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Immobilier : comment TEBiO va construire réversible sur Euratlantique

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mardi 30 mai 2023

Futur immeuble TEBiO, dans le quartier de l'Ars, au sein de l'OIN Bordeaux Euratlantique. Crédit : Canal Architecture

Dossier au long cours, le projet TEBiO vient d’obtenir son permis de construire, d’un genre particulier : il est sans affectation. L’enjeu ? Trouver la ligne de crête, légale et de conception, entre programme de logements et immobilier d’entreprises, pour livrer un bâtiment permettant une réversibilité inédite dans la distribution des espaces. Avec la promesse d'une versatilité d'usage à faibles coûts, financier comme écologique. Explications.

D’aucuns disent que les démarches administratives sont longues en France, plus même que la réalisation effective du projet. Concernant le projet TEBiO, c’est le prix à payer pour défricher un concept qui pourrait faire école, en tout cas qui entend ne pas se cantonner au rang de simple expérimentation. Le principe ? Livrer dans le périmètre de Bordeaux Euratlantique un bâtiment sans destination particulière, ni programme de logements ni immeuble de bureaux ou de locaux commerciaux. Mais, dans le temps, potentiellement tout cela à la fois. Le projet s’appuie sur le permis d’innover, un dispositif dérogatoire expérimental du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Il est encadré par l’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Bordeaux Euratlantique, aux manettes de l’Opération d’Intérêt National (OIN) éponyme. « Sans l’OIN et son EPA, pas de légitimité pour mener toutes les discussions et négociations qui ont été nécessaires », pose sa directrice générale Valérie Lasek. Dont l’établissement avait relayé en 2017 un appel à manifestation d’intérêt « Permis d’innover », dont Canal Architecture est désigné lauréat en septembre 2018. Cette agence parisienne, créée il y a 40 ans par l’architecte Patrick Rubin, constitue alors un groupement avec le promoteur immobilier dijonnais Elithis. Les deux partenaires ont en commun une expertise reconnue en matière de performance énergétique et d’adaptabilité des bâtiments. Une structure ad hoc voit le jour, la SCCV (société civile de construction vente) Tour Elithis Bordeaux. Et commence le marathon.

« Depuis le début, le but est d’avoir un bâtiment effectivement réversible, dans tous les cas de figure, pour éviter sa démolition, dans toutes les configurations possibles et imaginables. C’est compliqué pour des raisons de structures, économiques et légales », résume Valérie Lasek. « Concevoir réversible, pour ne plus détruire, c’est anticiper l’évolution d’un édifice avant même sa construction, afin d’alléger au maximum les adaptations et leurs coûts lors de sa transformation future », abonde Patrick Rubin. Ce qui impose donc de déroger aux règles de construction et d’aménagement. « Il n’aurait pas été possible d’innover si nous ne nous étions pas affranchis dans un premier temps des normes et règlements en vigueur », pose Thierry Bièvre, président du groupe Elithis. « Nos ingénieurs ont imaginé puis exploré ce qui serait le plus bénéfique pour répondre à la fois aux enjeux du dérèglement climatique et à la nécessité de servir la haute qualité d’usage pour embarquer les futurs locataires comme acteurs de la transition énergétique et de la décarbonation », estime-t-il.

Trois ans et demi ont ainsi été nécessaires pour aboutir au dépôt de la demande de permis de construire. « Les montages de projets complexes sont forcément longs. Il n’y a pas que le droit de l’urbanisme, mais aussi les législations connexes sur lesquelles il faut définir le niveau de dérogation et travailler avec chacune des administrations concernées. Il y a tellement de sujets, y compris acoustiques, thermiques, sur la portance, la sécurité incendie… Enormément de choses doivent être interrogées, on a levé des lièvres à peu près à toutes les étapes. Mais c’est un investissement nécessaire pour progresser », déroule encore Valérie Lasek. L’instruction de la demande a pris encore un an et demi, jusqu’à la délivrance il y a quelques jours du permis de construire explicite. La directrice générale insiste sur ce dernier mot : « Si les services instructeurs ne répondent pas, on considère que le permis est délivré tacitement. Nous voulions une réponse active, qui montre que le dossier a été analysé et validé. Il fallait obtenir un arrêté de permis explicite, avoir un document qui fasse référence. »

Un exemple concret et documenté

L’ensemble TEBiO prendra la forme de deux tours (respectivement en R+9 et R+8), reliées par 5 passerelles pensées comme des « espaces extérieurs collectifs, accessibles à tous les occupants ». Développant 4.500 m² de plancher, le programme verra le jour sur la rive gauche bordelaise, au sein du quartier de l’Ars, entre la ZAC Saint-Jean Belcier et le débouché du futur pont Simone Veil. La sécurité incendie aura sans doute été le point le plus difficile à traiter. « En règle générale, en cas d’incendie, les usagers de bureaux doivent descendre par les cages d’escalier et les habitants d’un immeuble de logements rester chez eux », illustre Patrick Rubin. « Ici, il y aura une doctrine unique : l’évacuation globale », rapporte Valérie Lasek. A l’exception du rez-de-chaussée destiné à la crèche et du R+9 réservé aux logements, « tous les niveaux pourront être transformés indistinctement en habitations ou espaces de travail, version open space ou petits formats sécables », est-il précisé. « On travaille désormais avec le porteur de projet pour établir le calendrier des travaux et le phasage des opérations. On a un investisseur unique, qui va décider de l’affectation des différents niveaux et pourra le faire jusqu’au dernier instant. Ce n’est pas le chantier qui va dicter cela et ça va ouvrir beaucoup de perspectives pour s’ajuster au marché, c’est un avantage aussi pour l’investisseur », souligne la directrice générale. La réalisation devrait intervenir en 2024.

Patrick Rubin en est persuadé : un jour, le bâti réversible sera certainement la règle. Pour le moment, il n’est que l’exception à celle-ci. Mais TEBiO ne sera pas qu’une construction, il laissera un héritage. « Qu’on ait réussi ou pas, il était prévu de faire un retour d’expérience. C’est l’intérêt de ce genre d’opération, de tout documenter, les échanges avec tous les services, les partenaires, les avocats, les services fiscaux… Réunir tous les enjeux et le making of de ce projet. Il aura valeur de démonstration », estime Valérie Lasek. « En ouvrant la voie, nous avons permis aux services instructeurs de repenser les modèles actuels et de créer une brèche pour l’habitat bio, cet habitat transformable et flexible pouvant accueillir toutes formes d’usages sur plusieurs cycles de vie », abonde Thierry Bièvre.