Comment Carbon Waters prépare l’industrialisation de ses solutions au graphène - Premium
L'innovation de rupture : proposer le graphène sous forme aqueuse. Crédit : Carbon Waters
Après une phase intense en R&D autour de ses solutions liées au graphène, la startup girondine Carbon Waters prépare sa montée en puissance industrielle. Ayant déjà renforcé sa surface financière, elle va disposer dans un an d'un bâtiment de transition industrielle. Egalement en vue : une nouvelle levée de fonds, préalable à la création d’une véritable usine.
Fondée à l’automne 2017, la jeune pousse Carbon Waters est née de la rencontre entre deux chercheurs au CNRS dans le domaine des nanomatériaux, Alain Pénicaud et Carlos Drummond, d’un ancien créateur d’entreprise dans le domaine électronique, Emmanuel Derory et enfin d’un professionnel du conseil en management pour les entreprises technologiques, Alban Chesneau. Au début conseiller bénévole du projet, il décide progressivement de s’y investir à 100% en prenant la présidence de la structure. Celle-ci s’intéresse à l’extraordinaire potentiel du graphène, un matériau bidimensionnel cristallin uniquement composé de carbone. « Ses fonctions en termes d’action électrique, thermique ou de renforcement étaient connues de longue date, explique Alban Chesneau, notre innovation de rupture consistait à le proposer sous une forme aqueuse. La technologie initiale, issue du CNRS, a dû être adaptée et renforcée, pour rendre le process beaucoup plus robuste. On y a consacré près de 4 ans et 3 millions d'euros. On a déposé deux brevets et un autre est en vue d’ici 2 mois ».
« Il y a un an, on a abouti et on a pu démarrer la création de produits, en co-développement avec des industriels. Aujourd’hui nous adressons 3 thématiques annonce le dirigeant. Tout d’abord les fabricants de peintures, en remplacement partiel ou total de produits toxiques. C’est aujourd’hui l’axe le plus abouti et on travaille avec des dizaines de sociétés en France et à l’étranger, savoure-t-il, tant les volumétries liées sont prometteuses. Il y a aussi la décarbonation de l’industrie, à savoir comment on allège les matériaux tout en maintenant leur solidité ». Des exemples sont évoqués dans le domaine des batteries ou encore des objets spatiaux, que le graphène rendrait plus faciles à fabriquer et aussi à lancer. Troisième domaine : l’augmentation de la durée de vie des matériaux. « On peut ainsi stabiliser les polymères dans le temps, là aussi avec des opportunités dans le monde des batteries ». Carbon Waters dispose donc d’ores et déjà plusieurs gammes de produits à base de graphène.
Lancer la production industrielle
Dans les 170m² de ses actuels locaux, Carbon Waters et son équipe d’une petite quinzaine de personnes sont en capacité de prototyper, mais pas de véritablement produire. La transition vers la phase industrielle s’annonce donc. A l’appui de cette prochaine étape, un tour de financement vient d’être réalisé. Ce « seed late stage (amorçage tardif, ndlr) permet une augmentation de capital de 2 millions d’euros » expose Alban Chesneau. L’opération a notamment été réalisée auprès d’Aquiti Gestion et de NACO (Nouvelle-Aquitaine Co-investissement), déjà présents lors du tour pré-seed de 550.000 euros signé mi-2018. Elle voit également intervenir Bpifrance, en quasi-fonds propres, ainsi que deux associations de business angels basées à Paris. « D’une part Tiresias Angels, fonds d’investissement centré sur la transition énergétique et environnementale et, d’autre part, Paris Business Angels, la plus grosse association de business angels de France, détaille le président de Carbon Waters, qui révèle également travailler sur d’autres leviers non dilutifs, à hauteur d’environ 600.000 euros, qu’on devrait boucler d’ici 4 mois ».
Cette manne permettra de financer un volet immobilier, capital en vue des développements futurs. L’entreprise prévoit ainsi de prendre 1.200m² dans un bâtiment de plus de 2.500m² dont la construction doit démarrer en avril prochain à Pessac. Cet édifice verra le jour à proximité immédiate du parc Amperis que la SEML Route des Lasers prépare sur l’ancien campus Thales. Carbon Waters devrait disposer des lieux vers la fin 2023, pour une entrée en fonction prévue en avril 2024. « Le directeur de production est déjà recruté, il est arrivé il y a 15 jours, c’est un profil senior. Nous avons eu beaucoup de mal à le trouver : on a beaucoup trop désindustrialisé en France et ce type de profil est difficile à dénicher », déplore Alban Chesneau, qui évoque par ailleurs des recrutements sur des postes de techniciens en procédés et en production ainsi qu’un commercial. Au final, Carbon Waters devrait doubler son équipe grâce à ses nouveaux murs. « On pourra faire de la production expérimentale et des petites séries ».
Passer à l’échelle mondiale
Fournissant actuellement 500 kilos de solutions au graphène par an, la jeune pousse prévoit de multiplier sa production par 10 l’an prochain. Avant de viser entre 50 et 100 tonnes d'ici fin 2025. Ce qui supposera alors de disposer d’une véritable usine. « Elle verra le jour à l’extérieur de l’agglomération » indique Alban Chesneau. Plusieurs pistes sont explorées, certaines menant jusqu’à DRT (Landes), d’autres passant par des discussions en cours avec Total Développement. Cette étape suivante impliquera un financement compris entre 6 et 8 millions d’euros. La SAS girondine planche donc d’ores et déjà sur une levée de fonds série A, qu’elle espère boucler d’ici 12 mois. « Il y a déjà différents fonds intéressés, spécialisés dans la deeptech ou liés à la transition industrielle » nous révèle le dirigeant. Lequel prévoit aussi de s’appuyer sur des écosystèmes de production existants. « Nous voulons conclure des partenariat de production, en France et à l’étranger. On va essayer de le faire vite. L’objectif est de croître le plus rapidement possible. On a de premiers rendez-vous ».
Pour l’heure, le chiffre d’affaires que génère l’entreprise est lié « aux développements qu’on réalise. Il a atteint 200.000 euros en 2022. On a déjà sécurisé 100.000 euros supplémentaires, on devrait atteindre entre 350 et 400.000 euros cette année. Mais le véritable chiffre d’affaires sera “industriel” à partir de 2024. D’ici 2-3 ans, nous pourrions dépasser les 10 millions d’euros sur les activités liées aux peintures et aux polymères, sur une production maîtrisée à 100% à l’interne » calcule le président, qui envisage le développement à l’international dès 2024. « Cela nous amène notamment vers l’Allemagne, l’Asie ou encore les Etats-Unis. Et pour vendre aux USA, il faut produire aux USA ».
Carbon Waters
Création en novembre 2017
Siège à Pessac
14 personnes
CA 2022 : 200 k€
