Levées de fonds : plus d’opérations, mais un ticket moyen en baisse en Nouvelle-Aquitaine - Premium

Selon la dernière étude d’In Extenso Innovation Croissance, la French Tech a levé moins d’argent en 2023 qu’en 2022, soit 9 milliards d’euros contre 13,6 milliards. Est-ce le signe d’une crise, ou d’un retour à la normale ? Entre 2021 et 2022, c’était un peu une période d'exubérance irrationnelle. On a vécu une sorte de bulle, entre l’effet post-pandémie, des taux très bas et un écosystème - en particulier SaaS [ndlr, Software as a Service] - qui a beaucoup pris son envol. Avec un indicateur assez représentatif de la situation, qui est l’évolution de la valorisation d’entreprises SaaS, sur la base d’un multiple du revenu récurrent annuel [ndlr, ARR]. On était sur une valorisation moyenne de l’ordre de 20 à 25 fois le revenu récurrent annuel. Aujourd’hui, on est retombé au niveau des valeurs historiques, plutôt autour de 5 à 6 fois. Il y a eu ce pic, qui s’accompagnait d’investissements très massifs avec beaucoup de tours en « late stage », c’est-à-dire plutôt tardifs, et des levées à plus de 100 millions sur ce type de société, qui affichaient de la croissance et la finançaient à tout prix.Quelles sont les conséquences de ce retour à la normale pour les startups, notamment celles qui ont été survalorisées ? D’abord, le fait que les valorisations aient dégonflé fait que les investisseurs entrés au dernier tour et qui ont mis des montants substantiels, ont encaissé des pertes importantes. Et sont ressortis du marché du capital-risque sur lequel, pour certains, ils n’étaient pas positionnés - donc il y a un petit assèchement de sources de financement sur ce segment. Conséquence, quand on eu une valorisation à 100 et qu’on a besoin de refaire financer la société, c’est difficile d’aller voir ses investisseurs en disant « j’ai besoin d’argent, mais à 50 ». Donc il y a un blocage. On voit quand même des sociétés surperformer et être capables d’afficher une croissance exceptionnelle, qui ont pu défendre des multiples un peu plus agressifs pour réaliser des tours de table, mais ça va être 10 à 20% des sociétés. Pour beaucoup, il y a eu de l’attentisme et de l’attente avant de chercher à faire un tour externe, ce qui s’est traduit par un tour en interne, un « bridge », quand les investisseurs ne voulaient pas concéder à une baisse de la valorisation. Mais de plus en plus, des « down rounds » ont lieu, c’est-à-dire des refinancements avec des revalorisations plus basses. Ce qui implique une problématique d’alignement d’intérêts entre les différents actionnaires.Des difficultés pour les séries A, B et CPour recentrer l’analyse sur la Nouvelle-Aquitaine, vous avez noté 70 opérations de levées de fonds en 2023 pour un montant global de 278 millions euros. Soit, 27% de levées en plus qu’en 2022, mais avec un montant global en baisse de 58%. Comment analysez-vous cela ? Effectivement, en nombre d’opérations l’écosystème néoaquitain a été assez dynamique. Mais le ticket moyen a lui-même beaucoup baissé, atteignant en 2023, 4,3 millions d’euros, car il y a eu plus d’opérations en « early stage ». Donc le montant global est en forte baisse par rapport à 2022 où il y avait eu de très grosses levées de fonds qui sortaient un peu du cadre habituel [ndlr, 663M€ levés au global en 2022]. Mais si l’on prend plus de recul, par rapport aux années 2020 et 2021, on constate encore une croissance.Le Girondin The Exploration Compagny a signé la plus grosse opération de 2023, avec une levée de 40 millions d’euros. Viennent ensuite l’enseigne hôtelière Eklo (35M€), NewHeat dans les énergies (30M€), la clean tech Dioxycle (17M$) et Axioma (food, 15M€)Qu’est-ce que cette hausse des tours de table en « early stage » révèle du comportement des investisseurs ? Disons qu’il y a des secteurs sur lesquels ces investisseurs voient des perspectives de plus-value attractive. Que ce soit dans l’IA, les « clean tech » ou « deep tech », ce sont des sujets qui, de façon macro, restent sur le devant de la scène. Ils concentrent une grande partie des investissements, donc naturellement, même sur le segment de l’amorçage, on voit des tours de table sur le premier maillon de financement. Ce qui est compliqué, c’est pour les financements plutôt en fin de parcours - en série B, C -, c’est un environnement plutôt bouché. Pour les séries A, c’est le sujet compliqué du moment car une fois que l’amorçage est réalisé, la série A est plus complexe - et les taux de transformation diminuent. On était typiquement à 35% des opérations de « seed » qui se transformaient en série A il y a deux ans, aujourd’hui on est plutôt à 17%. Quelles sont ou seront les tendances à venir, pour 2024 ? Tout ce qui est intelligence artificielle, on parle de bulle mais tout le monde veut en financer. Pareil pour les sujets de transition énergétique, la clean tech, et la deep tech intéresse beaucoup. L’amorçage devrait rester très dynamique avec la loi de finance 2024 [ndlr, qui a créé le statut de jeune entreprise de croissance]. Concernant les startups qui ont du mal à boucler des tours de financement, on devrait probablement atteindre le pic cette année et l’intersection entre la dette et la trésorerie des sociétés risque de créer des blocages. Voilà les grandes tendances qui devraient se maintenir à court terme.

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