Didier Laporte : « La dynamique économique en Béarn est souvent méconnue, mais elle est réelle » - Premium

La CCI Pau Béarn a récemment publié son baromètre économique. Quelles en sont les principales conclusions ?Le moral des entreprises est un peu meilleur que ce qu’il a été les deux semestres précédents. Ils étaient assez moroses, marqués par la guerre en Ukraine, la flambée des coûts de l’énergie, la fin des tarifs réglementés du gaz… Le premier semestre 2023 montre une légère amélioration du moral des chefs d’entreprises dans tous les secteurs d'activité. Les chefs d'entreprise sont plutôt optimistes en ce qui concerne leur chiffre d'affaires, leur carnet de commandes… sur les marges de leurs entreprises, il y a une légère amélioration aussi, mais on partait de très bas et le solde d'opinion reste faible.Quels sont les sujets qui préoccupent les chefs d'entreprise ?Aujourd'hui, c'est principalement l'inflation pour 41% d'entre eux. C'est même encore plus dans certains secteurs : les commerces, l'industrie, le BTP… Ensuite viennent la baisse de la demande, pour 32% des chefs d'entreprise, et enfin le poids des charges à 20%. Globalement, depuis 2022-2023, on observe que la confiance en l'économie nationale remonte, mais que les entreprises sont inquiètes pour elles-mêmes. Les marges s'érodent, le remboursement des PGE pèse sur les budgets… on est dans le dur de l'après-Covid et de la fin du quoi qu'il en coûte.Voit-on en Béarn beaucoup « d'entreprises zombies », ces entreprises qui ne sont maintenues en vie que par les aides exceptionnelles de la période Covid ? Il y en a forcément. Au premier semestre 2020, nous avions 90 ouvertures de procédures collectives, en recul de 20% par rapport à l’année précédente. En 2021, le recul se poursuivait, à -31%. En revanche, le premier semestre 2022 était à 76%, et celui de 2023 à 18%. On est retombé sur les niveaux avant-Covid, et peut-être même un petit peu au-dessus. Mais on voit aussi que les chefs d'entreprises s'attendent à une très nette amélioration des marges au second trimestre 2023. On voit aussi que par rapport aux prévisions du 1er semestre 2023, les résultats sont meilleurs que ne l'étaient les prévisions.Globalement, le Béarn tire bien mieux son épingle du jeu que bon nombre de territoires de Nouvelle-Aquitaine, avec en particulier le taux de chômage le plus bas de la région. La dynamique économique en Béarn est souvent méconnue, mais elle est réelle.« Tous les ingrédients d'un territoire attractif » Quels éléments expliquent cette dynamique ? Dans les filières d’excellence qui sont les nôtres : l’industrie, la chimie, les géosciences, et surtout l’aéronautique, il y a une inertie qui est assez forte. Globalement, l’industrie chez nous se trouve relativement protégée, parce que concentrée sur des secteurs à cycles longs, avec la sécurisation que cela apporte. Et puis, sans être chauvin, notre dynamique économique se conjugue bien avec notre art de vivre, un emplacement géographique qui est plutôt béni des dieux… et donc un territoire qui est très attractif. Nous sommes aussi un territoire où il est encore possible de se loger à un prix raisonnable ; un territoire qui propose une offre d’enseignement supérieure qualitative qui nous permet de garder nos jeunes chez nous. Ce sont tous les ingrédients d’un territoire attractif. Le bémol c’est qu’on ne le fait pas vraiment savoir. Et nous sommes tous en train de travailler à une stratégie de marketing territorial pour le Béarn.C'est un sujet relativement neuf, mais qui a le vent en poupe…La CCI s’en est emparée dès 2017, nous avions mobilisé les 8 EPCI pour un diagnostic commun sur l’attractivité. Nous nous sommes emparés collectivement du sujet, qui est aujourd'hui porté par le pôle métropolitain Pays de Béarn. Il y a des études qui sont réalisées, notamment pour une marque territoriale. Ensuite, viendra le temps d'établir une stratégie de marketing territorial, pour faire parler du Béarn, le faire connaître et le rendre attractif. Une plus grande attractivité aurait sans doute un impact sur le prix du foncier... Mais je pense qu’il nous faut cet apport de sang neuf, on en a besoin pour notre économie. Si l’on veut continuer à rayonner, il nous faudra toujours accueillir des talents pour nos entreprises. Il faudra maîtriser le processus… mais ça sera relativement facile, il y a toujours moins de gens qui veulent habiter à la montagne que de gens qui veulent avoir les pieds dans l’eau !Secteur par secteur, quels sont ceux qui s'en sortent plus ou moins bien ? Les secteurs qui tirent l’économie, ce sont nos industries, nos filières d’excellence. La géoscience, historiquement très bien ancrée ici, et la chimie qui va avec et qui tend vers la chimie verte. Ensuite, c'est notre industrie aéronautique, avec l’implantation historique de Safran Helicopter Engines. Enfin, c’est l'agroalimentaire : nous avons l'un des principaux acteurs mondiaux avec Euralis, toute la filière canard. Le leader international de la distribution de miel est en Béarn, c’est la famille Michaud. Et quand on dit industrie, on parle forcément des emplois induits : les commerces, les services à l’industrie… de ce point de vue là, nous avons en Béarn une économie florissante.S’il y a des secteurs plus en difficulté, c’est aujourd'hui le commerce de centre-ville, de centre-bourg. il y a une dynamique, la vacance commerciale est en net recul. Mais c’est une dynamique qui a été très accompagnée, par les programmes Action cœur de ville ou Petites villes de demain. Les municipalités ont fait un travail de revitalisation fantastique, mais c’est un secteur qui est en difficulté du fait des crises successives.