Biosfer : le 1er centre de promotion des agrocombustibles naît à Pau - Premium

Franck Miraux, le PDG de BioTanah (tanah : terre, en indonésien) est pragmatique. « Il faut avoir du bons sens. Valoriser des choses simples avant d'aller en chercher des compliquées. » Et dans le Béarn, et plus généralement le département, le poids de l’agricole est une véritable opportunité. BioTanah incarne bien la passerelle agriculture-industrie. Elle valorise des résidus agricoles pour les transformer en agrocombustibles utilisés pour chauffer des bâtiments, alimenter des réseaux de chaleur ou fournir de l'énergie à des process industriels. « Le but de ce centre est de sensibiliser les industriels, les scientifiques, les acteurs publics, les médias, les familles... Ce sera le premier en France. L'idée est de prouver l'efficacité et la valeur économique de ces solutions. Nous allons montrer, sur le même lieu, comment se collecte la biomasse, quelles sont les technologies utilisées, les moyens de production des pellets et finir par les brûler dans une chaudière polycombustible et mesurer leur potentiel calorifique. »Frank Miraux sait de quoi il parle, il travaille dans des projets de développement durable depuis 15 ans notamment dans le bâtiment et l'urbanisme, en particulier sur les écoquartiers. « L'ADEME nous a confié des missions pour travailler sur ces questions en Afrique et Indonésie - d’où le lien. Un écoquartier c'est utiliser une ressource locale, l’énergie par exemple, pour une consommation locale. C’est en constatant que des dizaines de millions de tonnes de pailles de riz étaient brûlées que nous nous sommes dit qu’il suffisait de les valoriser. Imaginez le bilan carbone de ces incinérations ! À cette époque, nous faisions de la R&D sur des agro-additifs, des problématiques lignocellulosiques et en les testant sur de la paille nous avons réussi à les densifier. Le POC a été validé et BioTanah est née pour l'exploiter. »BioTanah a débuté sur plusieurs sites. Le siège social a dès l’origine été localisé sur la technopole Hélioparc mais les laboratoires et sites d’expérimentation étaient disséminés. Le puzzle est reconstitué à Pau depuis quelques semaines et ouvre la voie à la création de BIOSFER. Cet acronyme est déposé à l’INPI. Il cache un centre pour la promotion et le développement des BIOcombustibles Solides par la Formation l'Enseignement et et la Recherche. Tout un programme. « Avec ce centre, il s'agit de prouver l'efficacité et la valeur économique de ces solutions. Nous y avons été incités car des gens, informés de nos activités sur la valorisation des spathes [NDLR: feuilles qui entourent l'épi] de maïs, viennent nous voir avec des résidus d'autres natures pour évaluer ce qu’ils pourraient en faire. Nous les testons par des analyses chimiques et thermochimiques et lors de la combustion, on mesure le potentiel de la biomasse pour en faire un agrocombustible, économique et de qualité. On a testé par exemple la cosse de riz, le miscanthus (graminée rhizomateuse) et nous poursuivons nos expérimentations sur d'autres déchets, pas forcément d'origine végétale… Il y a de la ressource dans notre département. »Green Coal Fuel. Marque déposée « Nous adressons deux marchés. Le national et l’international [NDLR, d’où la dénomination du produit, GCF]. Notre production répond aux attentes de nos clients, en France et à l'étranger. Nous avons développé deux gammes en cours d'industrialisation : la spathe de maïs pour le marché français et la paille de riz pour le marché asiatique. Notre développement, notamment à l’export, s’est fait grâce à un concours dont nous avons été lauréats en 2020. Lancé par le ministère de l’Économie, sans doute pour redresser la balance commerciale, il s’agissait de promouvoir des industriels français de l'innovation verte à l'export. Nous avons fourni un démonstrateur permettant d'affirmer l'utilité de la production pour le développement d’un pays fortement agricole, en l'occurrence, l'Indonésie. Dans ce pays, le relationnel est essentiel. Beaucoup de grands groupes s'y sont cassé les dents. Pour notre part, on connaît la culture, on la respecte, on parle la langue. L'accord de coopération technique signé avec le ministère indonésien de l'Agriculture nous a permis de leur fournir des lignes de production d'une capacité de 4.000 tonnes par an. Ces machines sont maintenues par BioTanah et nous prospectons pour la mise en place de ces outils de production dans différentes zones de l'Indonésie. » Le financement du démonstrateur, un investissement global de 700.000 euros, a été soutenu par le gouvernement français à hauteur de 400.000 euros. Il a permis à la startup de monter en compétences et d'affiner sa technologie. À cette heure, les lignes de production sont en cours de livraison au gouvernement indonésien et l’industrialisation va démarrer. En France, l’approche du marché est différente. Frank Miraux ne s'en cache pas : la stratégie consiste à aller challenger la filière bois-énergie. Un domaine où les acteurs sont confortablement installés avec des rentabilités qui font des envieux. BioTanah sort un atout majeur : « On se positionne comme une alternative crédible et pérenne à la filière bois-énergie car le bois n'est pas forcément aussi renouvelable qu'on le dit. Reconstituer la ressource prend des décennies alors que les résidus agricoles ont, eux, un cycle court, tous les ans si ce n'est, selon les cultures, plusieurs fois par an. Nous possédons un solide avantage compétitif sur le plan économique. Notre force est de pouvoir maîtriser l'ensemble de la chaine de valeur, de la ressource, sourcée en direct auprès d'agriculteurs ou de coopératives agricoles, à la transformation jusqu'au produit fini qui brûle de façon qualitative. Nous développons nos propres machines, nos propres additifs et c’est ce que BIOSFER va démontrer. » Si BioTanah réalise à ce jour un chiffre d’affaires peu conforme avec le potentiel du marché, c’est que la startup est encore sur de la R&D, de la vente de prestations et du conseil. La production de pellets n'est pas encore intégrée mais c’est une affaire de semaines. « On va changer de modèle économique et passer de l'investissement en innovation à de l'industrialisation mature par la production de nos gammes spathe de maïs et paille de riz.» La startup se positionne en BtoB, elle adresse les industriels pour répondre à des besoins de puissances de 50 à 500 kW et le tertiaire au sens large. Acteurs publics et collectivités, pourront utiliser ces consommables pour leurs hôpitaux, EHPAD, bâtiments scolaires... L'entreprise a d'ailleurs profité du dernier Salon International de l'Agriculture (sur invitation VIP du Département des Pyrénées-Atlantiques) pour multiplier les contacts avec des agglomérations et des communautés de communes. Le lieu était aussi propice au sourcing avec des coopératives ou des agriculteurs et à l'échange avec les acteurs de la recherche.Chez BioTanah, on aime l’industrialisation mais on ne peut se passer de R&D. D’où ce projet de Franck Miraux à deux ans, dans un modèle qui « rétablit le cycle de la nature ». Le cercle vertueux commence par la valorisation des résidus végétaux pour les transformer en agrocombustible avec une nouvelle brique : l’utilisation des cendres comme biofertilisant des cultures qui produiront les résidus. Une application concrète de l'économie circulaire.

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