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Le secteur de la croisière en pleine galère (1/3)

Écosystème
mercredi 28 octobre 2020

Le "Bougainville" de la Cie Ponant est l'un des rares paquebots à avoir maintenu des escales durant la saison estivale. ©Studio PONANT-Clement Louineau.jpg

Les croisières touristiques, fluviales et maritimes, sont l’une des activités les plus impactées par la crise sanitaire. La place bordelaise, pour qui ce secteur représente près de 20 M€ par an en termes de retombées économiques, n’est pas épargnée. Bordeaux Métropole vient de voter des aides pour maintenir à flot cette filière.

Sur les quais de Bordeaux, les paquebots fluviaux immobilisés depuis des mois font triste figure. La période de confinement de la mi-mars, qui a débuté peu avant le lancement de la saison des croisières, suivie d’un été marqué par la rareté de la clientèle étrangère, a mis un coup de frein brutal à ce secteur d’activité.
Au niveau des paquebots maritimes, alors que le Port de Bordeaux s’apprêtait à réaliser une année record, c’est la totalité des 65 escales programmées qui a été annulée. Touchant les ports de Bassens, Bordeaux, Le Verdon ou Pauillac, ces paquebots maritimes drainent habituellement plus de 40 000 passagers par an -une clientèle essentiellement étrangère- et génèrent des retombées économiques sur le territoire estimées à près de 5 à 6 M€ par an. Dans l’estuaire et sur les flots de la Gironde, seule une compagnie française, Ponant, s’est lancée et a mis en place des escales non prévues à l’origine. « Face au contexte mondial sans précédent il nous est apparu naturel de proposer une offre de proximité. Nous avons ainsi proposé cet été une série de croisières « La France est belle vue de la mer », dont un itinéraire « Nature et terroir de Nouvelle-Aquitaine, de 7 jours au départ de Bordeaux. Dix croisières ont ainsi eu lieu de juillet à mi-septembre à bord de notre navire Le Bougainville », commente Hervé Bellaïche, directeur général adjoint de la Cie Ponant. « Le taux de remplissage est cependant resté limité, entre 40 et 50% par croisière, s’expliquant notamment par le manque de temps de commercialisation. Alors que d’habitude, nous commercialisons nos croisières environ 18 mois à l’avance, celles-ci n’ont été ouvertes à la vente que quelques semaines seulement. » Avec 800 passagers environ qui ont embarqué sur Le Bougainville, ces derniers mois, on est cependant loin des plus de 40 000 passagers escalant habituellement sur les quais girondins.

Les paquebots hôteliers fluviaux : une montée en puissance stoppée net

Le constat est tout aussi amer du côté des paquebots fluviaux, au nombre de 5 sur la place bordelaise. Proposant des séjours hôteliers de quelques jours, ces paquebots, contrairement à ceux du maritime, naviguent sur les eaux de la Garonne, de la Gironde ou de la Dordogne, sans prendre le grand large… Leur activité, qui génère 10 M€ par an, s’avère l’une des plus lucrative en termes de retombées économiques pour la métropole. De fait, la venue de passagers irrigue de multiples autres secteurs économiques : aéroport, autocaristes, sites touristiques, magasins de souvenirs, pilotes, hôtels, vignobles, services dédiés à l’avitaillement, sociétés de retraitement des déchets…
Inexistant à Bordeaux jusqu’en 2011, ce marché de la croisière sur paquebots hôteliers, qui pèsent aujourd’hui près de 21 000 passagers par an, n’a cessé de monter en puissance ces dix dernières années. La compagnie CroisiEurope, société familiale alsacienne avait ouvert le ban aux débuts des années 2000. D’autres compagnies ont par la suite investi Bordeaux telles l’américaine Uniworld River Cruises, la norvégienne Viking River Cruises, Grand Circle Cruise Line, AmaWaterways, Scenic Tours… Cependant, durant 2020, ces paquebots fluviaux ont, eux aussi, renoncé à maintenir leurs offres de croisières, estimant qu’ils perdraient moins d’argent à rester à quai que de continuer à accueillir les trop rares clients.