« Il nous revient d'être créatifs pour trouver des employés »Qu'en est-il des difficultés de recrutement des entreprises ?Je ne connais pas un secteur économique, un niveau de recrutement, de l’ouvrier au cadre, qui ne soit pas touché par des problèmes de recrutement. C’est à rapprocher de notre taux de chômage proche du plein-emploi. Il y a aussi un manque d'adéquation entre l'offre et la demande : les offres les plus importantes, ce sont les métiers difficiles, avec des horaires contraints : tôt, tard, le week-end… Les demandes d’emploi, à l'inverse, sont plutôt sur des emplois peu qualifiés, alors que du fait de la dynamique de notre industrie, on recherche plutôt des travailleurs très qualifiés. La conclusion que j'en tire, c'est qu'il nous revient d’être créatifs pour trouver des employés. On peut travailler sur la formation, c'est l'exemple du lycée de Mourenx qui propose des formations en lien avec les entreprises du territoire de Lacq. On peut aussi aller chercher les gens parfois très éloignés de l’emploi et de les ramener, avec par exemple des programmes d'immersion progressive dans l'entreprise et la vie salariée pour des gens qui sont parfois des accidentés de la vie. C'est quelque chose que beaucoup d'entreprises font aujourd'hui.Et l'enclavement du territoire ? Vous avez récemment poussé un cri d'alerte sur le sujet avec plusieurs responsables économiques…C’est problématique. Sur le papier, le Béarn n'est pas enclavé : on a un aéroport, une autoroute, une ligne de chemin de fer. En réalité, on l’est quand même pas mal. Le trafic de l'autoroute est relativement faible, il ne reflète pas la réalité des flux entre le nord et le sud de la région. Il y a une forme d’enclavement tarifaire qui se joue avec cet axe qui coûte très cher. Le chemin de fer est également compliqué, car nous sommes tout au bout d'une branche de notre système national en étoile centré sur Paris. Bon courage pour aller à Marseille en train depuis Pau, par exemple ! Enfin, sur l'aérien, nous sommes très mal reliés à Orly, avec un seul vol quotidien en fin de journée. On est aussi ultra-enclavés vers le sud, alors que nous avons derrière nous une région espagnole, l'Aragon, qui nous tend les bras, qui ne demande qu’à s’ouvrir vers le nord. Saragosse est l'un des hubs logistiques les plus importants d’Espagne. Ce sont des hectares, des kilomètres carrés multimodaux… On a cette région, l’Aragon, qui a une véritable dynamique économique, et on est très mal reliés à eux. Il est vrai qu'il est compliqué chez nous de construire une route en montagne. C'est compliqué techniquement, car le versant nord des Pyrénées est en pente beaucoup plus forte que le versant sud, administrativement, socialement, sociétalement… Mais c’est tout de même un peu dommage après avoir fait une infrastructure comme le tunnel du Somport qui a nécessité des années de lobbying, que la route côté espagnol soit une véritable autoroute, adaptée au transport routier, alors que de notre côté, elle tient plus du chemin de chèvres. On n’entend plus parler de la TCP, du passage sous le Vignemale, le projet est enterré. Mais je ne suis pas convaincu que le trafic ferroviaire pourra offrir assez de solutions pour répondre à la demande. On a besoin de tout.

Didier Laporte : « La dynamique économique en Béarn est souvent méconnue, mais elle est réelle » - Premium

Pau : Geodays #4 au Palais Beaumont en juin

Venez échanger avec Pascal Pénicaud le 30 mai !

La French Tech Pau Béarn tiendra son assemblée générale fin ...

IA Pau organise une conférence sur la régulation de l'intell ...

Une rencontre consacrée à la cybersécurité des entreprises à ...

Le Forum des mobilités bas carbone se tiendra à Pau en mai

Le Deeptech Tour fera étape à Pau en avril

Le Cercle des Dirigeants en Mouvement annonce son lancement

ESS : Comment Util'Eco valorise le matériel informatique usagé

Comment Marboré a gagné son indépendance

Lacq : m2i veut faire passer ses phéromones de synthèse « à une autre échelle »

DigitÉco #11 : votre IA, open source ou propriétaire ?

VIDEO - Revivez le premier anniversaire de Placéco Béarn

DigitÉco #10 : IA et santé, enjeux et perspectives

J-1 avant la soirée anniversaire de Placéco Béarn !