Pierre Brossollet à B to Biarnes #2 : « La géothermie est en train de se faire une place au soleil » - Premium

Vous dites souvent que la géothermie n'est pas un concept nouveau... pourquoi a-t-elle le vent en poupe aujourd'hui ?Effectivement, la géothermie n'est pas une invention du XXIe siècle, il y a des sites de géothermie en France qui datent de l'époque romaine. Les Romains l'avaient bien compris : de l'eau chaude peut surgir de la terre, et c'est une énergie gratuite et dont on pouvait se servir pour chauffer des maisons. C'est intéressant de noter que la géothermie était utilisée pour des choses simples à l'époque, et c'est ce que veut faire Arverne aujourd'hui : non pas produire de l'électricité mais revenir à des concepts de chauffage, de chaud et de froid.La géothermie, c'est ancien, ça fonctionne, et des centaines de milliers de personnes en France, notamment à Paris, sont chauffées en géothermie sans le savoir. Ce qui change de nos jours, c'est qu'avec la géothermie, on peut aussi produire du froid sans dépenser d'énergie. C'est potentiellement très intéressant pour les chefs d'entreprise et les industriels.« La géothermie a un potentiel énorme mais elle ne représente que 1% de la fourniture de chaleur en France »Y a-t-il une innovation scientifique, une rupture particulière, qui fait qu'aujourd'hui cela fonctionne mieux qu'auparavant ? Je dirais non et oui… Non, car il n'y a pas de rupture technologique dans la géothermie pour chauffer des bâtiments ou pour aller produire de l'énergie pour les process industriels… Si ce n'est qu'il faut passer à l'échelle supérieure : la géothermie a un potentiel énorme, mais aujourd'hui elle ne représente que 1% de la fourniture de chaleur en France. C'est plutôt un travail d'upscaling, qui inclut les difficultés d'accès aux ressources humaines. Mais ça n'est pas une rupture technologique, le concept reste le même : aller chercher de la chaleur à 1.000, 2.000, 3.000 mètres, et aller remplacer le gaz, le fioul, de façon à diviser par vingt, trente, voire cinquante la facture carbone par rapport au gaz et au pétrole.D'un autre côté, il y a bel et bien une rupture technologique sur une géothermie assez particulière que nous produisons chez Arverne, c'est la géothermie qui permet d'extraire des métaux, et notamment du lithium. Arverne a lancé, deux ans après sa création, le projet Lithium de France : en allant chercher de l'eau chaude pour de la géothermie en Alsace, on est tombés sur du lithium en grande quantité, que l'on va essayer d'extraire de ces eaux chaudes. C'est un double projet : on produit des calories pour les entreprises, et d'un autre côté on extrait le lithium pour le vendre à Renault, Porsche… c'est évidemment une rupture technologique, car il faut extraire ce lithium qui se trouve dissous dans les eaux géothermales. Et donc, la petite PME que nous sommes fait de la R&D, nous allons construire un laboratoire en Norvège en partenariat avec la compagnie énergétique Equinor, qui nous fournit de la ressource et du financement pour tester notre technologie.« Être entreprise en mission, c'est un outil très puissant si on s'en sert en vérité »Arverne est une entreprise en hypercroissance. Vous n'étiez qu'une poignée il y a quelques années, vous êtes plus d'une centaine maintenant… Comment gérer une telle évolution en tant que chef d'entreprise ? Effectivement, c'est une croissance compliquée à gérer, mais c'est très positif, on ne va surtout pas se plaindre ! Il y a du boulot en géothermie, certains décideurs politiques et industriels commencent à comprendre qu'ils ont vraiment intérêt à aller vers cette solution-là. La géothermie est en train de se faire une place au soleil, après des années dans l'ombre des lobbys gaziers, électriques, nucléaires, pétroliers… sachant que c'est un monde qui demande beaucoup de capitaux et de personnel. C'est le pari que l'on a fait, nous sommes partis à quelques-uns, nous sommes aujourd'hui 149 et nous serons 298 en fin d'année prochaine. On gère cela, d'abord, en s'entourant. Le cadet de mes soucis, aujourd'hui, c'est le financement. Le financement, il vient quand on a un bon projet, et les bonnes personnes à la bonne place. On a beaucoup de chance, notamment dans le secteur de l'énergie, d'avoir accès en France à des poches d'investissement qui sont relativement bien fléchées. La grosse difficulté, c'est de savoir s'entourer au bon moment, avec les bons éléments à la bonne place. C'est de l'humain, donc c'est complexe. C'est de l'énergie émotionnelle, ça prend beaucoup de bande passante. Mais au final, la clé est là : il n'est de richesse que d'hommes, et la richesse se crée autour de l'homme. Pour gérer une hypercroissance, on choisit bien ses RH, on structure, on essaie d'anticiper, d'avoir une vision sur là où l'on va, et ce que l'on veut être. C'est donc avant tout la gestion de la croissance par le bon sens humain, l'envie de transmettre un projet très vite au staff de façon à ce qu'il soit le meilleur prescripteur du projet, et j'ai l'impression que ça fonctionne pas mal aujourd'hui pour Arverne.Arverne est une entreprise à mission. Est-ce un levier de mobilisation pour les équipes ? Oui, et c'est toujours un peu intéressé d'aller vers ce type de process qui sont un peu chronophages. Cela lance une dynamique, qui crée une différence avec une autre société qu'un fonds d'investissement ou une banque pourrait financer. Mais il y a surtout une volonté de trouver une raison d'être. Se doter d'une mission, c'est formaliser l'ADN de la société, et donc trouver des mots pour le dire. C'est un travail important… Nous sommes une société technique, dans notre boîte il n'y a pratiquement que des ingénieurs. Mais le travail de communication, le travail des mots, est très important, et c'est tout le cheminement d'entreprise à mission qui est une façon de définir, et donc de partager les valeurs de la boîte. Être entreprise à mission, ça n'est pas seulement de la poésie, il y a des objectifs, des indicateurs concrets. Je crois que c'est très puissant comme outil quand on s'en sert en vérité, et pas pour greenwasher.

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