Après 14 ans de démêlés, Létoile inaugure enfin son usine de Bruges - Premium
À Bruges, l'usine du négociant Létoile est dotée d'un programme de machines qui gère le stockage, le picking et la découpe des tôles, poutrelles et autres tubes métalliques - crédit AL
La PME familiale Létoile, spécialisée dans le négoce et la découpe de produits métallurgiques, a inauguré vendredi sa nouvelle usine de Bruges. Un bâtiment ultramoderne, labellisé Usine du futur, qui représente plus de 11 millions d’euros d’investissement, mais aussi 14 longues années de démêlés administratifs, entre promoteurs pressés, collectivités procédurières et tortues rares.
Mise en service en septembre 2021, la nouvelle usine de Létoile n’est guère à plus d’un kilomètre à vol d’oiseau de l’implantation historique de cette PME familiale de Bruges. Il lui aura pourtant fallu près de 14 ans pour réussir son déménagement, et voir se concrétiser son souhait de développer un véritable outil industriel dédié au négoce et à la découpe d’éléments métallurgiques. Quand on fait remarquer à Jean Létoile, 79 ans, président du conseil de surveillance de la société aujourd’hui pilotée par son fils, qu’après tout, l’histoire se finit bien, il acquiesce, mais il rit jaune. « On y a perdu des années et plusieurs millions d’euros », résume-t-il avant de rembobiner le fil.
Létoile est installée depuis 1998 sur un site de 3.000 m², rue Pierre Andron à Bruges, qui ne suffit plus à son activité de négoce d’éléments métalliques de charpentes industrielles ou d’infrastructures agricoles. En 2007, l’entreprise se rapproche de la mairie de Bruges, alors dirigée par Bernard Seurot, pour étudier les modalités d’un agrandissement, mais cette dernière lui suggère une alternative : vendre son terrain existant, convoité pour la création de logements du fait de sa proximité avec le centre-ville, pour acheter une autre parcelle située dans la zone de fret. « On a rencontré 23 promoteurs », se souvient Jean Létoile. Un accord est finalement passé, mais la réalisation est conditionnée à l’obtention d’un permis de construire pour le promoteur acquéreur.
L’arrivée d’une nouvelle équipe municipale en 2010, suite au départ contraint de l’ancien maire, et l’opposition d’associations de riverains, obligent une révision à la baisse du permis de construire, réduisant d’autant la valeur de la transaction. Les études préalables menées sur le foncier de la zone de fret révèlent quant à elles la présence de spécimens de cistude, une tortue d’eau douce protégée. « Ils ont géolocalisé trois tortues sur le terrain, mais on n’a jamais eu la preuve qu’elles y pondaient. Dans le même temps, ils en ont trouvé sept sur le tracé de la nouvelle voie ferrée, mais le préfet n’a pas fait interdire le train », grince Jean Létoile.
De retour à son point de départ, la société relance ses recherches, en parallèle de l’ouverture d’une antenne à Tarnos. En 2017, elle signe l’achat d’un terrain en bordure de rocade, appartenant à l'Ugecam et à la Tour de Gassie, pour 1,2 millions d'euros. Au cours de l’instruction, Létoile découvre que cette dernière englobe une zone humide, que l’entreprise va devoir compenser. Ironie du sort, cette compensation s’exerce sous la forme d’une obligation d’entretien de la parcelle de la zone de fret sur laquelle Létoile voulait initialement s’implanter, à hauteur de 300.000 euros sur trente ans. Le permis de construire est finalement accordé en 2019.
Létoile est installée en bord de rocade, sur un terrain qui appartenait à l'Ugecam
9.000 m² et un équipement de pointe
Lancé en 2020, le chantier s’achève en septembre 2021. « J’avais prévu un bâtiment de 80 mètres sur 160, mais on a dû redescendre à 60 sur 134 pour tenir compte de la forme de la parcelle », précise Jean Létoile. Construits sur des pieux renforcés, pour supporter jusqu’à 9 tonnes au mètre carré, le bâtiment développe 9.000 m², mais sa capacité de stockage est 2,5 fois supérieure à celle du site historique de Létoile, où les poutrelles, tubes et autres laminés étaient majoritairement stockés au sol.
La nouvelle usine s’articule ainsi autour de grands systèmes de stockage verticaux, avec 800 cases de 3 tonnes pour les éléments de moins de 6 mètres et 270 cases pour les grandes longueurs (jusqu’à 18 mètres), auxquels s’ajoutent les emplacements dédiés à la tôle. La manutention est assurée par des ponts roulants, armés de puissants électroaimants et intégrés à la charpente du bâtiment, avec le concours d’un système de picking automatisé, et de nouveaux équipements dédiés aux découpes à la demande. « Le métier de nos collaborateurs a changé. De manutentionnaires, ils sont devenus opérateurs, commente Xavier Martinez, directeur général de Létoile, qui vante le caractère unique d’un tel équipement en Europe. Personne parmi nos concurrents n’a réuni l’ensemble de ces outils sur un même site ». Le magasin dédié aux articles de quincaillerie est quant à lui alimenté par un transtockeur automatisé de 9 mètres de haut.
Un outil industriel labellisé Usine du futur, grâce auquel Létoile ambitionne de passer rapidement de 15.000 tonnes à 20.000 tonnes de métaux négociés par an, et porter son chiffre d’affaires de 18,6 millions d’euros en 2021 à 20 millions d’euros en 2022 et 25 millions d’euros d’ici trois ans. La crise économique en cours complique toutefois l’exercice des prévisions. « Il a fallu deux mois pour réorganiser l’approvisionnement en acier suite à la guerre en Ukraine mais aujourd’hui, la matière est disponible. Le problème, c’est la variation des prix », fait remarquer Xavier Martinez. Si le cours de l’acier s’est envolé dans les semaines qui ont suivi le début du conflit ukrainien, le métal ne cesse depuis de se déprécier, sur fonds de ralentissement de la production automobile et de hausse des prix de l’énergie. « Tout le monde attend la baisse, ce qui risque de faire un deuxième semestre assez compliqué », admet le directeur général. En attendant, Létoile estime s’être mise en ordre de marche pour servir au mieux les industries structurantes de sa zone de chalandise, des Charentes jusqu’au Pays basque. Son site de Tarnos a également fait l’objet d’investissements significatifs, avec une extension de 900 à 2.500 m² et l’installation d’un banc de coupe automatisé, capable de préparer les pièces de charpente en fonction des cotes envoyées par le client, de façon à ce qu’elles puissent être directement montées une fois arrivées sur le chantier. Et l’entreprise pourrait faire sienne la morale de la Fontaine, selon laquelle patience et longueur de temps font plus que force ni que rage…
Létoile
Fondée en 1984
50 collaborateurs (35 à Bruges et 15 à Tarnos)
CA 2021 : 18,6M€
Rue André Sarreau à Bruges
