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Avec Recol’Terra, Bordeaux Métropole veut travailler sa résilience alimentaire

Écosystème
jeudi 02 mai 2024

Actuellement, la métropole importe 96% des produits frais consommés. Photo d'illustration : Adobe Stock

Avec le projet Recol’Terra, lauréat d’un AMI de France 2030, Bordeaux Métropole se positionne sur les sujets de l’agriculture et de l’alimentation. Cheffe de fil d’un consortium de 40 acteurs locaux, la collectivité va mener une phase d’études et de réflexion autour de trois piliers : produire plus, transformer localement, et mieux acheminer. Explications avec Patrick Papadato, vice-président métropolitain chargé de la stratégie nature, de la biodiversité et de la résilience alimentaire

Comment est né le projet Recol’Terra ?
C’est le résultat d’un travail mené depuis 2015 par Bordeaux Métropole, sur sa politique alimentaire d’abord, qui prend racine à Milan lors de la signature d’un pacte [ndlr, pacte de politique alimentaire urbaine signé par plusieurs grandes métropoles européennes]. Suite à cela, en 2017, le CCGAD a été créé - le Conseil consultatif de la gouvernance alimentaire durable. De l’alimentaire a découlé l’agriculture, et depuis janvier 2023 il s’appelle le Conseil agricole et alimentaire de Bordeaux Métropole. Pour s’inscrire à la fois dans une réflexion sur le territoire - qu’est-ce que l’alimentation, la production sur le territoire ? - mais aussi pour s’insérer dans une réflexion plus large, à l’échelle européenne. Voilà le terreau de Recol’Terra.

Justement, ce projet, quel est-il ? À quoi doit-il servir ?
L’idée générale, c’est de réfléchir ensemble à une vision commune, au-delà de notre territoire métropolitain. On s’est aperçu qu’autour de nous, les problématiques étaient souvent identiques. Avoir plus de production agricole, prendre en compte des terres viticoles plutôt mal en point, comment acheminer les flux de production vers les consommateurs… À cela s'est ajoutée une interrogation que l’on avait sur la métropole, notamment autour de la transformation des produits - conserveries, légumeries. De ces réflexions menées avec de très nombreux acteurs du territoire, trois axes sont ressortis - avoir un réseau de fermes pédagogiques, avoir une transformation légumière locale, et travailler la logistique alimentaire.

Mieux accompagner la transmission de fermes

Commençons par le réseau de fermes, quel est l’enjeu pour la Métropole ? On se doute que l’autonomie alimentaire est presque utopique sur notre territoire…
Oui, sur l’autonomie, on sait qu’on ne l’atteindra pas. Aujourd’hui, les communes de la métropole importent 96% des produits agricoles, et 70% des produits transformés. C’est énorme, l’autonomie de la Métropole n’est d’ailleurs que de sept jours. Mais l’idée est d’augmenter cette production, et pour cela il faut créer de nouvelles fermes, aider à ce que celles qui doivent être reprises le soient. Comment travailler la transmission ? On a aussi une problématique de foncier, sur la viticulture - des terrains sont délaissés, on a du mal à racheter certaines friches car leurs propriétaires ont toujours l’espoir de vendre à un meilleur prix… Et bien sûr, il y a la problématique des zones inondables. Rien que pour ça, la Métropole ne réussira pas à produire toute seule, donc on a besoin d’embarquer les autres territoires. 

Pour produire plus, les agriculteurs doivent aussi avoir la certitude de pouvoir écouler leurs denrées facilement, et à une juste rémunération…
Oui, vous avez raison, et l’un des leviers, c’est la restauration collective. Il y a tout un travail qui est actuellement mené par Bordeaux Métropole, de réécriture des marchés, pour que les producteurs locaux puissent y répondre. Mérignac y travaille dans le cadre du SIVU [ndlr, la cuisine centrale], Bordeaux a réécrit son marché pour être au plus près des besoins et des attentes…

D'abord, maturer les projets

Les deux autres thématiques de Recol’Terra sont la transformation légumière locale et la logistique alimentaire. Quels sont les enjeux autour de cela ?
Concernant la transformation, d’abord il faut faire un état des lieux pour identifier les besoins et travailler les flux. L’idée est d’avoir une structuration, une vision, de manière à ce que les outils existants servent à la fois aux producteurs locaux, et aux restaurants qui sont en attente de produits de saison. Ce travail n’a jamais été fait, chacun travaillait dans son coin sans vision globale. Si on a une filière de transformation des légumes, comment la positionner ? Il faut identifier des synergies à créer. Ensuite concernant la logistique, c’est un peu la même chose. On a un outil, le MIN [ndlr, marché d’intérêt national de Bordeaux Brienne] qui est lui-même en pleine réflexion. Il y a bien sûr le cliché de la tomate de Marmande qui part directement à Paris, mais c’est un peu vrai. Comment mieux organiser la distribution sur le territoire, autour de Bordeaux ? C’est un outil pour réduire les déplacements, mais il y en a peut-être d’autres à structurer. On sait que des producteurs viennent livrer quelques clients sur la métropole et repartent à vide - peut-on mutualiser ces trajets, créer de petits centres logistiques pour organiser les flux ?

Recol’Terra a été retenu dans le cadre de l’AMI de France 2030, « démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires ». Qu’est-ce que cela implique, pour Bordeaux Métropole ?
Durant 18 mois, nous allons mener une phase dite de maturation. On va devoir réfléchir avec tous nos partenaires - les intercommunalités de Gironde, le Département, la Région aussi par exemple -, d’abord sur la gouvernance. Recol’Terra est un consortium*, il faut savoir si l’on peut s’écouter, et réussir à construire collectivement une programmation. Nous mènerons aussi des études sur les trois sujets que l’on a évoqués. A l’issue de cette phase, si l’on est encore retenu, on bénéficiera d’une aide financière pour passer dans une phase de réalisation. L’enjeu financier n’est pas anodin, il nous permettra de construire véritablement le projet et de le financer. En ayant toujours un objectif : être un démonstrateur, et apporter une réponse collective au sujet de l’agriculture et de l’alimentation.

La phase de maturation nécessitera près de 600.000 euros, dont la moitié émanant de subventions. La phase de réalisation est quant à elle susceptible de durer jusqu’à cinq ans (2025-2030), pour un budget prévisionnel de 7 millions d’euros, dont 3,4 millions finançables dans le cadre de l’AMI.


* Le consortium se veut « représentatif du système agricole et alimentaire local ». Il englobe des organismes du développement agricole et foncier, de la restauration collective, de la transformation privée, de la distribution alimentaire et solidaire, des collectivités et territoires girondins, et les partenaires institutionnels.

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