Abys Medical : quand IA et hologrammes révolutionnent l’acte chirurgical - Premium

« Chirurgie 4.0 », « suite logicielle issue du métavers » : difficile de résumer Abys Medical en une poignée de mots. L’entreprise rochelaise, fondée en 2018, promet tout de même de révolutionner le domaine chirurgical. « C’est comme passer d’une carte routière à Waze », compare Arnaud Destainville, cofondateur de la jeune pousse avec Olivier Richard, directeur général du Rochelais Selenium Medical. Lorsqu’ils se lancent dans l’aventure, leur ambition est « simplement » d’améliorer le processus général de prise en charge des patients en chirurgie. En utilisant les technologies les plus avancées, pour aider à la fois durant la préparation de l’opération, et durant son exécution. « Aujourd’hui, il y a une approche générale de la chirurgie un peu contradictoire, qui consiste à soigner mieux, plus vite et pour moins cher, reprend Arnaud Destainville. Et l’une des manières d’aider dans la prise en charge, c’est d’éclairer au mieux les prises de décision, le plus rapidement et sûrement possible. Mais aussi, il s’agit de sortir l’opérateur chirurgical de son isolement. Ça, c’était l’idée générale d’Abys Medical. » Car aujourd’hui, un chirurgien part au bloc « avec 90% du plan d’action dans sa tête », le reste étant des notes, des copies de scanner au mur ou des écrans. À l’image de l’industrie 4.0, Abys Medical promet une numérisation globale de l’acte opératoire, sur mesure. Baptisée Surgiverse, la solution exploite la technologie du cloud computing, et prend la forme d’une suite logicielle collaborative. Une plateforme en SaaS (Software as a service), dotée d’outils permettant à ses utilisateurs de traiter leur matière première, l’imagerie, et de centraliser toutes les informations nécessaires comme les techniques chirurgicales à utiliser. Une fois le plan d’action validé, le chirurgien chausse une paire de lunettes spéciales, et les informations lui sont retranscrites de façon dynamique, grâce à la technologie holographique.Réduire le temps d'intervention Sans surprise, une telle proposition de valeur nécessite un important volet de recherche et développement. D’autant qu’en 2018, lorsqu’Abys Medical s’est lancée, « la moitié des technologies qu’on utilise aujourd’hui n’existaient pas, ou n’étaient pas suffisamment développées », souligne le cofondateur. Il a fallu attendre 2019 et l’émergence du cloud GPU pour optimiser le rendu d’images en 3D, puis décembre 2020, date de commercialisation des Hololens, lunettes de réalité mixte conçues par le géant Microsoft. « Nous sommes partis de zéro pour créer une plateforme qui permet de faire du streaming en 3D, des univers que l’on peut manipuler, pour mettre en place une intelligence artificielle traitant l’image médicale, et aller vers la chirurgie prédictive. » Après avoir déposé un brevet protégeant la structure créée par Abys Medical, les fondateurs ont réalisé, entre 2019 et 2021, un produit minimum viable utilisable chez l’animal. Une solution Surgiverse spécifique, pour traiter les déformations osseuses du fémur et du radius. Un cas d’usage « pas très fréquent, mais qui n’a pas de solution chirurgicale sûre, tant chez l’Homme que chez l’animal », commente Arnaud Destainville, qui précise qu’une vingtaine de chirurgies sur le chien ont ainsi été réalisées. Résultat : la durée des interventions chirurgicales a été réduite de 20 à 50%, pour une fiabilité de 99%.Première opération sur l'Homme en juillet 2023 En 2021, la startup commence à développer l’adaptation de sa technologie pour l’humain. Une étape qui nécessite une structuration importante, pour rendre compatible Surgiverse aux réglementations en vigueur. « On avait mobilisé environ 2,5 millions d’euros avant cela, entre nos fonds propres, un soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et de Bpifrance. Et en juin 2021, nous avons bouclé notre première levée de fonds d’un peu plus de 3 millions d’euros », retrace Arnaud Destainville. À cette occasion, Océan Participations, filiale de capital-développement du Crédit Mutuel Océan, entre au capital de la jeune pousse. Ainsi qu’un board stratégique, pour apporter une vision experte du déploiement médical. Surgiverse se concrétise, et une première version de l’outil est approuvée aux Etats-Unis en décembre 2022… Suivie, le 27 juillet dernier, de la première opération humaine réalisée avec la technologie, à Boston. Une décision d’aller outre-Atlantique qu’explique le cofondateur : « Les Etats-Unis sont le marché n°1 dans notre domaine, et on connaît très bien la FDA [ndlr, Food and drug administration chargée de la surveillance des denrées alimentaires et des médicaments]. En France, si on veut décrocher le marquage CE, il nous faut encore 12 mois. »15 millions de dollars pour accélérerAbys Medical, qui compte 25 salariés dont la quasi-totalité est basée à La Rochelle, travaille pour le moment, outre-Atlantique, avec un réseau de consultants pour « préparer le terrain ». Et a créé deux filiales : l’une au Canada, amenée à devenir « un centre névralgique de la R&D », et l’autre, plus récente, à Chicago. « Dès lors qu’on veut distribuer Surgiverse dans les hôpitaux, c’est plus simple de passer par une filiale », précise ainsi Arnaud Destainville. Si la startup est en phase de démonstration, pour convaincre lesdits hôpitaux, elle mène également des discussions pour boucler un second tour de table, beaucoup plus conséquent : 15 millions de dollars, pour « arriver à pleine puissance, et atteindre ce qu’on prévoit en 2024, c’est-à-dire 250.000 dollars de MRR [ndlr, revenu mensuel récurrent], et 1 million l’année suivante ». Un passage à l’échelle qui nécessitera de nombreux recrutements. Mais les Etats-Unis sont grands et disparates, et la startup vise dans un premier temps 15 états, sur les 50 : « Ceux qui sont riches, avec une population âgée, c’est-à-dire la corne Est et une petite corne sur la côte Ouest », résume le dirigeant. Abys Medical distribuera sa suite logicielle sous une forme d’abonnement mensuel, avec des mises à prix allant de 2.500 à 5.000 dollars, par mois et par utilisateur. Et vise, pour la commercialisation, les distributeurs, les centrales d’achats et les intégrateurs logiciels. Et la France, dans tout ça ? « Nous sommes très bien à La Rochelle, l’histoire de la chirurgie orthopédique est née dans notre pays, insiste Arnaud Destainville. Après, une question plus critique se pose - qui va investir chez nous ? Des fonds commencent doucement à se positionner, mais nous n’avons pas réussi à avoir le soutien des grosses structures. »Abys MedicalFondée en 2018Basée à La Rochelle25 salariésCA : n. c.

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