Comment Demeter veut créer un modèle économique « écologique et vertueux » - Premium

« En 2014, on faisait des chantiers, et on accumulait beaucoup de gravats, raconte de son débit rapide David Lafont, directeur de l’entreprise de travaux publics du même nom. On les concassait, mais on ne savait même pas qu’il y avait une réglementation pour cela. » Cette année-là, le groupe Lafont décide de se mettre en conformité et se met à traiter ses propres gravats. « Ça a enclenché un cercle vertueux », se souvient le dirigeant. Le groupe peut désormais piocher dans une source de matériaux de qualité à moindre coût, ce qui lui évite d’aller s’approvisionner dans des carrières, « coûteuses et pas écologiques » comme le résume David Lafont. « On n’avait jamais assez de matière, reprend-il. Donc, on s’est mis à cibler des chantiers de démolition ». De ces chantiers, en plus des gravats convoités, le groupe extrait aussi de nouveaux matériaux : laine de verre, panneaux de plâtre… « De fil en aiguille, reprend le dirigeant, on a réalisé que l’on pouvait valoriser le plâtre, faire reprendre la laine de verre en local… et par souci d’économie, on a décomposé chaque élément ».À lire également - ESS : Comment Util'Eco valorise le matériel informatique usagé L’étape suivante s’impose alors : ce sera l’intégration verticale, qui permettra au groupe Lafont « d’accumuler de la valeur ajoutée, et de devenir plus compétitif, plus vertueux et plus transparents que nos concurrents ». L’entreprise décide de construire son propre site de traitement des déchets, et jette son dévolu sur les 17 hectares de l’ancienne carrière Lameignère, à Orthez. « C’est la localisation idéale : à Orthez il n’y avait rien, les centres de tri les plus proches étaient à Pau, Bayonne ou Mont-de-Marsan. On a bouclé l’acquisition en 2017, obtenu l’autorisation environnementale en 2020 et débuté l’exploitation en 2021 », résume David Lafont. Autour de lui, ce jeudi 30 mai, élus locaux et entrepreneurs se pressent pour l’inauguration du site Demeter, comme il est désormais baptisé. « Mais le vrai début d’exploitation ne date que d’il y a six mois », ajoute-t-il aussitôt.Accumuler de l'expériencePendant les premières années d’opération, raconte le dirigeant, « on vivotait et on accumulait de l’expérience, on triait les bennes pour voir quels taux de valorisation on pouvait obtenir. C’était un métier totalement nouveau pour nous, et on a beaucoup appris sur le tas. » Parmi les premiers enseignements, il devient rapidement évident qu’il faudra investir dans certains équipements, et en particulier une presse à balles qui permet de comprimer les débris de carton. « Avant, on le transportait en vrac, illustre David Lafont, on pouvait en charger six tonnes maximum dans des camions qui les amenaient jusqu’à Tarnos. » Dans un contexte post-Covid, où le cours du carton plafonne à un niveau record de 140 euros par tonne, l’opération est rentable. « Mais après le Covid, le cours a chuté à 14€ la tonne, ça ne finançait même plus le prix du transport, il fallait impérativement optimiser la logistique », se souvient le dirigeant. Le nouvel équipement permet désormais de charger 24 tonnes par camion, ce qui assure la rentabilité de l’activité.« On a ainsi pu se consacrer à la partie commerciale, reprend David Lafont, et aller chercher des marchés comme le SIETOM de Chalosse, notre premier partenaire aujourd’hui, qui nous fournit 600 tonnes de carton par an. C’est aussi à eux qu’on a acheté la presse à balles. On a aussi pu signer un contrat avec Corint Sud, une entreprise orthézienne, qui génère à peu près 250 tonnes de carton par an, ajoute le dirigeant. Et on a bon espoir de signer prochainement avec la CCLO un contrat de prestation de mise en balles pour les déchets de l’ensemble de l’intercommunalité. »C’est surtout l’arrivée de la « Responsabilité élargie du producteur » au secteur du bâtiment qui donne un coup de fouet à l’activité de Demeter. Ce principe, qui transfère le coût de prise en charge des déchets de l’utilisateur des matériaux de construction à leur producteur, permet aux déchèteries professionnelles de proposer aux artisans et entreprises un service gratuit pour la plupart des matériaux, l’éco-organisme Valobat collectant auprès des producteurs l’écocontribution et la distribuant aux déchèteries pour financer leur activité.« Ça a créé un vrai appel d’air, il n’y a rien de mieux pour se faire connaître que de proposer une activité gratuite », se félicite David Lafont. Aujourd’hui, le site compte sept employés, dont trois dans les bureaux et quatre aux postes opérationnels. Il mène trois activités : si la site Demeter stocke, parallèlement à son activité de déchèterie, entre 200 et 1.200 tonnes par mois de terre, et parfois jusqu’à 2.000 tonnes, la déchèterie professionnelle gère surtout entre 80 et 110 tonnes de matériaux par mois et les DIB [déchets industriels banals, matériaux non-recyclables ou non-triés n’entrant pas dans le cadre de la REP bâtiment, NDLR] 40 à 70 tonnes par mois, soit environ 2.000 tonnes par an de matières valorisables, une quantité ayant vocation à doubler ou tripler dans les années à venir. Projets de croissanceCela passera par la construction, à l’horizon deux à cinq ans, d’un nouveau hangar, puis, au-delà de cinq ans, par la démolition des bâtiments abandonnés de l’ancienne carrière pour agrandir encore les installations. « Nous avons investi un peu plus d’1,6 millions d'euros sur la première phase, avec le soutien de l’ADEME à hauteur de 450.000 euros, de la communauté de communes à hauteur de 80.000 euros, de 100.000 euros par le BDEA Adour (Bureau de développement économique et attractivité Adour, NDLR), et par le fonds de revitalisation Carrefour », détaille David Lafont. Pour construire un nouveau hangar, il faudra compter « quasiment le double » de ce montant, prévoit-il. Car l’entreprise prévoit d’investir dans de nouveaux équipements, en particulier un camion-benne et une pelleteuse électriques : « quasiment un million d’euros à eux deux ».À lire également - Le Groupe Daniel mise sur l'électrique pour sa flotte de camionsLe dirigeant n’est cependant pas inquiet pour ses investissements. « Le retour sur investissement est rapide sur ce site », assure-t-il, en particulier car le toit du hangar Demeter est couvert de panneaux photovoltaïques pour 250 KWc de puissance. « Aujourd’hui, on a des contrats d’électricité tellement favorables que l’on n’utilise pas directement cette énergie, précise David Lafont. On la paye 3 centimes du Kw en heures creuses et 7 en heures pleines alors qu’on la revend pour 13. Utiliser notre chargeuse électrique nous coûte moins d’un euro par jour, et nous économisons 8.500 euros de carburant par an ». Mais « si l’électricité remontait à 20 ou 25 centimes, comme au début de la guerre en Ukraine, il y aurait du sens à autoconsommer et à investir dans du stockage de l’énergie sur site. Et notre futur hangar nous permettra d’augmenter la production électrique jusqu’à 400 KWc ». À terme, assure-t-il, l'ambition de Demeter est de devenir « 100% autonome et décarboné. »

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