Comment l'agence de traduction Novae s'est adaptée à l'émergence de l'intelligence artificielle - Premium

« Il y a un changement drastique entre le métier de traducteur tel qu’il était quand on a fait nos études et tel qu’il existe actuellement », constate Frédéric Garcia, business developer au sein de la business unit (BU) paloise de Novae Services. Dans ce groupe de services aux entreprises, le bureau palois se spécialise historiquement dans la communication et la linguistique. Traduction, sous-titrage, doublage… Des domaines bouleversés par l’arrivée de l’intelligence artificielle et des outils de traduction automatique. « Au début, on peut en avoir peur, considère Vincent Devisme, dirigeant de la BU. Mais ce sont des innovations incontournables, auxquelles il faut s’adapter. »L’automatisation, en traduction, n’est pas un processus particulièrement récent, rappelle Vincent Devisme. « Les tout premiers outils automatiques, c’était en 2008, se souvient-il. À l’époque, ils sortaient des choses assez risibles. Et puis, peu à peu, ils ont été enrichis, et il a fallu en tenir compte. Depuis 2018, avec l’arrivée de l’IA, ces technologies ont vraiment connu un essor. » Aux côtés de l’incontournable Google Traduction, pratiquement devenu un nom commun pour désigner les traducteurs automatiques, apparaissent des outils autrement plus affûtés, comme Watson, DeepL… qui éveillent rapidement l’intérêt du grand public. « On a vraiment ressenti de la part de nos clients une volonté de se mettre à utiliser ces outils, reprend Vincent Devisme. C’est cela qui a été notre première motivation pour nous y intéresser aussi. Et cela vient aussi de notre perception du marché de la traduction de demain. Ce serait trop dangereux de ne pas s’intéresser à ces technologies. »Repenser sa valeur ajoutéeL’IA, souvent présentée comme les prémisses d’une nouvelle révolution industrielle, a-t-elle bouleversé le modèle économique de la traduction ? « Je n’irai pas jusque-là, nuance Vincent Devisme. Mais ça nous a obligés à nous repenser et à apporter de la valeur ajoutée à des actions nouvelles. Aujourd’hui, nos clients nous demandent beaucoup plus de traduction créative faits à partir d’une traduction automatique. » À partir d'une traduction automatique... mais avec le passage d’un traducteur humain derrière l’intelligence artificielle. Car, si celle-ci peut avoir une syntaxe et une grammaire excellentes, « elle crée des textes assez plats, sans émotion. L’humain doit passer derrière et faire un effort de reformulation ». Slogans, contenus marketing… « Le spectre s’est déplacé : on a perdu en valeur ajoutée sur les tâches répétitives, mais on en a gagné sur les documents marketing, ceux où l’aspect stylistique est important. » La traduction automatique est la plus efficace, au contraire, sur des textes standardisés, redondants, des documents techniques fait de phrases courtes.« En fait, résume Vincent Devisme, tout dépend de ce que vous voulez faire. Comprendre, ou influer ? Pour comprendre un texte dans une langue étrangère, une traduction automatique peut suffire. Si vous voulez influer sur la personne qui le lit, le passage d’un humain qualifié est nécessaire. » Pour le dirigeant, c’est précisément dans l’orientation du client vers l’une ou l’autre de ces solutions que va se nicher la valeur ajoutée d’une agence. « Le client potentiel se perd dans cette jungle que sont devenus les outils de traduction. Nous, on propose une ligne claire, par l’expertise et le haut de gamme. »Pour affirmer cette ligne, Novae mise sur la certification : un certificat ISO 17100:2015, obtenu en 2021, un autre, plus exigeant, visé pour 2024 : « des choses que l’on veut faire valoir sur un marché qui a subi l’introduction de l’IA ». Ces certificats garantissent en particulier l’utilisation « d’ outils professionnels, sécurisés, et surtout, confidentiels, énumère Vincent Devisme. Parce que quand vous mettez un texte dans Google Traduction, il devient propriété de Google. »Besoins de formationSi cette évolution, « n’a pas eu d’impact fort sur nos effectifs », elle a provoqué « de gros besoins de formation à deux niveaux ». D’abord, pour que les traducteurs s’approprient cette technologie. « Il a fallu accompagner, rassurer. Entre 2018 et 2020, on a mis ces technologies à disposition de nos traducteurs pour qu’ils les testent et qu’ils jouent avec, raconte le dirigeant. Au bout d’un an, ils étaient tous unanimes pour dire qu’ils ne pouvaient plus s’en passer ! » Il faut ensuite former le personnel en continu, en contact avec les éditeurs d’outils de traduction automatique. Une pratique indispensable pour obtenir la certification ISO, précise Vincent Devisme, qui ajoute « on forme le personnel aux bonnes pratiques de post-édition, on assiste à des webinaires… Ce n’est pas forcément un gros investissement en argent, mais plutôt en temps, le temps humain qu’il faut consacrer à la découverte de ces outils. »Pour aller plus loin, Novae prévoit maintenant de former ses traducteurs à la post-édition, mais aussi à la gestion de projet. « C’est important de pouvoir aiguiller le client sur la meilleure approche en fonction de son besoin, explique Vincent Devisme. Selon le texte de départ, faire une révision de traduction automatique est parfois plus long que de faire une traduction à partir de zéro. On doit être forts sur cet aspect conseil. »La progression de la traduction automatique, d’outil aux « résultats risibles » il y a une quinzaine d’années à incontournable aujourd’hui l’inquiète-t-elle pour l’avenir du métier de traducteur à long terme ? « Je veux croire à l’expertise, assure Vincent Devisme. La traduction a aussi une façade de responsabilité et de contrôle qualité. Et si l’on veut avoir la capacité d’influencer, le regard humain sur le texte reste indispensable, il est au cœur du service attendu ». Toutefois, conclut-il, « le bon traducteur de demain devra nécessairement être sensibilisé à l’intelligence artificielle, avoir une véritable curiosité sur les nouvelles technologies et l’innovation. »

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