Seule CroisiEurope a maintenu des escales

Là encore, à une exception près : le bateau « Le Cyrano de Bergerac » de CroisiEurope, d’une capacité de 174 passagers, a, lui, repris son activité entre août et d’octobre. « Nous avons pris cette décision car nos croisières drainent une clientèle essentiellement française ou européenne de proximité (Allemands, Suisses, Belges...), contrairement aux autres compagnies présentes sur Bordeaux dont la clientèle est majoritairement étrangère, notamment américaine », indique Lucas Schmitter, dirigeant de CroisiEurope, compagnie qui a accueilli en 2019, dans notre département, près de 7000 passagers. « Pour autant, cela reste une année compliquée. Beaucoup de nos escales destinées à des voyageurs américains, anglais, scandinaves ont été annulées. Au final, sur 2020, à Bordeaux, notre perte de chiffre d’affaires est de 80%, soit un niveau similaire à ce que nous avons subi dans d’autres ports. Aucun de nos bateaux n’est parti à perte, mais heureusement que nous avons pu bénéficier des aides de l’État et du chômage partiel », ajoute le manager de CroisiEurope.

Des pertes d’activité de près de 75% au niveau national

Au niveau des croisières à la journée, le Day Cruise, l’activité bordelaise a de même repris en dent de scie, selon les compagnies, avec des pertes d’activité pouvant aller de de 35 % à 80 % sur la saison estivale. De même, l’impact en termes financiers est des plus conséquent : le Day Cruise, avec 123 000 passagers par an, pèse 4M€ en termes de retombées économiques.
Le maintien de ces quelques activités fluviales sur Bordeaux serait similaire aux tendances nationales. Selon « Entreprises Fluviales de France », la baisse de fréquentation en France serait en effet de l’ordre de 75% en 2020. Pour cet organisme professionnel, les mesures d’activité partielle, d’exonérations de charges, d’exonération de loyers et les prêts garantis par l’État ont joué leur rôle efficacement jusque-là̀, 91 % des opérateurs de tourisme fluvial ayant eu recours aux mesures de soutien de l’État et 78 % à l’activité partielle.

Métropole : un geste commercial sur les redevances d’accostage

Pour contrer cette situation alarmiste, le conseil de Bordeaux Métropole, par délibération du 23 octobre dernier, s’est engagé à faire un geste commercial envers les acteurs du secteur. Trois paquebots fluviaux, qui sont restés en hivernage sur les pontons bordelais, pourront bénéficier d’une réduction de 80% de leur redevance d’accostage annuelles, qui s’élève à peu plus de 62 000€. Les paquebots, ayant hiberné ailleurs que sur les installations de Bordeaux Métropole, pendant deux mois maximum, seront facturés au prorata des mois réelles de présence sur les pontons. Enfin, pour les Day Cruise, la facturation ne sera établie qu’à partir du premier mois de reprise d’activité. L’ensemble de ces mesures est estimé à une perte de recettes pour la Métropole comprises entre 270 000€ et 280 000€. Par ailleurs, la Métropole a décidé d’engager une concertation avec les autres gestionnaires d’escales afin d’élaborer un plan de relance de la filière et notamment l’adaptation des tarifs de 2021. Pour tous, l’inquiétude est en effet de mise pour la prochaine saison touristique.

De fortes inquiétudes pour 2021

Le Grand Port de Maritime de Bordeaux, qui indique que 62 escales maritimes sont normalement programmées entre avril et novembre 2021, reste cependant prudent : « Si la pandémie n’était pas jugulée au printemps prochain, ces prévisions sont susceptibles d’être impactées », estime Laurence Bouchardie du Grand Port Maritime de Bordeaux. Lucas Schmitter de CroisiEurope table sur « une année sûrement compliquée » et reste encore plus mesuré, évoquant « sans doute un retour à la normale seulement en 2022 ». Au niveau national, « Entreprises Fluviales de France » lance, en revanche, un cri d’alarme et annonce une bombe à retardement avec 69,6 % des opérateurs craignant pour l’emploi d’ici à̀ la fin de l’année et 25 % qui envisageraient une cession de leurs actifs.

Retrouver la suite de notre dossier sur le « Bordeaux et son fleuve » ce jeudi 29 et vendredi 30 octobre dans Placeco.