La feuille de route de Safran Helicopter Engines par son nouveau Président - Premium

Cédric Goubet a pris ses fonctions à Bordes en avril. Après 15 ans dans l’administration d’Etat, il a rejoint le groupe Safran en 2010. Il a commencé par s’occuper de propulsion, en particulier sur les moteurs CFM en coopération avec l’américain General Electric. Promu Directeur Général des moteurs pour l’aviation commerciale chez Safran Aircraft Engines, puis Safran Nacelles et ses programmes notamment autour des inverseurs de poussée et moteurs d’Airbus, il entre au Comité Exécutif de Safran avant d’être nommé à la tête de Safran Landing systems (trains d’atterrissage) pour prendre, en avril dernier, la succession de Franck Saudo à la tête de la branche motorisation d’hélicoptères de Bordes. « Je retrouve la propulsion, les turbo réacteurs, ce qui ne me déplait pas. L’enjeu est de produire beaucoup d’énergie dans un minimum d’encombrement pour pouvoir faire tourner les rotors et propulser les hélicoptères. 85% des usages sont régaliens, en France, mais pas seulement, la défense, la sécurité civile, les évacuations dans des milieux difficilement accessibles. Ces missions donnent beaucoup de sens à ce que nous faisons, ici, à Bordes. » Défendre et renforcer les positions Safran HE a l’essentiel de ses ressources dans le Béarn, complété pour la maintenance par le site de Tarnos et un site en région parisienne (carburation). Safran est un employeur majeur avec 2500 salariés à Bordes, 1500 à Tarnos (40) et 150 à Buchelay (78). Au dela de la production, Safran s’appuie sur un réseau mondial de forces de vente, soutien technique et maintenance de ses moteurs. Pour certains marchés, les contrats négociés prévoient l’assemblage dans le pays concerné, comme à Dallas aux États Unis ou au Brésil. Historiquement, Airbus Hélicoptères est le premier client de Safran. Il le demeure par le volume d’affaires qui tient à son statut de leader mondial. Mais Safran HE travaille aussi avec le constructeur américain Bell, l’italien Leonardo pour lequel un nouveau moteur est en cours de développement. « Nous fournissons aussi pour Leonardo notre moteur Aneto pour des gammes super médium et heavy. Avec de belles performances et réserves de puissance, nous souhaitons adresser des marchés correspondant à des environnements chauds ou en altitude, comme le moyen orient. Autre partenariat historique, HAL, gros industriel de la défense en Inde sur un nouvel hélicoptère qui devrait être annoncé prochainement (mais pas au Bourget). D’une façon plus générale, Safran HE a conclu des joint-ventures avec l’Inde. Ils ont de l’intérêt lorsque les deux partenaires sont alignés, en termes de business développement, de saut technologique, lorsqu’il y a des convergences d’intérêt, avec des produits différenciants pour accéder à de nouveaux marchés. » Si Safran HE est très puissant sur son marché, c’est parce que, à la différence de ses compétiteurs qui viennent de la propulsion d’avions, la société a été, dès le départ, sur la propulsion d’hélicoptères et uniquement sur ces aéronefs. Cela ne s’est naturellement pas fait en quelques années mais en quelques décennies et Cédric Goubet qualifie volontiers ce parcours de « culture et d’histoire pour produire les meilleures turbines aux intégrateurs et hélicoptéristes. » Maintenir et faire progresser cette position est un véritable enjeu, notamment pour les pays développés, face aux américains qui protègent leurs industriels que ce soit en commande publique ou en financement. La compétition est donc clairement relancée sur ces marchés stratégiques. Il y a naturellement des enjeux de souveraineté à conserver et développer ses compétences au meilleur niveau pour Safran.Même niveau d'activité qu'avant le COVID« Nous sommes dans un contexte de très fort rebond des marchés de l'hélicoptère et donc de propulsion, personne ne s'en plaindra. Le COVID a eu un impact, comme ailleurs, peut-être moins violent que ce que j'ai connu dans l'aviation commerciale. Cela s'est traduit par des annulations de commandes, carnet de commandes moins remplis, moins de lisibilité, tassement des heures de vol. Aujourd'hui nous avons retrouvé le même niveau d'activité qu'en 2019.Le problème s'est déplacé. Il faut avoir les moyens de répondre à cette demande rigoureuse. La demande est une chose. La réponse une autre. Ce n'est un scoop pour personne que d'affirmer que l'on fait face à une crise très sérieuse des chaînes d'approvisionnement. On reçoit des pièces, bien sûr, mais pas forcément dans les temps voulus et pas forcément au bon niveau de volume. On pourrait vendre d'avantage, même si nous ne sommes pas loin d'avoir 2 ans de carnet de commande ce qui induit des remontées en cadence. »Avec cette crise des approvisionnements, Safran HE est tombé à un point bas et n'a livré en 2022 qu'un peu plus de 500 moteurs. L'objectif annoncé par Cédric Goubet est clair : produire plus de 1000 moteurs par an d'ici 2024. Pour cette montée en charge, l'entreprise recrute beaucoup. 400 personnes de tous niveaux l'an passé et probablement la même jauge cette année. (lire par ailleurs l'article que Placeco a consacré aux recrutements chez Safran) « En un peu plus de deux ans, on va recruter près de 1000 personnes. Pour une entreprise qui en emploie 6000, on peut dire que la démarche est significative. Il ne s'agit pas que de la compensation de départs. Il y a de la création nette. C'est la conséquence d'avoir une promesse de croissance robuste sur notre marché, ce que l'on avait pas vu depuis longtemps. C'est un vrai challenge. L'activité de maintenance n'est pas à négliger, mais pour le neuf, la demande est tirée à la fois par les pays émergents et le renouvèlement dans les pays occidentaux plus matures. Si le militaire ne représente qu'un tiers de notre production, la Loi de Programmation Militaire aura un impact, notamment avec la commande de Guépards, version militarisée du H160.Nouveau produit et nouveau moteur, l'Arrano. »300 M € d'investissement par anLe cycle d'investissement de Safran HE est, selon Cédric Goubet, quasiment sans précédent. 300 millions d'euros par an pour moderniser le parc machines, sécuriser les approvisionnements, digitaliser les procédés et bien entendu développer "dans des proportions inédites" la R&D, le tout pour augmenter les capacités de production. Ces investissements concernent Bordes mais de nouvelles lignes sont aussi prévues à Tarnos.L'élargissement de la gamme est aussi une priorité pour le nouveau Président de Safran HE. Elle sera forcément orientée autour de la décarbonation l'hybridation, les carburants SAF pour l'aviation, l'augmentation de la performance et la réduction des consommations. « Par rapport à la génération précédente, l'Arrano représente 15% d'économies de carburants. Par rapport aux années 50, on a gagné moins 50%. Avec l'Arrano, on va aller encore chercher 20% en travaillant la performance de la machine. l'Hybridation électrique, aussi bien propulsive que non propulsive est un grand chantier. Avec l'écomode, on travaille sur le bi-moteur, une forme de "stop and start" que l'on connait sur les voitures pour, dans certaines phases de vol, économiser du carburant et donc des rejets de CO2. Avec tous nos leviers, nos choix de matériaux , nos design, nous visions une réduction de nos émissions de 50%. »

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