Steven Cens (Biopyrénées) : « En avril 2020, on devait tester les EHPAD... mais on n'avait pas d'écouvillons ! » - Premium

La pandémie de covid, et la mise en place des drive PCR ont représenté une hausse d’activité énorme pour votre laboratoire. Comment avez-vous financé cette montée de charge ? Steven Cens : Quand on s’est lancé dans la PCR, on ne savait pas combien ça allait coûter. On ne savait pas si ça allait être remboursé. Mais notre laboratoire a cet ADN pour faire des activités que les autres ne font pas forcément, qui ne sont pas forcément les plus rentables. On fait de la PMA, de la préservation de fertilité… on jugeait nécessaire de faire quelque chose. On a donc décidé de développer la PCR. Et c’est après qu’on a su que ça allait être remboursé, que l’on a su combien cela allait nous coûter ou pas. Mais le vrai problème, ça n’était pas le coût, c'était de trouver du matériel. Il faut se rappeler ce que c’était : on est en avril 2020, les Etats-Unis ont préempté tous les stocks d’écouvillons en Italie... on n’avait pas d’écouvillons. On ne pouvait pas tester ! Le département des Pyrénées-Atlantiques est le premier à avoir testé les EHPAD… et on n’avait pas d’écouvillons. Comment on a fait ? On a été chercher des écouvillons chez les vétérinaires, et on a testé avec des écouvillons en bois. Pour ceux qui ont eu des dépistages avec des écouvillons flexibles… vous imaginez en bois ? Mais en attendant, on a sûrement sauvé des vies.« C'est le laboratoire qui a porté ces financements »Olivier Lacrampe : Il n’y a pas eu un seul financement public dans ce matériel, c’est le laboratoire qui a porté ces financements. Le dispositif du drive a été monté de concert avec l’Agglomération. Mais sur la partie investissement, risque financier de ces équipements qui sont extrêmement onéreux, le laboratoire a assumé l’entièreté du financement. Pour ce qui est du remboursement, le système français était différent des autres pays. En Espagne, par exemple, le prix était libre. Les tarifs variaient selon le délai de rendu : plus vous étiez pressé, plus vous payiez cher. Heureusement en France on n’a pas eu ce système-là. En France, le covid a été inclus dans la nomenclature des actes de biologie, les tarifs ont été fixés nationalement et ont évolué à la baisse jusqu’à aujourd’hui. Ils sont partis d’une cinquantaine d’euros, et aujourd’hui on est aux alentours de 15 ou 16 euros.Après la gestion de la montée en puissance, il y a le reflux. Que faites-vous alors de tout ce matériel, de tous ces gens que vous aviez embauchés ? S. C. : Le matériel, c’est du matériel de PCR. On en fait toujours aujourd’hui, pour le covid, pour la grippe. Il est toujours utilisé aujourd’hui, même s’il est très abîmé. On avait acheté trois amplificateurs PCR, dont deux ont été bousillés pendant les deux années de dépistages intensifs. On avait aussi acheté un équipement qui s’appelle un Hamilton, qui est extrêmement coûteux, et qui est aussi en fin de vie aujourd’hui. Évidemment, c’est du matériel qui a été amorti. Mais au moment où on l’a acheté, on n’en savait rien. Quant au personnel, on avait pris le parti de recruter des CDD et de faire travailler principalement des jeunes, puisqu’on savait qu'ils étaient protégés du covid. On a fait travailler beaucoup d’étudiants, d’infirmières et de pompiers qui venaient se former, restaient quelques jours et repartaient. Nos équipes RH étaient en 24h/24 pour gérer tout ça.Visibilité à un anVous mentionniez le niveau de remboursement des tests PCR qui diminue au fil du temps. C’est frappant pour une entreprise : votre utilisateur n’est pas votre client, et votre client, l’Etat, fixe lui-même le prix du service qu’il vous achète. Comment projette-t-on un business plan dans ces conditions ? S. C. : Les tarifs réglementés de la Sécu existent depuis toujours. Le covid a bien abîmé la Sécu, et tous les acteurs de la santé doivent faire attention. Pour notre profession, la baisse du B [ndlr, La base de remboursement des actes de biologie] est continue depuis maintenant 15 ans. Pas plus tard que le 15 janvier, le B est passé de 0,26 à 0,25, et l’an dernier au même moment, il était passé de 0,27 à 0,26. Pour une société comme Biopyrénées, ça fait une baisse de plusieurs millions qui n’est pas prévue dans le business plan. Auparavant, on avait des plans triennaux, qui étaient de mise jusqu’à il y a deux ans, qui nous donnaient une certaine visibilité sur le business plan, sur ce à quoi on pouvait s’attendre. Le plan triennal a été mis à mal par le covid qui a vidé les caisses de la Sécu. Actuellement, on a une visibilité à un an, et ça pose un souci sur la gestion de nos investissements. Ils sont revus continuellement d’une année à l’autre.Le covid a représenté un risque et de gros investissements pour Biopyrénées, mais il vous a aussi, finalement, fait gagner beaucoup d’argent. L’avez-vous réinvesti ? S. C. : Biopyrénées fait partie depuis 2018 du groupe Inovie, dont le siège est à Montpellier. Donc cet argent est remonté dans le groupe. Il nous a quand même permis de rembourser plus rapidement que prévu des investissements lourds, coûteux, qui avaient été mis en place en 2017. À l’époque, on avait décidé d’avoir un plateau technique régional, et de fusionner nos plateaux de la place Clémenceau, de la place Verdun et de Mourenx. On voulait se positionner près de l’échangeur Pau-centre. Et ce plateau nous a coûté plus de 3 millions d'euros. C’était un vrai pari. Le covid nous a permis de rembourser beaucoup plus vite cet investissement.

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