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Entretien annuel d'évaluation : obligation légale non, absence coûteuse oui...

Opinion
mercredi 03 mai 2023

Marieke Castronovo est avocate en droit du travail et de la sécurité sociale pour le cabinet Fidal à Bayonne. Via la rubrique Opinion, réservée aux adhérents Placéco, Marieke partage ici son expertise en matière d'entretien annuel d'évaluation dans les entreprises.

En l'absence d'organisation d'un entretien annuel d'évaluation par l'employeur, celui-ci s'expose, en dépit de l'absence d'obligation légale spécifique en ce sens, à une condamnation à des dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité.

A l'inverse de l'entretien professionnel dont la tenue est légalement obligatoire tous les deux ans et qui vise à envisager les perspectives d'évolution professionnelle du salarié et les formations permettant d'y contribuer, l'organisation par l'employeur d'un entretien annuel d'évaluation du salarié n'est en principe pas obligatoire (sauf convention collective en ce sens et hors cadre forfait annuel en jours).

Une décision du 13 avril 2023 (n°21-20.043) rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation nous apprend cependant que l'absence d'organisation par l'employeur d'un entretien annuel pour son personnel peut conduire à la caractérisation d'une violation de son obligation de sécurité dès lors qu'il ne peut se prévaloir d'autre(s) moyen(s) de contrôle objectif de la charge de travail des salariés et de l'adéquation de cette charge avec leur vie personnelle.

En effet, en l'espèce, un salarié (qui n'était ni cadre dirigeant, ni en forfait annuel en jours) faisait valoir un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en raison d'une charge de travail excessive et réclamait à ce titre des dommages et intérêts de réparation. La Cour d'appel saisie de ce dossier avait rejeté la demande du salarié et retenu "l'absence de manquement imputable à l'employeur" aux motifs que :

- l’intéressé ne démontrait pas un "rythme de travail important" et que sa responsable lui avait à deux reprises expressément proposé de l’aide pour son activité au cas où il ne serait pas en mesure d'assurer certaines tâches ;

- si la responsable lui avait effectivement adressé de nombreux mails pour lui demander d'accomplir des tâches, les délais impartis lors des demandes initiales étaient raisonnables, et que "si les messages étaient adressés à des horaires tardifs ou lors des fins de semaine, ils correspondaient au rythme de travail de sa supérieure hiérarchique et n'appelaient pas de réponse immédiate";

- l’employeur qui avait assuré le suivi médical du salarié, n'avait pas été destinataire d'une information particulière de la médecine du travail. 

Position infirmée par la Cour de cassation qui considère que "l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs" et que "contrairement à ce qu'il soutenait, l'employeur ne justifiait pas avoir mis en œuvre des entretiens annuels au cours desquels étaient évoquées la charge de travail du salarié et son adéquation avec sa vie personnelle".

D'où un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Faut-il comprendre que si l'employeur ne s'était pas prévalu d'entretiens annuels qui en réalité n'existaient pas, la position de la Cour de cassation aurait été différente ?

Il est fort probable que non au regard de l'esprit de la Haute Cour qui met clairement en évidence l'intérêt de la tenue d'un entretien annuel pour (notamment) évaluer la charge de travail d'un salarié et son adéquation avec sa vie personnelle et familiale.

Conclusion : bien que non légalement obligatoire, l'entretien annuel d'évaluation devient jurisprudentiellement contraint afin de justifier du respect de l'obligation de sécurité de l'employeur. 

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