L'Agglomération paloise veut quintupler les énergies renouvelables à horizon 2040 - Premium

L’Agglomération paloise affiche des objectifs ambitieux d’utilisation des énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2040, dix ans avant l'échéance nationale. Quelle est aujourd’hui la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique palois ? Aujourd’hui, sur les 31 communes de l’Agglo, la part des énergies renouvelables et de récupération [c’est-à-dire réutilisant la chaleur fatale d’autres installations, comme par exemple la réinjection de l’énergie de l’usine d’incinération dans le réseau de chaleur urbain, ndlr] est d’à peine 13%. D’autres territoires en Béarn ont des proportions plus élevées, mais chaque territoire part de plus ou moins loin. Les territoires plus ruraux, qui utilisent beaucoup de biomasse pour le chauffage individuel, le bassin de Lacq, qui produit son énergie, mais aussi de la vallée d’Ossau, avec ses barrages hydroélectriques, sont plus avancés. Avec la loi d’accélération des énergies renouvelables, la France s'est fixé pour objectif d’atteindre 33% à l’horizon 2030. C’est l’objectif que l’on se donne. Concrètement, cela signifie doubler, voire tripler la consommation d’énergies renouvelables et atteindre 1000 GWh/an.Le rapport de développement durable 2023 de l’Agglomération accorde une place particulière au solaire et à la géothermie. Pourquoi le choix de ces deux énergies en particulier ? Nous avons mis l’accent sur les énergies pour lesquelles il y a de l’actualité en 2023. Concernant la géothermie, nous commençons à nous approprier cette technologie, qui est encore émergente sur notre territoire. Cela se fait en proposant des temps de travail qui réunissent l’ensemble des acteurs de la filière pour apprendre à se connaître et partager les enjeux du territoire. C’est aussi, au niveau de la collectivité, en déployant une solution de géothermie au niveau des entrepôts Labat. Sur le solaire, on s’est structurés pour voir comment développer le photovoltaïque sur les bâtiments municipaux et communautaires, pour essayer de développer des centrales solaires en toiture. On a fait une pré-étude en interne pour sélectionner un certain nombre de bâtiments, et derrière on a lancé des études de structure pour vérifier que ces bâtiments peuvent accueillir ces centrales solaires. Ensuite, on passe à l'investissement à proprement parler. L’objectif est d’arriver à l'autoconsommation : soit celle d’un bâtiment donné, soit une autoconsommation collective, pour un ensemble de bâtiments. En ce moment, les études sont en cours sur 37 bâtiments municipaux et communautaires, c’est un processus qui a débuté fin 2023 et devrait durer encore plusieurs semaines.« Sur le photovoltaïque, on a exclu le périmètre du cœur historique »Est-ce que cela pourrait impliquer de poser des panneaux solaires sur des toits en centre-ville ? Et comment rendre cela compatible avec les règles d’urbanisme et de protection du patrimoine ? Aujourd’hui, nous n’avons pas sélectionné de bâtiments dans le cœur historique. Selon la loi d’accélération des énergies renouvelables, la collectivité doit déterminer des « zones d’accélération », favorables à l’accueil des ENR. Pour la zone d’accélération du photovoltaïque, on a décidé d’exclure le périmètre du centre-ville, pour se donner le temps de travailler sur l’intégration paysagère, de discuter avec les architectes des bâtiments de France, l’Etat, de voir comment la réglementation va évoluer au niveau national. Ce n’est pas pour ça qu’il n’y aura jamais de projet en centre-ville, mais il faut se donner un peu le temps de voir venir.À lire également - Eurelec : « Il faut se demander à quoi ressemblera l’après-transition énergétique »Quelle zone d’accélération avez-vous déterminée pour Pau ?Nous sommes encore en train de la finaliser, cela fera l’objet d’une délibération au prochain conseil communautaire. Sur le photovoltaïque, on a inclus l’ensemble du territoire communal dans la zone d’accélération hormis le cœur historique.Avec quelle ambition ? On est en train de travailler sur le prochain plan climat de l’Agglo, et c’est dans ce cadre que les objectifs vont se fixer. Aujourd’hui, on a une vision « macro » des choses. Le territoire émet 775 tonnes de CO2 par an, ce sont des chiffres de 2017. L’objectif à 2050, c’est de multiplier par cinq les ENR sur l’ensemble du territoire. La répartition fine entre le solaire, la géothermie, etc… est difficile à évaluer dès aujourd’hui. Et puis, sur un territoire, les choix appartiennent aux habitants, maîtres d'ouvrage, porteurs de projets… il faut leur donner la possibilité de s’en emparer.Le RCU, « amené à se développer »2023 a aussi vu la construction du réseau de chaleur urbain de l’agglomération paloise. Ce modèle est-il amené à être reproduit ? Qu’il puisse y avoir demain d’autres réseaux de chaleur sur le territoire de l’Agglo, oui, mais pas de la même ampleur. L’actuel est amené à se développer, on a fait un schéma directeur en 2023, il y a du développement possible en 2024. On va voir comment répondre aux nouvelles demandes de raccordement venant d’équipements publics et privés. On va aussi faire une analyse de la première saison de chauffe, pouvoir définir les besoins d’énergie complémentaires à installer sans dégrader le mix existant. Ce sera la phase 2024, pour que dans les prochaines années on puisse augmenter encore l’intérêt du RCU.La canicule en été devient un enjeu énergétique au