Captation du CO2 : W Platform lève des fonds et veut devenir leader mondial - Premium

Après le French paradox, le CO2 paradox ? C’est en quelque sorte l’intuition qui a guidé les fondateurs de la jeune pousse bordelaise W Platform. D’un côté, le constat que dans le monde, « plus de 2 millions de tonnes de CO2 fermentaire sont produites chaque année ». Ce gaz carbonique est donc « fatal », dans le sens où il est immanquablement produit lors de la fermentation. En France, ce sont environ 336.000 tonnes de ce dioxyde de carbone qui proviennent de l’activité viticole et plus de 60.000 de l’activité brassicole. Et tout ceci part joyeusement dans l’atmosphère. D’autant plus regrettable que, de l’autre côté, les vignerons et brasseurs sont régulièrement contraints, pour mener à bien leur production, d’acheter du CO2 d’origine fossile, notamment pour inerter les cuves. Difficile dans ces conditions de ne pas imaginer un potentiel circuit court mettant fin à ce « CO2 paradox ».C’est la mission que se donne donc W Platform, qui conçoit, fabrique et vend des équipements dédiés à la captation, la purification et la compression de ce CO2 émis lors de la fermentation. Une première solution est commercialisée depuis fin 2022, CO2 Winery, à destination des vignerons donc. Une offre qui a déjà séduit de grands acteurs, tels que Château Latour (1er Grand Cru Classé de Pauillac), mais aussi les Grands Chais de France et des propriétés familiales telles que les châteaux Respide (Graves) ou Peychaud (Bordeaux Supérieur). La déclinaison destinée aux brasseurs, lancée à l’automne 2023, vient a priori de décrocher son premier client, avec l’accord de principe d’une brasserie au Pays basque. Courant 2024, c’est le segment des méthaniseurs qui commencera à être adressé.Techniquement, le principe reste globalement le même, seule change la taille des équipements, pour des questions de débit. Commercialement, l’offre est « marketée de façon adaptée », confirme Matthieu Planté, président de la startup. D’autant que les usages de ce CO2 ne sont pas toujours identiques. Si vignerons et brasseurs, peuvent réutiliser le gaz in situ, il n’en est pas de même du côté des méthaniseurs. « Là, on est en train de démultiplier les réponses, répond le dirigeant, ça pourrait servir à des collectivités locales, sur de nombreux cas d’usages. On pense à la dératisation, qui serait faite sans produits chimiques ni risques pour les animaux domestiques ». Ce qui supposera tout de même « de travailler la logistique de ce CO2 », un sujet sur lequel l’entreprise ne sait pas encore si elle « le fera seule ou avec un partenaire ».2 M€ pour conquérir le monde« Toute cette techno et toute cette offre, qu’on a maintenant standardisées, ont été mises au point par des ingénieurs qui opèrent un peu comme un bureau d’études et d’ingénierie. On est donc en capacité de travailler sur de nouvelles solutions techniques, des dérivés pour les industriels », reprend le dirigeant. Avec à la clef, des solutions sur mesure, « toujours dans l’idée de capter des effluents gazeux potentiellement polluants et qui pourraient néanmoins être réutilisés dans une logique technologique », est-il souligné. Ces solutions d’économie circulaire, « pour l’instant destinées à la France », sont commercialisées sous la marque WCE Process. Orano est déjà client. Afin d’accélérer son déploiement, W Platform a finalisé il y a quelques jours une levée de fonds de deux millions d’euros, une opération dirigée par le fonds VitiREV Innovation et pilotée par les équipes de Demeter Investment Managers.Cette manne vise à accélérer le déploiement commercial, en France et à l’international. Un objectif qui suppose notamment de renforcer l’équipe, composée actuellement d’une dizaine de personnes. « Nous recherchons notamment une personne pour la direction des opérations, une autre pour le poste de responsable administrative et financière et sûrement deux postes pour le marketing et le commercial », déroule Matthieu Planté. Il va également s’agir de se doter de son propre site d’assemblage industriel. Pour l’heure, W Platform est en quête de 500m² à louer ou acheter sur la métropole bordelaise, « peut-être rive droite », pour rassembler les équipes et être en mesure « d’assembler nos équipements, d’être agile et réactif ». La direction espère signer au cours du second semestre 2024.Ayant réalisé l’an passé, un chiffre d’affaires proche d’un million d’euros, W Platform pourrait faire évoluer son modèle économique, qui repose actuellement sur la facturation des travaux de conception, fourniture et pose des équipements. « Cette levée va aussi nous permettre de proposer nos équipements en mode location. Dans le contexte économique actuel, la capacité d’investissement des entreprises françaises est limitée. Donc l’idée serait de leur permettre d’acquérir sous forme de location longue durée, pour travailler sur leurs OPEX. Et donc finalement que la ligne budgétaire prévue pour l’achat de CO2 fossile se transforme en coût de location pour récupérer son CO2 fermentaire, avec les mêmes volumes au bout. » La vision se déploie même au-delà : « le graal serait qu’ils payent au CO2 récupéré ».De grosses barrières à l’entrée des concurrents« Le savoir-faire unique et les brevets dont nous disposons nous donnent toutes les chances de devenir leader européen et probablement mondial d’ici cinq ans », annonce encore Matthieu Planté. « C’est ambitieux », reconnaît-il, heureux de s’appuyer sur le savoir du cofondateur Jean-Philippe Ricard, « qui a travaillé depuis 15 ans sur la captation du CO2 fermentaire ». Un moment qui nécessite d’autant plus de maîtrise « qu’on peut être amené à avoir une interaction sur le processus de fermentation et donc être au cœur du système de production. Faire une mauvaise captation peut avoir des effets négatifs sur les cycles. Notre techno ne vient absolument pas perturber ça, ce qui est pour les concurrents une grosse barrière à l’entrée ». Autres longueurs d’avance : « la capacité à analyser la qualité de ce CO2 », avec le développement d’un capteur spécifique « qui n’existe pas ailleurs » ou encore « un brevet sur l’unité d’analyse et de purification du CO2, qui s’appelle la CO2 box, l’équipement clé de notre offre », mais aussi des techniques pour comprimer le gaz carbonique avec un « très très faible coût énergétique, de l’ordre de 10 kg de CO2 pour une tonne de CO2 comprimé à 200 bars ».W Platform doit aussi trouver les bons partenaires, pour son déploiement rapide en France et à l’international. « On cherche à mettre en place des réseau de distribution régionaux ou nationaux qui démultiplie notre force commerciale et qui, en même temps, apportent la sécurité d’un service de proximité », explique notre interlocuteur : « des équipements comme celui-là peuvent devenir stratégiques et donc le “downtime”, le temps de non-fonctionnement ne peut pas excéder 12 à 24 heures ». Un défi à la mesure des ambitions mondiales, d’autant que l’objectif est de « jouer en même temps sur les deux hémisphères, pour lisser l’activité, très saisonnière dans le monde du vin ». Au fil de cette feuille de route, « l’objectif est de doubler notre chiffre d’affaires tous les ans durant les cinq prochaines années », s’enthousiasme Matthieu Planté.W PlatformSAS fondée en mai 2021Siège social : BordeauxEffectif : une dizaine de personnesCA (2023) : près d’1 M€

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