50 ans de Lauak : « On vise plus de 300 millions d’euros de CA d’ici 2029 » - Premium

Lauak fête ses 50 ans cette année. Pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte est née l’entreprise ? Mikel Charritton : À l’époque, le réseau de sous-traitants en aéronautique était encore très peu structuré. C’est Dassault qui était à l’initiative. Mon grand-oncle connaissait le directeur du site de Biarritz, qui cherchait à développer un réseau en usinage et en chaudronnerie. Deux sociétés ont alors été créées : Charritton Frères pour l’usinage, et Eskulanak, dédiée à la chaudronnerie. Mon père a été partant pour diriger cette dernière, même s’il ne connaissait pas encore le métier. Il a fait un stage de six mois, et la société a démarré avec six salariés. Dassault était notre seul client au départ, puis sont venus Eurocopter, EADS, Latécoère... L’entreprise s’est structurée peu à peu, et mon père a intégré des activités de niche comme la soudure, la peinture, l’assemblage… Il était très tourné vers une démarche franco-française, mais a quand même ouvert un site au Portugal avant mon arrivée, pour rester compétitif. Et vous, quelle a été votre contribution à l’évolution du groupe ?Je suis devenu directeur général en 2006. À ce moment-là, nous faisions 23 millions d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous sommes à 200 millions. J’ai amené une autre stratégie : du développement commercial — notamment en intégrant Airbus dès 2005 — et de la croissance externe. Entre 2010 et 2019, nous avons réalisé huit acquisitions. Et j’ai aussi porté notre développement international.Quels ont été les grands tournants dans l’histoire de Lauak ?La création du site au Portugal en 2003 a été déterminante. Ensuite, la période 2010-2019 avec la croissance externe : usinage à Toulouse, mécano-soudé à Saint-Germain, tuyauterie de bombardier au Mexique et au Canada, implantation en Inde… Et bien sûr, notre entrée chez Airbus en 2005, qui représente aujourd’hui 40 % de notre activité."Mon père a connu des périodes extrêmement dures"Et les moments plus difficiles ?L’aéronautique est un secteur très cyclique. Mon père a connu des périodes extrêmement dures, proches du dépôt de bilan. Ensemble, on a traversé plusieurs crises : en 2002-2003, en 2009, puis celle du COVID. Quand ça va bien, on a trop de travail ; quand ça va mal, le carnet de commandes se vide d’un coup. Il faut gérer la trésorerie, l’endettement, parfois des PSE… Depuis 2021, c’est une autre crise : une crise capacitaire. On a eu du mal à recruter, mais on en sort progressivement, notamment grâce à notre centre de formation Lauak Eskola.Comment votre métier a-t-il évolué en 50 ans ?Avant, on faisait surtout du travail à façon. Aujourd’hui, on nous demande de livrer des sous-ensembles complets, de gérer l’approvisionnement en matière première, la sous-traitance, la conception des outillages, l’industrialisation… Il faut être solide financièrement, accompagner les ramp-ups. Pour travailler avec Airbus, par exemple, il faut faire au minimum 100 ou 200 millions d’euros de chiffre. D’où notre stratégie d’acquisitions et de diversification en termes de métiers et de localisation. Aujourd’hui, on répond aux besoins de nos clients sur trois continents. Je pense qu’on est bien diversifié sur la chaîne de valeur.La décarbonation est-elle un vrai levier de transformation pour vous ?Clairement. Nos donneurs d’ordre comme Airbus ou Safran nous demandent désormais de travailler ces sujets avec les questions de scope. On doit mesurer notre impact carbone et avoir un plan d’action. On a mis en place un service dédié. Certains clients intègrent notre empreinte carbone dans leur notation. On travaille sur deux axes : la réduction de nos consommations d’énergie (gaz, électricité), et l’optimisation des flux pour éviter que les pièces fassent le tour du monde. C’est un sujet qui a pris beaucoup d’ampleur ces trois dernières années.Malgré son développement international, Lauak reste basé à Hasparren. Pourquoi ce choix ?C’est complémentaire, on doit être proches de nos clients, d’où notre politique internationale. Mais par contre, notre ancrage territorial est un pilier de notre identité. C’est ici que nous vivons, et ici que nous avons un bon niveau de productivité et un engagement fort des équipes. Le site d’Hasparren reste proche de nombreux clients français. Pour continuer à le développer, on doit monter en complexité, travailler sur des produits à forte valeur ajoutée. Les pièces simples à forte cadence sont produites dans nos sites « best cost ». Les pièces complexes, elles, restent ici, en France."Nous réfléchissons aussi à une ouverture du capital"Quels sont vos principaux défis aujourd’hui ?Recruter, bien sûr. Mais aussi continuer de nous désendetter après le COVID, et continuer la consolidation de notre position dans la filière avec des acquisitions. Nous réfléchissons aussi à une ouverture du capital pour renforcer notre solidité financière et poursuivre notre croissance.A lire également : Le Pays basque qui s'exporte - D'Hasparren à Bangalore : la stratégie de LauakEt vos priorités stratégiques pour les années à venir ?Continuer l’internationalisation du groupe, mais aussi suivre une feuille de route technologique ambitieuse : nouveaux matériaux, fabrication additive… Nous voulons rester dans la course pour se préparer pour la prochaine génération d’avions. Et renforcer notre place dans la consolidation de la supply chain aéronautique.Comment imaginez-vous Lauak dans les décennies à venir ?Je vois un groupe encore plus international, avec un éventuel partenaire au capital. Une entreprise qui intégrera davantage de technologies, comme la fabrication additive, pour se positionner sur l’avion du futur. On vise plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2029. Et avec un partenaire à nos côtés pourquoi pas 400 à 500 millions en 2030, donc un doublement de taille dans les cinq prochaines années, grâce à de la croissance interne et externe.

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