Aéroports Pau vs Tarbes : le torchon brûle toujours - Premium

Le développement des aéroports de Pau et Tarbes encore en jeu. Un nouveau caillou déposé dans les jardins béarnais et bigourdans à propos de la liaison avec Orly en ce mois de mai. C'est la CRC qui l'a placé, dans deux rapports d'observations définitives sur l'aéroport de Pau Uzein.Le premier audite la gestion, depuis sa création en 2017, de la société Air'Py qui exploite l'infrastructure par le biais d’une délégation de service public (DSP) jusqu'à 2028. Son capital (SAS) est détenu à hauteur de 51% par la Chambre de Commerce de Pau Béarn et à 49 par Egis Airport Operation après le désengagement de Transdev en mai 2021. La DSP est accordée par le syndicat mixte de l’aéroport de Pau-Pyrénées (SMAPP) composé des collectivités (communautés de communes, d'agglomération, département, région) qui a donc fait l'objet du second rapport. Que retenir des écrits de la CRC ? Pour Air'Py, sans doute que lors de sa création, elle s'est fixé « une trajectoire particulièrement ambitieuse de hausse du trafic et de diversification de l’activité sur une plateforme accueillant 600 000 passagers essentiellement constitués par une clientèle d’affaires se rendant à Paris, accompagnée d’un plan d’investissements de 13,6 M€, entièrement financés sans aide publique. » Et d'ajouter dans ces éléments de contexte « qu'en dépit d’une renégociation de la DSP très favorable à la société à la suite de l’épidémie de Covid-19, lui permettant de voir 5,06 M€ de ses déficits ainsi que la quasi-totalité des investissements pris en charge par le SMAPP, les perspectives d’Air’Py d’ici à l’échéance de la DSP apparaissent limitées. » La CRC rappelle que malgré les efforts de l'aéroport de Pau pour créer une diversification (dans le respect des textes européens et nationaux) il n'y a que peu de destinations qui puisse offrir une viabilité et par voie de conséquence, de pérennité pour dégager ses perspectives (de nombreux essais saisonniers ont été abandonnés). Le dynamisme de la zone d'activité est, note la CRC, certes un axe de développement mais la question d'Orly demeure au centre des débats. Elle met donc les pieds dans le plat : « L’essentiel du potentiel de développement de l’aéroport résiderait dans l’hypothèse que la liaison entre Pyrénées centrales et Paris-Orly s’effectue essentiellement depuis Pau-Pyrénées et cesse en tout ou partie de l’être depuis l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées, distant de Pau-Pyrénées de seulement 30 minutes de route et bénéficiant d’un financement public de 4,5 M€ par an pour sa liaison vers Orly. » Va-t-on finir par tirer à balles réelles ?C'est bien là que le bât blesse : en rappelant la concurrence frontale entre les stratégies portées par les élus, tout le débat tourne autour de ce financement par le contribuable bigourdan de la liaison quand le béarnais se l'interdit. Ce modèle s'apparenterait il à de la concurrence déloyale ? Si l'on peut comprendre la légitimité des élus de chaque territoire pour offrir à leur tissu économique respectif les meilleures conditions de desserte, on se souviendra que la CCI de Pau entendait déjà contester ce financement devant la commission européenne en 2015 suscitant la colère tarbaise jusqu'au député Jean Glavany. Comme le rappelle la CRC, cette question est étrangère à Air'Py et ne dépend que des deux syndicats mixtes. Il n'en demeure pas moins que la gestion contrainte d'Air'Py, du fait du strict respect des dispositions européennes et nationales en termes de financement complique son équilibre économique. S'il existe bien des coopérations entre Tarbes et Pau sur le plan opérationnel, cette question demeure centrale. La CRC s'exprime aujourd'hui donc on ne peut plus clairement dans son rapport sur le syndicat mixte palois : « Le niveau de dépenses du SMAPP demeurera dans tous les cas faible par rapport à la moyenne des aéroports de sa catégorie. Ainsi, l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées, séparé de la plateforme de Pau-Pyrénées par 30 minutes de route, connaissait avant crise un niveau de contributions des collectivités membres plus de sept fois supérieur résultant notamment du financement, compensant une obligation de service public (OSP), d’une liaison avec l’aéroport d’Orly (…) liaison également proposée par l’aéroport de Pau mais sans aide publique, sans que le niveau ni la dynamique du trafic total ne justifient cette redondance. En dépit des données objectives sur les coûts financiers et environnementaux significatifs de la double liaison vers Orly et des multiples initiatives politiques de rapprochement exprimées ces dernières années, aucune perspective de rapprochement volontaire entre les deux plateformes n’est plus ouverte à ce stade. Il existe par conséquent un risque réel de concurrence agressive entre les aéroports sur la liaison avec Orly, qui pourrait engendrer une forte baisse du trafic sur l’aéroport de Pau, en contradiction avec la réalité des besoins de mobilité dans les zones de chalandise de chaque plateforme et affecter durablement le modèle économique de la plateforme. Pour contrer ce risque, l’hypothèse que la liaison entre Pyrénées centrales et Paris-Orly s’effectue essentiellement depuis Pau-Pyrénées et cesse en tout ou partie de l’être depuis Tarbes-Lourdes Pyrénées, dépendrait d’une volonté politique commune entre les deux aéroports dépassant les seules actions propres du SMAPP, et qui semble actuellement faire défaut. » En février 2022, François Bayrou, maire de Pau, et Carole Delga, la Présidente de la région Occitanie avaient publiquement affiché leur volonté commune de trouver un terrain d'entente sur ces questions. La CRC n'a d'ailleurs pas manqué d'égratigner le premier pour la subvention de 200 K€ que l'agglomération de Pau a versé en 2020 à une compagnie en réaction aux annulations de vols d'Air France. Cette délibération, que François Bayrou déclare aujourd'hui totalement assumer(soutenu sans réserves par le député David Habib), avait au passage, provoqué quelques joutes verbales et écrites durant la dernière campagne municipale. Tandis que l'idée de renforcement de la coopération entre les deux plateformes est toujours affichée, dans les coulisses, le Président du syndicat béarnais Nicolas Patriarche proposait déjà, dans un courrier adressé toujours en 2022 au tarbais Pyrénia d'abandonner la desserte d'Orly au profit de Pau et de mettre en place un réseau de navettes à faible émission de GES entre les deux plateformes. Impossible de ne pas deviner la réponse du berger à la bergère ; il ne peut en être question. Ce soutien affiché de la CRC à l’option paloise pourrait être majeur. On considère toujours ici que l'Etat s'est fait tordre le bras par les élus voisins avec cette obligation de Service Public qui n'est pas conforme au droit de la concurrence européen. Reste que le rappel par la CRC des 4,5 M€ qui pourraient être économisés s'accompagne du constat de la renégociation très favorable de la DSP pour Air'Py « lui permettant de voir 5,06 M€ de ses déficits ainsi que la quasi-totalité des investissements pris en charge par le SMAPP. » Et le syndicat de répondre que les fondements de la décision étaient tout à fait justifiés…

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