Recrutement : quelles problématiques à l’échelle de Bordeaux Métropole ? - Premium

Les difficultés de recrutement sont-elles un problème franco-français ? Non, estime Stéphane Pérychou, directeur général du développement économique de Bordeaux Métropole. « En Europe de l’Est, beaucoup de pays tels que la République tchèque, l’Allemagne, la Pologne ou l’Autriche ont des difficultés parce qu’ils ont des niveaux de chômage extrêmement bas. Le taux de chômage est de 6,5% dans l’Union européenne, de 6% dans la zone euro. Des pays comme l’Italie ou l’Espagne ont des taux plus élevés, en France nous sommes à 7,5%, dans un entre-deux. » Et de poursuivre de dépeindre le cadre global : « Nous battons des records d’emplois non pourvus. De source Dares, au dernier trimestre 2023, on était à 330.700. Et ce nombre a doublé par rapport au premier trimestre, les difficultés s’accroissent. » Parmi les secteurs les plus touchés : le BTP (100.000 emplois), la santé (80.000 emplois), l’informatique (50.000 emplois), les transports (40.000), l’hôtellerie-restauration (30.000). Et d’indiquer que, selon le MEDEF, il y a des difficultés à recruter pour un emploi sur deux.Trois principales raisons sont évoquées. Tout d’abord la pénurie de candidats, dont les causes sont multiples. Notamment parce que les candidats n’ont pas les qualifications attendues. Les problématiques de l’attractivité des métiers sont également citées, tout comme la complexité des process de recrutement. « On a sûrement un peu plus de souplesse à avoir au sein de Bordeaux Métropole », confirme avec humilité Stéphane Peyrichou. Problématique également de concurrence accrue, entre « moindre reconnaissance du ventre pour l’entreprise qui a recruté », mobilité accrue des travailleurs, développement des possibilités liées au télé-travail. « Et la crise du Covid n'a pas été que sanitaire. Elle a amené à reconsidérer les perspectives entre vies personnelle et professionnelle. »Bordeaux Métropole : presque autant de postes ouverts que de chômeursCes difficultés à recruter sont présentes dans les grandes métropoles françaises. Sur la région bordelaise (taux de chômage de 6,5%), « 70.000 postes sont ouverts, un chiffre intéressant à comparer avec celui des 84.500 chômeurs dénombrés. En fait, on pourrait presque avec zéro chômage », indique Stéphane Peyrichou. Sur la région nantaise (5,5% de taux de chômage), il y a 45.850 postes ouverts. Sur Toulouse, le taux de chômage est plus élevé à 7,5%, avec seulement 15.000 postes ouverts. Bordeaux Métropole serait ainsi en partie victime de son succès. « Il y a un dynamisme toujours en cours, qui génère des besoins d’embauche, une concurrence accrue… », analyse-t-il. Par son attractivité mais aussi son solde démographique, la métropole gagne quelque 10.000 habitants par an. « Il nous faut 6 emplois pour 10 habitants, donc nous devons créer 6.000 emplois par an », calcule-t-il.« C’est une problématique collective, c’est l’affaire de tous, des entreprises comme des acteurs économiques, recadre-t-il, c’est France Travail qui est leader sur le sujet, puis ce sont les communes qui ont la compétence emploi, Bordeaux Métropole ne l’a pas en direct. On est là pour créer le bruit de fond économique du territoire et faire en sorte que celui-ci ait une bonne image. En agissant principalement sur le triptyque développement économique, mobilité, habitat. » Et d’évoquer par ailleurs la création prochaine, à l’échelon métropolitain, d’un dispositif d’aide RH pour les TPE, « qui souvent n’ont pas les capacités d’aller chercher les bonnes personnes ».L’exemple RH du réseau TBMLe secteur des transports fait ainsi partie de ceux éprouvant des difficultés à recruter autant que nécessaire. « Selon l’Observatoire de la mobilité et du transport public, nous sommes 40% plus touchés que les autres secteurs par ces difficultés. Entre aujourd’hui et 2030, il y a 44.000 postes à pourvoir dans notre activité, l’enjeu est massif », pose Pierrick Poirier, directeur de Keolis Bordeaux Métropole Mobilités. Et de témoigner : « la situation s’est inversée par rapport au passé. Avant il y avait la queue à la porte chez nous. Désormais, il y a une pénurie, plus assez de candidatures spontanées ». Le réseau TBM, qui emploie 2.800 salariés dont 1.800 conducteurs, a ainsi recruté 230 personnes en 2023, dont 183 conducteurs. « On en espérait 200, reprend-il. Sur 2024, l’objectif est plus élevé, notamment car le réseau se développe, avec notamment l’ouverture de la ligne de car express vers Saint-Aubin, les départs en retraite, ainsi que le turn over qui se développe, même s’il reste à un niveau de 7,7%, contre 15% de moyenne nationale. » Pour l’année en cours, l’ambition est de recruter 245 chauffeurs. « On est à 59, donc un peu en retard », constate-t-il. Conclusion : « nous devons mettre en œuvre des stratégies pour attirer ».Au sein de Keolis Bordeaux Métropole Mobilités, on estime disposer de quelques-uns des réponses nécessaires. « On multiplie les canaux de communication pour faire connaître nos offres, par internet, le travail avec les partenaires comme France emploi, le tissu associatif, les PLIE, les organismes de formation… Il faut savoir qu’un conducteur sur deux que nous embauchons ne l’était pas en arrivant », ouvre ainsi la directrice RH Marie-Caroline Colin. Une capacité de formation dans le cadre de la formation professionnelle, mais aussi tout au long de la carrière : « nous investissons énormément pour maintenir et développer les compétences de nos salariés, c’est positif pour nous et on améliore l’employabilité de nos équipes ».« Nous avons des salaires considérés comme attractifs et en lien avec les contraintes horaires de nos métiers, liées au travail de nuit, sur les week-end, les jours fériés… Le salaire annuel d’un agent de conduite, c’est environ 40.000 euros brut par an au bout de 11 ans, qui est la moyenne d’ancienneté chez nous », indique-t-elle citant également les avantages liés à la prévoyance et la santé, mais aussi un CSE « très actif avec un budget de deux millions d’euros par an ». Dans un secteur « dont les métiers sont genrés », des objectifs de féminisation sont affirmés. « On a recruté 45 femmes en 2023, à tous les postes, pour la conduite, la maintenance mais aussi dans le data management qui se développe de plus en plus. Nos métiers sont accessibles à toutes ». Et in fine, « le point commun, c’est la notion d’engagement. Les gens qu’on embauche savent qu’ils font un métier de service public. Les mobilités amènent vers l’emploi, vers la formation, vers la santé », conclut-elle.

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