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NewSpace : Dark va installer et opérer Interceptor depuis Bordeaux, 500 emplois attendus

Innovation
jeudi 21 septembre 2023

Des millions de débris qui complexifient l'usage de l'orbite basse. Crédit : Pexels

Société de protection et de sécurité spatiale, Dark développe Interceptor, un système permettant de retirer les objets dangereux de n’importe quel point de l’orbite basse. Elle vient de signer un partenariat avec l’Aéroport de Bordeaux, en vue d’y installer l’ensemble de ses activités. A la clef, quelque 500 emplois entre R&D, production, maintenance et opérations spatiales. Clyde Laheyne, fondateur et CEO de Dark, détaille pour Placéco tous les tenants et aboutissants de cette prometteuse arrivée en Gironde.

Pour l’heure basée en région parisienne, la jeune pousse Dark porte un projet audacieux, mais ô combien nécessaire. « Des décennies d’exploration spatiale nous font relever le défi du siècle », résume l’équipe. Le problème ? La prolifération des débris dans l’espace. L’Agence spatiale européenne en recense quelque 36.000 de plus de 10 centimètres et des dizaines de millions d’autres plus petits en orbite autour de la Terre. Des outils de surveillance, tels qu’Helix développé par ArianeGroup, permettent d’adresser une partie du problème mais ne suffisent pas. « Dans le spatial, on a atteint le point de non-retour. Il y a suffisamment de débris pour entretenir une auto-prolifération. Cette tendance doit être inversée si on veut garder l’utilité de l’orbite basse », avertit Clyde Laheyne, CEO de Dark dont il est cofondateur aux côtés de Guillaume Orvain (CTO), autre trentenaire ayant lui aussi travaillé au sein du missilier européen MBDA.

La solution ? Interceptor. Annoncé comme « permettant d’accéder à n’importe quel point de l’orbite basse en moins de 24 heures pour en retirer les objets dangereux », le système s’affranchit des coûteux et complexes lancements spatiaux. L’idée est d’installer un mini-lanceur sur un avion de ligne modifié, pouvant décoller d’un aéroport standard avec cette petite fusée amarrée à sa carlingue, avant de la larguer à haute altitude, celle-ci allumant ses propres moteurs pour rejoindre l’espace. Les débris ciblés sont ensuite récupérés puis détruits. « On les accélère volontairement, on les fait rentrer dans l’atmosphère au niveau du point Nemo et ils sont réduits en poussière », explique le dirigeant, citant le point de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée.


La mini-fusée Interceptor peut accéder à l'espace grâce à un avion de ligne modifié. Crédit : Dark

Fondée en 2021, la startup a déjà séduit de grands fonds d’investissements comme Eurazeo, Frst, Kima Ventures (Xavier Niel) et recevant aussi le soutien de Bpifrance, dans le cadre du plan Deeptech. Soit plus de sept millions d’euros de financement réunis. Des contrats ont été signés avec le CNES pour simuler une mission de retrait en urgence mais aussi Arianespace afin d’explorer certaines pistes commerciales. En début d’année, Dark a réalisé des tests de validation technologique (systèmes, calculateurs, propulsion…) en préparation d’une mission de démonstration en orbite prévue en 2026. D’ici la fin de l’année, il est prévu de mettre à feu un moteur cryogénique haute pression « intégralement conçu, fabriqué et testé en France », est-il précisé.

L’espace en direct depuis Bordeaux

En attendant, un protocole d’accord a été signé avec l’Aéroport de Bordeaux-Mérignac. Son directeur général, Simon Dreschel, livre les ressorts de cette jolie prise : « Nous avons une richesse, plus de sept hectares de foncier en front de piste, qui permettent de développer des activités. On essaye d’être au service du territoire et d’une filière. C’est déjà le cas avec l’aéronautique. Le NewSpace est assez dynamique et on va essayer de construire quelque chose autour de ça. » Du côté de Dark, on évoque également « des aspects de compatibilité technique… et le cadre de vie » ! A la clef, le déplacement de l’intégralité de l’activité, qui emploie aujourd’hui 23 personnes. « Dark est une société française qui se veut très verticalisée, pour avoir la maîtrise de son planning et des chaînes industrielles », résume Clyde Laheyne, qui confirme que « tout le business sera à Bordeaux ». Dans un premier temps, l’accord « permettra de réunir les institutions et les collectivités autour d’un planning commun », qui reste à affiner. Première certitude : Dark prévoit les premières embauches sur Bordeaux d’ici mi-2024, sur des installations temporaires. Avant de mettre en œuvre des locaux pérennes. « R&D, chaîne de production, de maintenance, opérations spatiales », déroule le CEO de Dark, « on a encore des curseurs à positionner », reconnaît Simon Dreschel. La société se projette in fine sur quelque 500 emplois.


L'aéroport de Bordeaux a su attirer le projet en proposant du foncier en bord de piste. Crédit : Dark

Interceptor est un système EDR (Emergency Debris Removal, retrait de débris en urgence) d’une capacité de plusieurs tonnes par mission « ayant la particularité d’être plateformisé afin de desservir d’autres marchés existants ». Il sera ainsi également possible de proposer de la mise en orbite SSO (héliosynchrone) de 300kg de charge utile. Mais aussi de réaliser des expériences hypersoniques. « Cela permettra d’expérimenter le comportement de certains objets dans des conditions de vitesse, de température ou d’accélération extrême », explique Clyde Laheyne, qui évoque dans ce cas « une capacité inférieure à la tonne ». Conséquence, les clients seront potentiellement très divers. « C’est une plate-forme multi-missions, avec le même système, pour les agences spatiales, ainsi que certaines sociétés privées », indique sibyllin le dirigeant.

Le prochain SpaceX ?

Le premier vol d’essai est pour l’heure prévu à l’horizon 2028. Jusque-là, plusieurs centaines de millions d’euros seront nécessaires pour donner vie au projet. Une annonce officielle, prévue d’ici quelques semaines, permettra par ailleurs d’en dire plus sur les différents modes de financement de cette ambitieuse feuille de route. « On prévoit des levées de fonds et des prêts », se contente de citer le dirigeant, qui s’autorisera à en dire officiellement plus dans peu de temps. Et d’estimer que, dans son optique de « garder son utilité à l’orbite basse », il estime les besoins entre cinq à dix missions par an. Aux côtés de projets tels que ceux portés par HyPrSpace et son micro-lanceur hybride ou The Exploration Company qui veut diviser par quatre le prix de la logistique spatiale, Dark donne du poids à l’émergence d’une véritable filière NewSpace en Gironde. Si l’audace est accompagnée : « Je suis convaincu que la dynamique du NewSpace peut nous permettre de jouer une carte, estime Simon Dreschel, on verra où s’implantera le prochain SpaceX, mais si on ne tente pas, on n’aura rien. »

Dark
SAS fondée en avril 2021
Siège social à Montrouge (Hauts-de-Seine)
Effectif : 23 personnes
CA : NC

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