même titre que le chauffage en hiver. Envisagez-vous d’associer un réseau de froid au RCU ? Il y a plusieurs réflexions en cours sur ce sujet-là. Le principe général, c’est souvent d’avoir deux réseaux distincts. Après, il est aussi possible de faire du froid avec le chaud : on peut transformer l’énergie du réseau de chaleur en froid et substituer ce froid aux climatisations. C’est quelque chose que l’on étudie sur certains gros consommateurs de froid comme l’hôpital. Ceci dit, il existe déjà une source d’énergie qui permet de faire à la fois du froid et du chaud : c’est la géothermie. Pour le projet de quartier Rives du Gave, on prévoit d’avoir une boucle tempérée par la géothermie pour alimenter les immeubles en froid et en chaud. Ces boucles sont plutôt pertinentes aujourd’hui pour des quartiers nouveaux, ça peut aussi être intéressant pour des zones commerciales qui ont besoin de froid l’été, ou bien pour lutter contre le phénomène des îlots de chaleur urbains.Structurer une filière géothermieQuelle sera la place de la géothermie dans les projets de l’Agglomération ?Aujourd’hui, nous mettons en œuvre la géothermie au niveau de la rénovation des établissements Labat. Il faut pouvoir creuser des sondes à 150 mètres de profondeur pour aller chercher les calories du sous-sol. Il faut un peu d’espaces verts autour du bâtiment pour pouvoir y implanter ces sondes. ça peut être dans des zones de futurs parkings… C’est le premier projet sur lequel nous allons déployer la géothermie.À lire également - Ecorénovation : la Ville de Pau veut faire monter en compétences les entreprises locales Y a-t-il d’autres projets sur lesquels cette technologie pourrait être déployée ? Elle est en cours d’étude sur le centre technique municipal, et la Ville de Billère fait aussi des études pour la rénovation de sa piscine municipale. On voit que les professionnels commencent à s’intéresser à ces questions. Il y a une appétence, mais aussi une plus grande méconnaissance de la filière. Il faut bien concevoir les bâtiments, faire des études préalables, que la réalisation du bâtiment soit bien dimensionnée… c’est toute une chaîne de valeur à bien appréhender.On en est donc encore au stade des projets pilotes ?Oui, pour l’Agglomération, parce qu’au niveau national ce sont des techniques déjà éprouvées. Il y a des régions qui sont très en avance comme la Bretagne, autour de Toulouse… Mais le président de l’Agglomération, François Bayrou, est très promoteur de cette solution et souhaite la voir se développer sur notre territoire. La collectivité montre l’exemple avec ses propres bâtiments, mais il faut aussi des entreprises, un tissu d’acteurs locaux, pour que ces chantiers prennent et fassent école. Après tout, nous sommes en Béarn, il y a une école à Lescar, le pôle de compétitivité Avenia… Pau est le pays des géosciences et du sous-sol ! Avez-vous des objectifs chiffrés en matière de géothermie ? Les échelles ne sont pas les mêmes qu’avec le RCU ou l’énergie solaire : avec la géothermie, on parle en MWh, pas en GW. Mais l’objectif est que ces technologies se diversifient. Il faudra tout mettre en œuvre pour arriver à l’objectif. Nous estimons ainsi que l’on pourrait encore obtenir 30GWh supplémentaires avec le RCU, 25 avec le gaz vert issu de la méthanisation. La géothermie, c’est potentiellement 2 à 3 GWh par an pour ce qui relève uniquement de l’agglomération, et environ une quarantaine sur tout le territoire. Le photovoltaïque, c’est potentiellement 7GWh pour l’Agglomération et les projets publics, et 120 sur tout le territoire.À lire également - Pierre Brossollet à B to Biarnes #2 : « La géothermie est en train de se faire une place au soleil »Réflexions sur les modes de financementSur tous ces objectifs, des budgets sont-ils déjà fléchés ? C’est difficile de répondre précisément, car dans un projet de construction par exemple, les ENR sont comprises dans le budget global des travaux. Sur le photovoltaïque, l’idée est de voir quels sont les meilleurs véhicules pour le financer. Les fonds propres de la collectivité ? La SEM Pau-Pyrénées ? Faut-il créer une SPL ad hoc ? Nous en sommes encore à la réflexion, nous travaillons pour bien identifier le potentiel, mettre en face les enjeux d’investissement, puis structurer les réponses à la hauteur des enjeux. Mais pour donner une idée des ordres de grandeur : le RCU c’est une dizaine de millions d’euros. Si l’on devait transformer tout le potentiel photovoltaïque que nous avons identifié, il faudrait compter entre 5 et 7 millions d’euros. Un projet de boucle tempérée, c’est environ 2 millions d’euros.Si l’on compare ces chiffres avec le potentiel énergétique que vous évoquiez tout à l’heure, on se dit que la géothermie offre un rapport « investissement sur GWh » très inférieur à l’énergie solaire… Pas nécessairement. Quand vous installez la géothermie dans un bâtiment, vous allez produire du froid et du chaud. C’est difficile de comparer. C’est peut-être un peu plus cher, mais il faut aussi raisonner en coût global, en analyse du cycle de vie, car ce sont des équipements à très longue durée de vie, et en souveraineté énergétique. C’est aussi une question de continuité du service public. Les hivers précédents, on a vu beaucoup de collectivités fermer des services, des piscines… pouvoir continuer à fournir des services de qualité au meilleur coût, c’est aussi un enjeu de la transition énergétique.

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