Les Crises (5/5) - « On est restés un an à craquer de la trésorerie. Puis il a fallu tout rebâtir » - Premium

« J’ai créé Subventis en 2009. Ce concept a été innovateur : ça n'existait pas auparavant », se félicite Bénédicte Duport. Cette Tarbaise de 52 ans est diplômée en Gestion d’Entreprises et comptabilité. À Subventis Pyrénées-Gascogne à Lons, qui compte aujourd’hui quatre employés, elle s’est spécialisée dans l’accompagnement des chefs d’entreprises pour qui elle déniche les subventions publiques auxquelles ils peuvent prétendre. « La première crise que j’ai rencontrée, c’est à la création de mon entreprise. Je pensais être opérationnelle en six mois, compte tenu de mes connaissances : en fait, cela a été beaucoup plus complexe, et beaucoup plus long. Il m’a fallu deux ans et demi de formation ! » Elle démarre alors avec un bureau, un ordinateur et une petite imprimante, à Tarbes. « Les gens au bout du fil me disaient ‘mais comment ça ? vous êtes qui ? vous faites quoi ?’ Et puis ce n’était pas très bien perçu », confie-t-elle. Un jour, elle achète une nappe en papier blanc, des feutres, et trace l’organigramme de la « jungle » des organismes financeurs. « Au fur et à mesure que j'arrivais à comprendre certains mécanismes, je déchirais, j'accrochais au mur, je dessinais. Je traçais des flèches, je remettais au propre. Le rouleau de papier y est passé ! » Face à la complexité du système des organismes et dossiers de subventions, elle comprend que son projet revêt une utilité auprès des responsables d’entreprises ou d’associations, souvent pris par le manque de temps. Des crises qui s’enchaînent À cette époque, à peine divorcée, mère de deux enfants, et en difficulté financière, Bénédicte Duport hésite à accepter un poste salarié dans la vente d’automobiles de luxe à Bordeaux. Ses enfants ne souhaitent pas quitter Tarbes. Elle décide donc de persévérer dans l’aventure Subventis. Mais les difficultés ne vont pas manquer : des cabinets d’expert-comptable s’inquiètent d’une possible concurrence. « Alors que ce n’est pas du tout le cas, assure l’entrepreneuse. On est en amont des projets, comme les banquiers finalement. » Comme elle crée à partir de rien une activité novatrice, elle se heurte à la méfiance et aux réticences de divers acteurs économiques, mais finit par se constituer un solide réseau professionnel. En 2013, elle embauche un premier salarié. « Ça m'a vraiment fait passer un cap, retrace-t-elle. L’activité s’est bien déployée. » Subventis commence alors à recevoir des demandes d’entreprises implantées dans les Pyrénées-Atlantiques voisines. « Au Pays basque, quelqu’un m’a dit : ‘tu devrais modéliser ce concept, c'est une mine d'or’. » Convaincue, Bénédicte Duport va alors se rapprocher d’une société qui accompagne les franchises à Paris, où elle se rend régulièrement afin de travailler sur ce nouveau développement. Première étape vers le déploiement de la franchise : un cabinet pilote, à Pau. Le siège tarbais compte alors 9 salariés.À lire également - FCE : « Une femme chef d’entreprise joue souvent beaucoup de rôles à la fois »Mais une nouvelle crise survient. Pour créer le cabinet palois, elle s’associe avec un entrepreneur qui souhaite se lancer, le forme, et se porte caution bancaire. Dans un premier temps, tout se passe bien, jusqu’à ce que survienne un litige entre eux. La situation s’envenime au point qu’elle atterrit devant les tribunaux. Des procédures étant toujours en cours actuellement, Bénédicte Duport préfère ne pas s’exprimer sur le sujet. Bien décidée à affronter la crise, elle opte pour déménager Subventis à Pau, où elle prend la présidence de l’association Femmes Chefs d'Entreprise (FCE) en Béarn. Mais la transition Tarbes-Pau survient au moment de la crise du Covid. Nouvelle épreuve pour le cabinet. « Et là, on s'en remet à peine, souffle aujourd’hui Bénédicte Duport. Pendant deux ans, on a sorti les rames ! Je me suis dit qu'il fallait s'accrocher, mais c'est dingue ! » L’Union Européenne tâche alors de prendre en compte ces bouleversements sociétaux, et édicte un ensemble de nouvelles règles pour la période 2021-2027. Les subventions accordées aux entreprises n’échappent pas à cette remise à plat. « L’ensemble des dispositifs d’aides ont été revus ! », explique la chef d’entreprise. Fin juillet 2022, les procédures en vigueur jusque-là sont stoppées net. Tout reprendre de zéro « Quand ils nous ont redonné la main sur les dossiers qu'on avait commencés, là où on attendait 30 % de subventions, on a eu 10 % ou 15 %, souffle la gérante. Tout a été revu à la baisse. Ça a chamboulé nos budgets prévisionnels. Pour les clients ça n'a pas été la même musique, pour nous non plus. On était sur les fonds de cuve du programme. » Les nouveaux SRDEII (Schémas Régional de Développement Économique Innovation et Internationalisation) sont gelés durant une année, le temps de la refonte du schéma européen, ce qui met l’entreprise béarnaise en difficulté. « Pour nous, ça a été une grosse crise : on est restés un an à craquer de la trésorerie. Puis il a fallu tout rebâtir et reconstruire des équipes », témoigne Bénédicte Duport. À la fin du « quoi qu’il en coûte » lié au Covid succède le plan France Relance 2030, et la mise en œuvre du nouveau schéma européen jusqu’en 2027. « Les priorités c'est une Europe plus intelligente, plus compétitive, plus verte, plus sociale, plus proche des citoyens, et plus connectée, résume-t-elle. Ça s'est adapté à tout ce qui s'est passé pendant le Covid. » Résultat pour Subventis : tous les dossiers et procédures sont à reprendre de zéro : « À chaque fois, il faut tout rebûcher ! Et s'adapter, apprendre et progresser pour poursuivre notre devoir d'accompagnement et de conseil ». D’autres défis se profilent à l’horizon, comme l’intégration de l’Intelligence Artificielle dans les process de l'entreprise, mais aussi et surtout le lancement d’un système de franchise sous forme de licence de marque, pour faire essaimer le modèle de Subventis un peu partout en France. Après un premier échec dans cette direction, les premières entités franchisées ont démarré à travers le pays : Provence, Lorraine, Gironde- Lot-et-Garonne et Pyrénées-Gascogne. « C'est reparti ! » sourit l'entrepreneuse.

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