « sera ainsi au service des vignobles du Bordelais, de Bergerac, des Pyrénées-Atlantiques ainsi que de Cognac », est-il précisé. La commercialisation des premiers plants est attendue en 2026. En fonction des résultats obtenus par ce démonstrateur, plusieurs options sont envisagées pour la phase deux : le démonstrateur pourrait être étendu pour l’ensemble de la production (Chambre d’Agriculture de la Gironde et BNIC), ou bien uniquement pour la partie girondine avec construction d’une autre serre sur un autre site par le BNIC ou enfin, dernière possibilité, un nouveau site unique verrait le jour, ailleurs qu’à Blanquefort. A l’issue de la phase d’expérimentation, le champ des possibles est également ouvert concernant le démonstrateur initial, qui pourrait notamment devenir une serre pour les conservatoires (ou les clones peu demandés) ou se muer en support de formation pour les futurs serristes agricoles.